Avec « Un son, une histoire », Mosaïque s’intéresse aux petites histoires qui font la grande du hip hop français. Au début des années 2000, alors que le rap sort de sa période « d’âge d’or », les maisons de disque sont à la recherche de la prochaine pépite du rap français. L’unique et intemporelle Diam’s est alors projetée sur le devant de la scène. Elle débarque en 2003 avec « Brut de femme », un album certifié disque d’or et nommé meilleur album de l’année dans la catégorie « rap / hip hop » aux Victoires de la musique en 2004. Le projet est marqué par une collaboration inédite, orchestrée par la rappeuse du 91, qui invite Lino, membre du duo Ärsenik, comme auteur sur le titre Madame qui ?. Djimi Finger, son producteur, nous raconte les coulisses du morceau.
2003. Au cœur du 19e arrondissement de Paris, rue Botzaris, Diam’s est en studio. Derrière la vitre, Lino pose sa voix au micro. Aux côtés de la rappeuse, Djimi Finger, producteur iconique du duo Ärsenik, donne les dernières retouches au titre qui deviendra Madame qui ? : la sixième piste de l’album « Brut de femme » de l’artiste francilienne.
Le compositeur, de son vrai nom Jimmy Mulamba Waiki, chef d’orchestre des plus grands succès de Calbo et Lino, a l’habitude de travailler avec les membres du collectif Secteur Ä. Mais pour la première fois, il collabore avec Mélanie Georgiades, aka Diam’s. Il nous raconte : « À cette époque, elle vient de signer chez le label Hostile. Et pour ce nouvel album, elle a une demande spéciale. Elle veut que Lino écrive l’un de ses morceaux. Stéphane, l’un des mecs du label Première Classe, a donc fait appel à moi pour produire le son. »
Le producteur sample le titre Heartbeat de Gary Wright. Des sonorités tendances à l’époque où Diam’s est en pleine préparation de son deuxième projet dans lequel elle veut mettre en avant l’écriture de Lino. Il.elle.s se retrouvent en studio : « Lino kick le morceau en one shot. Mélanie est vite rentrée dans l’univers et a posé ensuite. Le son était né », explique Djimi Finger, qui se souvient de cette session comme d’un « super bon moment ».
Lino. Crédit : Romain Rigal.
En invitant le rappeur, Diam’s passe une commande comme les américain.e.s en ont l’habitude. Une pratique peu répandue en France et qui fait dire au compositeur de Madame qui ? : « Elle était vraiment précurseur. À l’époque c’était mal vu qu’il y ait un “ghostwriter” même si, pour le coup, il n’était pas caché. Je pense que c’est mieux passé auprès de tout le monde parce que la démarche venait d’une femme. Imaginez si elle avait écrit un track pour un homme, ça aurait fait scandale. Lino avait déjà écrit pour d’autres rappeurs et ça ne passait pas si bien. »
L’artiste n’a d’ailleurs aucune intention de laisser dans l’ombre l’auteur du titre. Bien au contraire. Lino confiait d’ailleurs à Booska‑p : « Diam’s, quand elle m’a appelé pour que je lui fasse un texte, le premier truc que je lui ai dit c’est “mais pourquoi tu me demandes ça, t’écris bien, tu n’as pas besoin de moi !” (rires). En fait, elle voulait vraiment faire un petit hommage et donc revendiquer que c’était mon texte. »
C’est ainsi sans surprise que Mélanie nomme le track Madame qui ?, en référence à l’incontournable Monsieur qui ?, présent sur le deuxième album studio d’Ärsenik (« Quelque chose a survécu… »). Un clin d’œil à celui qui fait briller son style le temps d’un morceau et un honneur pour celle qui saluait le groupe dans Mon répertoire (« Brut de femme »). Avec ce titre, elle rendait hommage à toutes ses inspirations musicales et laissait entendre, déjà, la voix de Lino : « À tous ceux qui déroulent, qui défoncent et qui froissent : Ärsenik, (tu sais). »