Mosaïque
DMS

Depuis la sor­tie du morceau Bad Luv en juil­let 2020, DMS s’est fait dis­cret. Pour­tant, der­rière les murs du stu­dio Avlanche à Ivry-sur-Seine, le rappeur de 22 ans con­coc­tait en douce son pre­mier pro­jet : « Rideaux bleus », paru le 10 décem­bre dernier. Pour l’oc­ca­sion, il a invité de jeunes con­frères, à savoir La Fève, 99 et Chanceko (et Le Motif, NDLR). Tous font par­tie d’une généra­tion d’artistes prometteur.se.s, « la new wave », qui tente de bous­culer les codes du hip-hop français. DMS incar­ne ces nou­velles inspi­ra­tions et ce souf­fle de fraîcheur. Jusqu’i­ci réservé dans les médias, il a accep­té de lever le rideau sur sa per­son­nal­ité pour Mosaïque. Le pro­duc­teur 99, le com­pos­i­teur Guapo du Soleil et le réal­isa­teur SwimThe­Dog, proches du rappeur, ont aus­si joué le jeu de la con­fi­dence. Portrait.


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C’est une vague qui défer­le sur le rap français. Une vague couleur arc-en-ciel, tein­tée du jaune de Khali, des reflets lotus de Sonbest, du rouge de Chanceko et qui ne pou­vait s’échouer sur la plage de 2021 sans se drap­er du bleu de DMS. L’artiste a pris le large le 10 décem­bre 2021 avec son pro­jet « Rideaux bleus », venant clô­tur­er aux côtés de La Fève une année col­orée par « la new wave » du rap français. Dans ce fra­cas de couleurs, DMS se devait d’apporter sa touche au tableau. Nous l’avons ren­con­tré au stu­dio Avlanche d’Ivry-sur-Seine. Caché der­rière ses lunettes de soleil, encore fatigué de la veille, vêtu d’un pull flo­qué « Laîla », il explique : « Rideaux bleus, c’est une référence au ciel, à quelque chose d’assez mys­tique et nébuleux, ça touche aus­si à la religion. » 

Le rappeur avait ce pro­jet en tête depuis plus de deux ans, date à laque­lle sa car­rière musi­cale prend une tour­nure sérieuse lors de sa ren­con­tre avec l’artiste Chanceko. Les deux rappeurs se voient pour la pre­mière fois au 99 stu­dio, un lieu d’enregistrement qui porte le nom de son créa­teur, 99, pro­duc­teur devenu l’un des vis­ages de la next gen. L’alchimie passe et à trois, ils créent le titre Bad Luv.

Pen­dant l’été 2020, le titre devient un nou­v­el hymne du rap under­ground et atteint le mil­lion de streams sur Spo­ti­fy. « C’est mon pre­mier suc­cès. C’est à ce moment là que j’ai sen­ti une vraie hype qui m’a poussé à con­tin­uer en solo et à con­firmer les attentes », con­fie l’interprète. Cette poussée artis­tique, 99, l’a lui aus­si ressen­ti : « Pour tout le monde, ça a été un point de départ. Ça nous a don­né une grosse crédi­bil­ité pour la suite. Grâce à ça, DMS a pu négoci­er un bon deal en label. »

DMS et Guapo du Soleil : un début en binôme 

Avant de créer son pro­pre label, Ciel, en dis­tri­b­u­tion avec la mai­son de disque Wagram Music, c’est dix ans plus tôt que DMS com­mence timide­ment à rap­per à l’âge de 12 ans lorsque sa mère ramène un ordi­na­teur à la mai­son. Il com­mence des « vieilles prods », tel qu’il les qual­i­fie, réal­isées sur le logi­ciel Garage­band en enreg­is­trant des morceaux qu’il a depuis sup­primé pour « ne laiss­er aucune traces ». Comme beau­coup de rappeur.se.s, c’est donc dans sa cham­bre des Hauts-de-Seine que tout com­mence. C’est aus­si là qu’il ren­con­tre celui qui devien­dra son meilleur ami dans la musique, le com­pos­i­teur Guapo du Soleil. 

Les deux ado­les­cents sont dans le même lycée et Guapo est ami avec le frère de DMS chez qui il passe beau­coup de temps. Alors qu’un jour il est « posé » dans le salon, il entend une mélodie sor­tir de la pièce où se terre l’apprenti rappeur. Guapo se sou­vient : « J’avais com­mencé à rap­per à cette époque mais je n’avais jamais fait de son. Je suis ren­tré dans sa cham­bre, j’ai trou­vé que ce qu’il fai­sait était super lourd. On a enreg­istré un son qui était pas ouf. Et moi, der­rière je me suis vite ren­du compte que j’étais nul donc je suis passé de l’autre coté des machines pour produire. » 

DMS est un ado­les­cent pas­sion­né qui ne sort pas beau­coup de chez lui. Après le lycée, son bac ES en poche, il pour­suit trois ans de droit sans grande con­vic­tion. Dès qu’il touche un peu d’argent, il l’investit dans du matériel pour enreg­istr­er chez lui. De temps en temps, il fréquente un stu­dio gra­tu­it au sous-sol du con­ser­va­toire de sa ville mais « ça a com­mencé à devenir sérieux il y a deux trois ans lors de mes pre­mières gross­es ses­sions au stu­dio 99 », explique DMS. 

L’énergie du collectif façon new wave

Les mois passent et le stu­dio 99 dis­paraît. Les jeunes artistes qui s’y réu­nis­sent trou­vent un nou­veau refuge au sein des stu­dios de pro­duc­tion Avlanche à Ivry-sur-Seine. Ici, inter­prètes et pro­duc­teurs se croisent, dis­cu­tent et tra­vail­lent spon­tané­ment. C’est au milieu de cette effer­ves­cence musi­cale que DMS prend ses mar­ques et forge son iden­tité. Le com­pos­i­teur 99 l’a vu évoluer : « Depuis le début, il est trop fort en topline (un air musi­cal, NDLR) et il écrit super bien. Mais petit à petit, il a gag­né de la con­fi­ance et il a pris un niveau excep­tion­nel. Les sons qu’il fait en ce moment sont encore un cran au dessus. »

C’est au cœur de ce mou­ve­ment que, comme cha­cun des pro­jets de cette nou­velle vague, tout se con­stru­it en équipe. DMS ressent cette énergie comme « une quête de créa­tiv­ité per­pétuelle ». Un esprit col­lec­tif « qui ne s’arrête jamais de pro­duire et autour duquel se dégage une vraie vibe positive ». 

Entouré, il com­mence à con­stru­ire son pro­jet « Rideaux bleus » en 2019. DMS explique : « La phase de con­cep­tion de l’album a été longue pour con­stru­ire un pro­jet vrai­ment cohérent. J’ai tra­vail­lé chaque son pour qu’ils se répon­dent les un les autres. » « Rideaux bleus » racon­te l’histoire d’une soirée où l’ambiance décline petit à petit avant de retomber dans les tra­vers de la mélan­col­ie : « Plus l’album avance, plus il prend une tour­nure per­son­nelle, avec une ambiance de fin de soirée où je dis­cute avec l’auditeur en lui racon­tant mes baraudes en ville. » En dix titres, DMS dit vouloir retran­scrire « le sen­ti­ment des couleurs de la ville ». 

La Fève, 99, Le Motif et Chanceko

Impos­si­ble pour le rappeur orig­i­naire du 92 d’organiser une soirée sans inviter ses acolytes. La Fève se tape l’incruste sur le morceau Promess­es, le pro­duc­teur 99 s’invite sur Coeur vides, poches pleines tan­dis que Le Motif fait son entrée avec Par­ti­c­ulière et que Chanceko ren­tre sur la piste sur Pen­den­tif. Der­rière les platines, c’est le com­pos­i­teur Guapo du Soleil qui mène la danse : « Ce pro­jet a été con­stru­it comme une carte de vis­ite pour mon­tr­er un pan­el de ce qu’il est capa­ble de faire et de ce qu’il aime. Il a gardé des sons plus chauds tout en allant vers des sonorités moins chaleureuses sur Vide qui est plus mélan­col­ique ou House qui envoie un peu plus. » 

Guapo garde un bon sou­venir de la con­cep­tion du morceau House : « On a organ­isé une fête quand je vivais encore chez ma daronne, il y a presque deux ans. C’est là qu’avec DMS, on a cap­té Junior Alaprod pour la pre­mière fois (com­pos­i­teur de trois titres du pro­jet, NDLR). On était même pas par­tis pour faire du son mais l’ambiance était telle­ment lourde qu’elle a don­né nais­sance à House. Ce titre, c’était une évi­dence. Tout le monde dans la pièce trou­vait ça incroyable. »

C’est aus­si dans ce groupe créatif que DMS croise la route du réal­isa­teur SwimThe­Dog. Leur dernière col­lab­o­ra­tion : le clip du morceau Rideaux Bleus. L’homme der­rière la caméra se rap­pelle : « Il m’a beau­coup sur­pris. Il était très à l’aise devant la caméra. On a pen­sé un décor avec des toiles partout, c’é­tait un délire. Nous n’avions pas trop de bud­get, mais on y a mis beau­coup de spon­tanéité. Son univers se démar­que vraiment.»

« DMS a un rôle rassembleur pour cette génération »

Le pro­jet est aus­si une con­sécra­tion de plusieurs années de tra­vail pour DMS. À désor­mais 22 ans, le rappeur a su prou­ver ses qual­ités de toplineur (celui qui écrit la mélodie vocale et les paroles par-dessus une prod, NDLR) avec un disque d’or obtenu sur le morceau Miel de Wej­dene : « Ça fait quelque chose de ramen­er une plaque à la daronne. Ça a été une pre­mière récom­pense matérielle. Elle m’a per­mis de con­cré­tis­er auprès de mes proches et dans le monde de la musique. Mais main­tenant, je veux tra­vailler mon iden­tité de rappeur. » 

Avec « Rideaux bleus », DMS tient à s’affirmer en tant qu’artiste. Pour Guapo du Soleil, l’importance de DMS au sein de la new wave du rap français dépasse le cadre musi­cal. Selon lui, « c’est un mec qui a un rôle rassem­bleur pour cette généra­tion. Il est hyper socia­ble, super pote avec tout le monde. C’est impor­tant d’avoir quelqu’un comme ça quand un courant se développe. » 

Si encore aujourd’hui, les ren­trées d’argent issues de la musique sont « très irrégulières » pour lui, DMS trace son chemin entouré des siens, préférant pour l’instant ne pas dévoil­er l’origine de son nom de scène. Une chose est sûre : tous ses proches inter­rogés évo­quent un blagueur dans l’âme avec le cœur sur la main.

Guapo l’assure : « DMS, c’est un des mecs avec qui on rigole le plus. Il est sou­vent chez moi et tous les soirs, on pleure de rire. C’est aus­si un des mecs les plus fidèles que je con­naisse. Je sais que je peux lui par­ler de nimporte quoi que ce soit par rap­port à la musique ou non. Cest un mec de bons con­seils, grave à l’écoute. C’est un per­son­nage ras­sur­ant à avoir à ses cotés. Tu peux tou­jours compter sur lui. Cest un mec que je chéris de fou dans mon entourage. Cest un peu à leau de rose mais cest sincère (rires). Il fait le bien autour de lui. » Une ver­sion con­fir­mée par 99 en quelques mots : « DMS, c’est le plus love de tous. » 

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