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Ziak

Début novem­bre, Ziak a fait trem­bler le paysage du rap français avec son nou­v­el album « Akim­bo ». Doté d’un démar­rage excep­tion­nel pour son pre­mier disque, le rappeur est resté silen­cieux avec pour seule com­mu­ni­ca­tion des clips remar­quables et des textes four­nis. Pour la pre­mière fois, l’un des mem­bres de son entourage prend la parole et a accep­té de répon­dre à nos ques­tions. Il s’ag­it de Focus Beatz, com­pos­i­teur de sept titres du pro­jet. Le pro­duc­teur nous emmène dans les couliss­es de la pro­duc­tion d’« Akim­bo » et nous racon­te les rouages de cette drill qu’il qual­i­fie de « dif­férente ». Une exclu­siv­ité Mosaïque.


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Un mys­térieux 11 novem­bre 2021, « Akim­bo » est dévoilé avec une pochette énig­ma­tique et une track­list dis­crète de 17 titres. La com­mu­ni­ca­tion autour du pre­mier album de Ziak est réduite à néant. Ni inter­view, ni déc­la­ra­tion. La musique du rappeur assure la seule pro­mo­tion du pro­jet. Reste alors son ban­dana, sa pos­ture et ses flows agres­sifs et tran­chants. Son entourage se fait d’ailleurs tout aus­si dis­cret pour laiss­er toute la place à l’éclosion du phénomène.

Der­rière ce suc­cès, une armée de com­pos­i­teurs sélec­tion­née avec minu­tie. Par­mi eux, Focus Beatz. Le pro­duc­teur orig­i­naire de Saint-Éti­enne a accep­té de répon­dre à nos ques­tions en veil­lant toute­fois à ne pas trahir le secret savam­ment cul­tivé autour de l’artiste. Une pre­mière sor­tie médi­a­tique exclu­sive qui paraît presque éton­nante. Cet entre­tien con­sti­tu­ant l’unique fenêtre ouverte sur l’univers et la musique de cet inter­prète venu du 91.

Fixette, la première lame d’« Akimbo »

Tout com­mence le 14 jan­vi­er 2020. Ziak présente son pre­mier sin­gle Dou­ble Dash. Le morceau devient viral et le com­pos­i­teur repère son poten­tiel. Il nous con­fie : « Après avoir écouté ce morceau, je me suis dis qu’il y avait moyen que ça pète pour lui. Le flow, l’attitude… il était dif­férent. Il s’est réap­pro­prié les codes de la drill UK. Artis­tique­ment, je savais que ça allait aboutir. »

Après la claque audi­tive, Focus Beatz s’imagine col­la­bor­er avec lui. Pen­dant des mois, il pré­pare « trois ou qua­tre prods » à lui envoy­er : « Je voulais être sûr qu’il ne dirait pas non, alors j’ai pris mon temps. »

Sa sélec­tion fait mouche. Le rappeur le rap­pelle dans la foulée : « Il m’a dit que c’était fort. » Les deux hommes ne le savent pas encore, mais par­mi ces quelques instru­men­tales se cache celle qui don­nera nais­sance au titre Fix­ette. À cette époque, ils tra­vail­lent à dis­tance. « Quand il m’a envoyé Fix­ette, j’étais choqué. Il n’avait rien changé sur ma prod. Il m’a sur­pris, surtout dans sa manière de pos­er. Et il avait déjà large­ment dépassé mes attentes. J’aime les gens qui pren­nent des risques et sur cette prod je ne voy­ais que lui en France. » Vingt-trois mil­lions de vues plus tard, le morceau devient sin­gle d’or, la plus grande réus­site com­mer­ciale de Ziak.

L’aventure est lancée, les deux artistes finis­sent par se crois­er : « Ziak en stu­dio : c’est quelqu’un de som­bre pour de vrai, le per­son­nage est réel. Il a cette énergie. C’est un putain de bosseur. Quand on est entre nous c’est un décon­neur, mais quand on tra­vaille, on tra­vaille. C’est aus­si une ren­con­tre entre deux pas­sion­nés, on s’apprécie beau­coup. Mon défi, dès le début, ça été de pro­duire de la drill qui nous ressem­ble. Il fal­lait qu’on se dif­féren­cie, qu’on apporte une iden­tité nou­velle… »

Une nouvelle recette drill pour Ziak

À coup de ses­sions de stu­dio régulières, les pre­miers traits de l’album se dessi­nent. Mais c’est lors de deux rési­dences qu’« Akim­bo » s’est finale­ment struc­turé. L’une dans le nord de la France, l’autre dans le sud, dans des maisons dont le pro­duc­teur a préféré taire l’adresse. C’est ici que les com­pos­i­teurs du pro­jet se réu­nis­sent autour du rappeur. Par­mi eux, Sam Tiba, Dr Dev­il et Hell­boy, qui n’ont pas don­né suite à nos sol­lic­i­ta­tions. Focus Beatz racon­te : « Tout le monde était là, tous les crédits de l’album. Lorsqu’on est arrivé, cha­cun a choisi sa cham­bre, a pris sa douche, a mangé, avant de char­bon­ner. On a fait beau­coup de ses­sions d’écoutes, on a écouté beau­coup de son. L’ambiance était très bonne, c’était du kiff et on a com­posé la majorité du pro­jet là-bas. »

Pen­dant des séances de tra­vail, se pose alors la ques­tion de la var­iété des prods, pour don­ner du relief au pro­jet : « La drill peut être redon­dante et on s’est dit qu’on allait éviter ça. Je voy­ais l’album se dessin­er, je pro­po­sais des choses, j’avais des idées qui ne se répé­taient pas. On s’est fait con­fi­ance, on voulait aller plus loin qu’une recette qui marche déjà ! », déclare-t-il, non sans un clin d’œil aux récents suc­cès du genre en France. Il ajoute : « Sou­vent on met un piano reverse (à l’en­vers, NDLR), c’est som­bre, boom tu attaques avec une ryth­mique, et tu as ta prod drill. Non, moi je cherche beau­coup plus loin. J’ajoute d’autres élé­ments, des syn­thés, des VST (un for­mat de plu­g­in qui per­met d’a­jouter des instru­ments et des effets au logi­ciel de créa­tion, NDLR)… et de la mélodie ! »

Des inspirations moins ténébreuses

Lors de la pré­pa­ra­tion du fea­tur­ing avec Maes, Rhum & Machette, c’est d’ailleurs à coup de mélodies que Focus Beatz va pré­par­er l’instrumentale. « Je devais faire quelque chose qui réu­nit les deux artistes. J’avais ten­té une prod plus lumineuse et une autre que j’avais appelé « Ange déchu » au cas où Maes voudrait touch­er le côté som­bre de Ziak. Finale­ment, j’étais sur­pris mais c’est celle-ci qu’ils ont gardé. Il a vrai­ment voulu ren­tr­er dans le délire de l’album », décrit-il.

Au milieu de la fresque vio­lente que dépeint « Akim­bo » se cache une légère éclair­cie : Shon­en. Là encore, tout part de la com­po­si­tion. Focus Beatz se sou­vient : « Je voulais vrai­ment que les gens puis­sent l’entendre sur un autre reg­istre et que Ziak puisse se livr­er dessus et déjà aller vers quelque chose d’autre. » Au menu du morceau : « Un piano triste, quelques effets, une sirène de police, une ryth­mique légère où on sent les mou­ve­ments drill quand même. Quand je com­po­sais, je voy­ais des scé­nar­ios : une descente de keuf en bas de chez lui, une his­toire triste où tu perds un proche… »

L’explosion de Ziak et la nouvelle vie de Focus Beatz

Lorsque nous pub­lions cet arti­cle, le morceau fait par­ti des six titres les plus streamés du pro­jet sur Spo­ti­fy : « Shon­en c’est tout le con­traire de ce qu’il a pu pro­pos­er. Et le pub­lic a été super récep­tif. J’étais choqué à la sor­tie. » Mais la sur­prise du pro­duc­teur est ensuite bien plus grande. Même s’il savait le pro­jet « atten­du », l’accueil du pub­lic dépasse tout ce qu’il avait pu imag­in­er. La pre­mière semaine est tri­om­phale : 18 766 ventes. Le disque arrache la pre­mière place du top album et signe un meilleur démar­rage que Leto ou encore le « Clas­si­co Organ­isé ». Cerise sur le gâteau, il rem­plit son pre­mier con­cert à La Cigale à Paris en seule­ment 24 heures et ajoute une date au Zénith de Paris en 2023.

Lorsque le pro­jet est libéré sur les plate­formes de stream­ing à minu­it, le com­pos­i­teur stéphanois n’en revient pas : « Je n’ai pas dor­mi cette nuit. Quand j’ai vu les retours, ça m’a apaisé. Les chiffres étaient déli­rant. » Cette per­for­mance fait ren­tr­er Ziak et les com­pos­i­teurs du pro­jet dans une dimen­sion nou­velle. « Tout a changé pour moi, con­fie Focus Beatz. Pro­fes­sion­nelle­ment, c’est mon pre­mier suc­cès. J’ai plus de gens autour de moi, j’ai passé un cap. Ma car­rière a pris un grand coup d’accélérateur et d’ici l’année prochaine je vais arrêter de tra­vailler à côté pour me con­sacr­er unique­ment au son. » 

S’il ne réfute pas la per­spec­tive de refaire de la musique aux côtés du rappeur, le musi­cien reste évasif. D’abord, il va devoir encaiss­er la nou­velle tra­jec­toire qu’a pris sa vie, bous­culée par « Akim­bo ». L’esprit drill. 


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