Après « OFF », un premier projet sorti il y a un an, Edge revient avec la suite, « OFFSHORE », paru le 26 novembre 2021. Entre temps, le rappeur du 19e arrondissement s’est affiché aux côtés de Jazzy Bazz et Esso Luxueux pour un album en commun « Private Club ». Mais c’est entouré de la nouvelle génération qu’il fait son retour avec une mixtape de 14 titres. Au coin d’une table du restaurant de l’hôtel Amour près de Pigalle à Paris, nous avons rencontré Edge. Autour d’un thé vert que le rappeur apprécie accompagné de miel, il s’est confié sur son obsession du temps qui passe, son rapport à la météo et à l’argent. À la fin de l’entretien, il a pris le temps de poser quelques instants avec notre photographe, Jacques Mollet, dans les rues du 9e arrondissement.
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En ce mois de novembre, l’artiste dont les humeurs sont rythmées par le cycle des saisons est affecté par le froid glacial qui a envahi Paris ces derniers jours. Enrhumé et fatigué, Edge se console par la sortie de son projet « OFFSHORE » qui lui « redonne du baume au coeur ». Une mixtape prévue depuis le départ comme la suite de son premier projet « OFF », sorti il y a un an, qui se clôturait sur le morceau 5h54. Ce n’est donc pas sans raison que le premier morceau de ce nouvel opus débute par une voix étouffée que les habitué.e.s du GPS connaissent bien : « Dans six minutes, il sera 6 heures. » Mais Edge, toujours coiffé de son indispensable durag, prévient : « La mixtape n’est pas forcément le déroulement d’une journée mais plutôt d’une période. C’est en tout cas une continuité de ce que j’avais vécu sur OFF. » Une période qui s’ouvre sur le titre Météo, métaphore des états du rappeur conscient de sa fragilité émotionnelle.
Si l’artiste se revendique d’un « cœur froid » dans ses textes, l’humain caché derrière ses lunettes teintées de rose apparaît très sensible, sans chercher à s’en cacher : « Je suis quelqu’un de stressé et je ne suis pas le mec le plus confiant au monde. Je me suis senti plus à l’aise avec ce projet. Depuis OFF, je ne sais pas mieux gérer mes émotions mais je cherche à les accepter et les comprendre pour les extérioriser. » Marqué par plusieurs décès, il reste obnubilé par son impuissance face au temps qui passe : « J’ai peur de la mort. Sans vouloir être larmoyant, j’ai perdu trop de proches. Mais il y a perdre des proches parce que c’est des gens qui vieillissent, et perdre des proches comme ça du jour au lendemain. »
Lorsqu’il évoque ces souvenirs, Edge se frotte le front en baissant la tête, visiblement encore touché par son passé : « Le temps, c’est spécial pour moi, parce que j’arrive pas à chérir les moments par peur de ce qui va se passer le lendemain. J’ai peur de me réveiller un matin, comme ça a pu m’arriver, et qu’on me dise, cette personne n’est plus là. Sans que ça n’ait pu m’effleurer la tête que ça puisse arriver. » Le rappeur développe donc un rapport complexe au temps : « Le temps me fait peur parce que c’est l’inconnu. C’est l’inconnu du futur et les maux du passé. Ce qui me fait peur, c’est de voir le temps avancer sans pouvoir rien faire. »
L’isolement avant l’éclosion
L’artiste préfère donc s’isoler : « Mon temps est spécial parce que je vis en décalé des autres. Je dors pas beaucoup et je suis debout très tôt. Quand il est 8h du matin, souvent je suis debout depuis quatre ou cinq heures et la journée, je me coupe pour me reposer. Du coup, j’ai du mal à me situer dans l’espace-temps. C’est un discours de foncedé (rires), mais les trucs qui sont pas rationnels comme le temps ça me perturbe de ouf. »
Crédit : Jacques Mollet pour Mosaïque.
Dans ses paroles comme dans la vie, la quête de l’argent remplace ses peurs d’où le nom de « OFFSHORE » (se dit d’une société enregistrée à l’étranger, dans un pays où le propriétaire n’est pas résident, et qui profite des avantages fiscaux du lieu souvent appelé un paradis fiscal, NDLR) : « Je parle beaucoup plus d’argent sur cette mixtape, mais en ayant conscience que ce n’est pas ça qui va me faire me sentir mieux dans ma vie. Mais j’y pense tout le temps parce que je dois hustle (travailler, NDLR). J’ai eu des galères financières pas évidentes dans ma vie et je bosse pour ne plus avoir à me soucier de ça. » Sur le projet, Edge noie aussi ses peurs dans l’alcool : « J’ai un rapport malsain avec les substances. À une période de ma vie, je pensais que c’était la solution à certains maux mais en fait, pas du tout. Aujourd’hui, j’essaye de ralentir. »
Alpha Wann est le plus chaud parce qu’il n’a pas peur des prises de risques et de sortir de sa zone de confort.
Edge pour Mosaïque
Harcelé par sa banquière et une conquête féminine, Edge se terre dans sa solitude tout au long des 14 morceaux jusqu’au dernier titre introspectif Des nuages à la terre où le rappeur se livre : « J’ai un rapport très spécial à ce dernier morceau parce que je ne voulais pas le garder à la base. Il me touchait trop, il était trop personnel. Je l’ai écris à une période de ma vie qui n’était pas ouf. J’étais vraiment isolé pendant deux semaines, je ne voyais personne. Maintenant que c’est sorti, c’est cool parce que je capte que c’est une espèce de thérapie. Ce morceau, c’est le parfait résumé de ce projet. » Edge finit donc sur le dernier track par décrocher son téléphone mettant fin au mode « OFF » sur lequel il s’était branché depuis deux projets.
Crédit : Jacques Mollet pour Mosaïque.
« OFFSHORE » montre déjà des signes d’ouverture en invitant la nouvelle génération : Jäde, La Fève, Enfantdepauvres et Lowssa. Le rappeur s’est aussi diversifié musicalement. Accompagné de son producteur de toujours, Johnny Ola, ils ont ainsi fait appel à de nouveaux compositeurs dont Guapo du soleil : « Pour le son avec Jäde, on savait que c’était une couleur que nous n’arriverions pas à travailler seuls. Guapo est venu au studio. C’était tellement insolent. La veille, il avait fait une nuit blanche. Il s’est posé, il a dormi trente minute et il s’est réveillé en sachant ce qu’il allait faire. En une demi heure, il a fait de la magie. »
En collaborant avec Alpha Wann sur une prod two-step sur le titre 20.000, Edge assume aussi des prises de risques : « Avec Alpha, on a écouté des prods pendant facile deux heures et demi. Alpha est dur et c’est pas pour rien que c’est le plus chaud parce qu’il est exigeant. À la fin, je lui ai proposé cette prod que j’avais en stock depuis quelques semaines sans y croire une seule seconde. Il a écouté et il était partant. C’est une big prise de risque mais Alpha n’a pas peur de sortir de sa zone de confort. » À l’avenir, Edge veut continuer à proposer d’autres horizons musicaux. Si la boucle est bouclée pour la série « OFF », le rappeur espère encore étonner : « La suite ne sera pas drastiquement différente mais un peu. Je laisse la surprise. En tout cas, l’album n’est pas pour tout de suite. »
« OFFSHORE », le projet de Edge est disponible sur toutes les plateformes.
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