Mosaïque
Hip Hop Symphonique

Pour cette six­ième édi­tion du Hip Hop Sym­phonique, ce sont sept nou­veaux artistes qui foulent la scène de l’auditorium de Radio France pour inter­préter leurs morceaux aux côtés d’un orchestre sym­phonique. Aux manettes, le musi­cien Issam Kri­mi et son groupe, The Ice Kream, réarrangent les titres des inter­prètes pour leur don­ner un sec­ond souf­fle. Cette année, Mosaïque s’est ren­du dans les couliss­es de l’événement. Reportage. 


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Dans la salle de l’auditorium de Radio France, quelques notes de piano réson­nent. Une voix s’élève : « Les Champs-Elysées bril­lent avec la lumière de l’Afrique ». Puis, tout l’orchestre s’emballe. Sur scène, le rappeur Dinos, emmi­tou­flé dans une doudoune orange vif, déclame son texte accom­pa­g­né par les voix des cho­ristes. Pour la pre­mière fois, le rappeur de La Courneuve inter­prète la ver­sion sym­phonique de son morceau XNXX devant une salle aux sièges pour l’instant vides. 

En ce jour de répéti­tion, les artistes de la six­ième édi­tion du Hip Hop sym­phonique sont venu.e.s répéter leurs presta­tions qui aura lieu le lende­main. L’occasion pour chacun.e d’en­tre eux.elles de faire les derniers ajuste­ments comme pour Dinos qui demande à enten­dre sa voix plus fort dans son retour. À ses côtés, on retrou­ve Doria, Ben­jamin Epps, MC Solaar, Bis­so Na Bis­so, Selah Sue et Laeti. Comme pour chaque édi­tion, Bruno Lafore­strie, directeur de Mouv’, explique avoir pen­sé une pro­gram­ma­tion équili­brée : « Ce que nous voulons faire, c’est mélanger les généra­tions avec de jeunes tal­ents et des légen­des du rap. Mais aus­si met­tre en avant la scène rap féminine. » 

Toute­fois, le musi­cien Issam Kri­mi reste le chef d’orchestre de l’événement. Il choisit les participant.e.s et peut se per­me­t­tre de refuser cer­taines propo­si­tions : « Tous les morceaux ne peu­vent pas venir au Hip Hop Sym­phonique. Si aucun titre ne per­met de faire des arrange­ments, je peux me per­me­t­tre de dire non, ou tout sim­ple­ment si esthé­tique­ment je ne suis pas fan de l’univers de l’artiste. Et ceux qui pensent ne pas avoir de sons com­pat­i­bles avec un orchestre sont sou­vent ceux qui s’adaptent le mieux. » 

Un événement unique pour les artistes 

Avant la représen­ta­tion, le choix des tracks fait d’ailleurs l’ob­jet d’une longue con­cer­ta­tion entre les artistes et la tête du groupe The Ice Kream : « Cette année, Dinos a été un cas intéres­sant parce qu’il a une cul­ture du sam­ple. C’était com­pliqué de réarranger le morceau El Pichichi en ver­sion sym­phonique parce qu’il y a une boucle de vio­lon. Et avec l’orchestre, on ne peut pas la répéter tout le morceau sinon c’est ennuyant pour tout le monde. Mais on est par­venu à détourn­er ça. Chaque mélodie à sa réponse. »

Il y a aus­si des réper­toires plus faciles à réarranger comme celui de Doria. Quelques min­utes avant, elle se trou­vait à la place de Dinos sur scène pour répéter ses morceaux. Dans son ensem­ble jog­ging vert et noir, elle donne vie au morceaux Good­bye et Donne-moi la main, les deux morceaux « les plus touchants de son réper­toire » selon la rappeuse. Après un pre­mier essai, elle demande à ce que les voix des cho­ristes soient moins fortes dans son oreil­lette. Pour Doria, le Hip Hop Sym­phonique est une expéri­ence inédite : « Le fait d’être accom­pa­g­née par un orchestre sym­phonique rend le moment très par­ti­c­uli­er. Il y a des instru­ments, comme la con­tre­basse, que je n’ai jamais enten­du. » Elle regarde chaque édi­tion tous les ans et reste mar­quée par les presta­tions de SCH et Soolk­ing. La jeune femme orig­i­naire de Nan­terre (92) se dit fière de se retrou­ver aux côtés de MC Solaar, venu répéter son clas­sique Car­o­line

Un autre ténor du rap français aurait dû être à l’affiche de cette édi­tion en la per­son­ne de Rim’K. Avec le pianiste Issam Kri­mi, il devait créer ensem­ble un morceau inédit, conçu spé­ciale­ment pour l’événement. Mais le rappeur a finale­ment man­qué de temps et c’est le groupe Bis­so Na Bis­so qui a été appelé à la rescousse pour le rem­plac­er. Déjà présents sur l’édition précé­dente, ils revi­en­nent donc cette année pour inter­préter une deux­ième fois leur sin­gle Bis­so Na Bis­so. Une nou­velle qui a réjoui le groupe racon­te Pas­si, l’un des mem­bres : « C’est un sin­gle que l’on a chan­té dix mille fois, on a l’habitude. Mais cette ver­sion sym­phonique nous fait du bien. C’est jouis­sif de pou­voir le refaire sur cette scène. » Se réu­nir leur donne même envie de se reformer : « Ça nous tra­verse l’esprit. On y pense sou­vent ! Il y a des inédits qui exis­tent et il y en aura dans mon prochain album », indique Cal­bo.

Ouvrir l’événement à tous 

Par­tic­u­lar­ité de cette édi­tion : une ouver­ture inter­na­tionale et à d’autres gen­res musi­caux avec l’invitation de la chanteuse Selah Sue, qui sera accom­pa­g­née de Ben­jamin Epps, absent des répéti­tions, sur le morceau Hur­ray. Selon Bruno Bout­leux, directeur général de l’Adami (Société civile pour l’ad­min­is­tra­tion des droits des artistes et musi­ciens inter­prètes), « le moins il y a de fron­tières entre les gen­res, le mieux on se porte ». Pour le directeur de Mouv’, l’événement est aus­si l’occasion d’inciter les artistes à s’essayer à autre chose : « En 2017, après sa presta­tion, Nin­ho nous avait dit qu’il com­pre­nait main­tenant pourquoi les gens écoutent Mozart. Beau­coup d’artistes rap n’ont jamais eu d’expériences avec de vrais musi­ciens. » Une ambi­tion partagée par Bruno Bout­leux et qui con­cerne égale­ment le pub­lic : « Les per­son­nes qui assis­tent à l’événement for­ment un pub­lic dif­férent de celui qui a l’habitude d’être dans l’auditorium de Radio France. L’idée, c‘est aus­si de décloi­son­ner les gen­res et ouvrir le clas­sique à un autre public. »

Ouvrir le clas­sique à un autre pub­lic dont les sourd.e.s. Pour la qua­trième fois, des chansigneur.se.s sont présent.e.s sur l’évènement. Sur scène, à droite des artistes, Errem­si, Élo­dia, Jen­nifer, Vinz et Slam traduisent les morceaux en langue des signes : « Ce n’est pas juste artis­tique et esthé­tique. Le plus impor­tant pour nous, ce n’est pas de faire du mot à mot mais de redonner le sens du morceau », explique Élo­dia. Pour traduire un texte, il est essen­tiel de com­pren­dre ce que l’artiste a voulu dire selon son col­lègue Errem­si : « Par exem­ple, si on traduit Dinos, il faut être Dinos. On doit se fon­dre dans le per­son­nage, il faut pren­dre ses codes, avoir vu des inter­views et com­pren­dre les références. » 

Par­fois, l’ex­er­ci­ce se com­plique : « Lorsque SCH par­le du « son des gui­tares », il est impor­tant qu’on traduise le fait qu’il par­le de kalach­nikovs. C’est pour ça que l’idéal pour nous c’est de pou­voir échang­er avec les artistes pour respecter leur inten­tion. Mal­heureuse­ment, c’est encore rarement le cas. » Le Hip Hop Sym­phonique reste pour les chansigneur.se.s le plus grand événe­ment de scène en France. Errem­si tient toute­fois à nuancer : « Ça rend le con­cert bilingue mais pas acces­si­ble. Parce que tout le reste de l’événement est décidé par rap­port aux gens normés. »

Pour clô­tur­er la journée de répéti­tions, l’artiste Laeti, guest star de cette édi­tion inter­prète Rid­er toute la night sur une scène qu’elle con­naît bien pour l’avoir foulée lors de la scène finale de la série « Validé ». Mais cette fois, les sen­sa­tions sont dif­férentes : « Dans la série, c’est l’Alpha qui joue le morceau. Cette fois, c’est Laeti. » Nou­veau vis­age de la sphère rap, Laeti sem­ble stressée lors des répéti­tions et se fie sou­vent au regard d’Is­sam Kri­mi pour se ras­sur­er : « Je suis très exigeante envers moi-même. Je pense que je me sen­ti­rai bien après ma presta­tion quand j’aurai tout don­né. En tout cas, je suis super fière d’être ici, ça me donne l’impression d’être une vraie artiste. Je me retrou­ve à côté de gens qui pour moi sont des stars. » En décem­bre, son titre Rid­er toute la night sera disponible en ver­sion sym­phonique sur toutes les plate­formes de stream­ing. Une pre­mière dans l’his­toire de la céré­monie. Mais avant ça, c’est le lende­main, same­di 20 novem­bre, que Laeti a rejoué son morceau à l’oc­ca­sion de la pre­mière représen­ta­tion. Cette fois, le pub­lic ent­hou­si­aste était bel et bien présent pour assis­ter aux per­for­mances des artistes et des 400 musicien.ne.s de Radio France. 


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