Mosaïque

Rim’K, Dad­ju, Leto, Veg­e­dream… La liste des col­lab­o­ra­tions de Béni Bass est longue. Ce pro­duc­teur de Vit­ry-sur-Seine vibre pour le son depuis ses pre­miers pas et s’est pro­fes­sion­nal­isé à l’ado­les­cence. Désor­mais devenu un com­pos­i­teur aguer­ri de 26 ans, il se con­fie pour la pre­mière fois sur ses mau­vais­es expéri­ences avec une indus­trie musi­cale pas tou­jours ten­dre. Entre naïveté et désil­lu­sions, il veut dénon­cer et prévenir.


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« À McDo, on ne voit jamais celui qui fait le sand­wich, mais tou­jours celui qui te le vend. Pour les com­pos­i­teurs en France, c’est pareil. C’est le mec qui est caché dans la cui­sine. Celui dont on ne par­le pas beau­coup, qu’on crédite seule­ment de temps en temps et dont on prof­ite. Tous les com­pos­i­teurs se man­gent des carottes en début de car­rière, on est très naïfs, mais on en par­le pas. Aujourd’hui, je vis de ma musique et je pense avoir com­pris les ficelles de cette indus­trie qui abuse de son pou­voir. Il est grand temps de faire de la préven­tion.

Il faut que les beat­mak­ers qui se lan­cent se pro­tè­gent et se ren­seignent sur leurs droits. Même si au début, c’est sou­vent David con­tre Goliath. Je m’explique. En 2019 par exem­ple, j’ai envoyé une palette d’instrumentales à un artiste, une des têtes d’affiche du rap français. Sur mes dix prods, sept ont été retenues. On m’a ensuite demandé si j’avais un édi­teur. Son équipe m’a expliqué que ça ne serait pas pos­si­ble de boss­er avec moi si j’étais édité parce qu’ils voulaient empocher mes droits d’édition. Pour qu’en cas de sin­gle d’or, ça soit le jack­pot pour eux. 


Qu’est-ce que l’édition ? Mosaïque vous explique !

Après la con­fec­tion d’une œuvre musi­cale, pour pou­voir percevoir ses droits d’auteurs, il faut la dépos­er à la Sacem (La Société des auteurs, com­pos­i­teurs et édi­teurs de musique). L’œuvre per­met de percevoir deux types de droits : les droits d’auteur-compositeur (qu’on appelle les droits d’auteur) et les droits édi­to­ri­aux. Mais il est pos­si­ble que l’auteur-compositeur puisse céder la total­ité ou une par­tie de ces parts édi­to­ri­ales à un édi­teur. Cette société est en charge de pro­mou­voir l’œuvre, de lui faire génér­er des revenus (dif­fu­sion en radio, en playlist, en faire faire une reprise par un inter­prète, la plac­er dans des films, des pub­lic­ités, etc.).

Un con­trat est dressé entre l’au­teur-com­pos­i­teur et l’éditeur et les revenus générés par l’œuvre sont donc repar­tis entre les deux (50 % min­i­mum pour l’auteur-compositeur et la part de l’éditeur est vari­able selon le con­trat et les exploita­tions). Les pro­duc­teurs indépen­dants qui s’éditent par eux-mêmes, comme c’est le cas pour Béni Bass, gar­dent leurs droits édi­to­ri­aux. Et c’est cette par­tie que cer­taines maisons d’édition (appar­tenant à de grands groupes de l’in­dus­trie musi­cale) ten­tent de récupér­er pour aug­menter leur prof­it sur un sin­gle.


« Avant d’être des techniciens, on est des passionnés qui travaillent dur »

Ils ten­tent cette « manip­u­la­tion » sur des mecs indépen­dants qui, comme moi, s’auto-éditent et peu­vent choisir à con­trecœur de renon­cer à leurs droits en échange de plac­er des prods (tant bien que mal), parce que c’est un rappeur qui vend. À cette propo­si­tion, j’avais répon­du non. Mais au début, je n’avais pas le choix que d’accepter pour pou­voir pro­gress­er et avancer. Et au bout d’un moment j’ai dit stop. Ils essayent de récupér­er l’argent là où ils peu­vent. C’est dur de tenir pour ceux qui ont leur pro­pre struc­ture. Par­fois, même avec de la volon­té, on est sans défense face à des abus de pouvoir. 

C’est décourageant. Il m’est déjà arrivé plusieurs fois d’avoir été volé par des labels. J’envoyais quelques prods pour un rappeur, on m’expliquait que finale­ment ça ne con­ve­nait pas et je m’apercevais à la sor­tie du morceau que toute mon instru avait été reprise. Seuls quelques élé­ments sonores avaient été changés et un autre com­pos­i­teur était crédité à ma place. Ça m’est arrivé sur deux titres, depuis cer­ti­fiés sin­gle d’or. Mais quand tu vas te plain­dre, c’est déjà trop tard. C’est le pre­mier qui dépose à la Sacem qui gagne. Avant d’être des tech­ni­ciens, on est des pas­sion­nés qui tra­vail­lent dur.

Compositeur Compositeur Compositeur

Le beat­mak­er est telle­ment peu pris au sérieux qu’on peut facile­ment se per­me­t­tre de bafouer ses droits. Le beat­mak­er, quelles que soient ses capac­ités ou sa notoriété, n’est pas con­sid­éré à sa juste valeur. Surtout par igno­rance. On enseigne peu le beat­mak­ing. Il y a des con­férences, des inter­ven­tions, mais pas de vrai apprentissage. 

Et d’ailleurs, ce terme : « beat­mak­er » en est même devenu réduc­teur. On pense tout de suite à un geek der­rière sa machine, gros casque sur les oreilles, qui ne se sert que d’une souris et hop, il nous pond le hit de l’été. Alors que nous sommes des musi­ciens, des artistes-com­pos­i­teurs à part entière qui jouent un rôle majeur dans la créa­tion d’une œuvre.

« À tous ceux qui se lancent : renseignez-vous »

En France, il faut avoir placé des prods pour de grands noms pour être recon­nu, ne serait-ce qu’un petit peu. Et mal­gré ça, c’est tou­jours une galère pour être crédité sur les pochettes de CD physique par exem­ple. Mais cer­tains le font très bien et on pro­gresse ! Je voy­ais récem­ment Guy2Bezbar dévoil­er sa track­list dans une ani­ma­tion vidéo où chaque com­pos­i­teur était men­tion­né. C’est un beau move dont il faut s’inspirer.

Et je par­le de la France, mais on voit bien la dif­férence de con­sid­éra­tion avec l’étranger. Les com­pos­i­teurs y sont plus mis en valeur, ils appa­rais­sent même dans les clips et ils ne sont pas fur­tifs. À tous ceux qui se lan­cent : ren­seignez-vous, doc­u­mentez-vous, lisez. On ne peut pas tou­jours compter sur les autres. Et surtout, le monde est méchant. Mais on n’arrête jamais d’apprendre.»

- Béni Bass pour Mosaïque

Vous êtes auteur-com­pos­i­teur et vous voulez vous ren­seignez sur vos droits ? Rap­prochez-vous de la Guilde des artistes de la musique (GAM) ou du Syn­di­cat nation­al des auteurs et des com­pos­i­teurs (SNAC).


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