Mosaïque

Avec la par­tic­i­pa­tion d’un col­lab­o­ra­teur anonyme.

« Sur une idée orig­i­nale de Népal ».… Avant de par­tir, Népal a lais­sé une dernière oeu­vre à accom­plir : le clip de son morceau Sun­dance, réal­isé par Syrine Boulanouar. Avec le rôle prin­ci­pal, Nek­feu rend ain­si un dernier hom­mage à son ami. Le clip retrace le par­cours d’un artiste raté et se lit comme un dernier héritage lais­sé par Népal, dans lequel chaque détail compte. 

Un clip d’auteur 

«Du lun­di au sun­day, blo­qué dans ma tête / Ma vie, c’est un film de Sun­dance, des fois il s’passe R », répète inlass­able­ment Népal. À l’image du morceau, le clip est porté par un rythme lent, qui fait écho à la vie monot­o­ne et réglée du per­son­nage prin­ci­pal. De ce fait, il ne se passe rien. Le clip de Sun­dance pro­pose une con­tem­pla­tion de la vie d’un artiste passé à côté de ses rêves et qui tra­vaille dans une station-service. 

Népal a voulu met­tre en scène Nek­feu dans le rôle d’un employé de sta­tion ser­vice. Détail qui peut paraître anodin mais qui porte une sym­bol­ique forte : alors que son tra­vail con­siste à aider les gens à avancer, lui est coincé dans son quo­ti­di­en répéti­tif. De la même manière, alors que la caméra avance, tous les plans qui se suc­cè­dent sont fix­es et le pro­tag­o­niste immobile.

La démarche fait écho au fes­ti­val de film Sun­dance, duquel est issu le titre du morceau. Ce fes­ti­val améri­cain promeut des films indépen­dants, sou­vent perçus comme des pro­duc­tions lentes et plus proches du réel. Népal reste cohérent avec ce qu’il incar­ne : il met en avant des films qui se tien­nent loin de l’industrie et des codes atten­dus. Le clip porte en lui une dimen­sion ciné­matographique très forte. Le décor y est min­i­mal­iste, les plans dénués d’artifices mais avec une com­po­si­tion pré­cise, qui fait la beauté des images.

Népal réin­car­né

Le clip regorge de références et d’hommages dis­crets au rappeur. Il s’ouvre sur un plan de Nek­feu dans son lit recro­quevil­lé dans une cou­ver­ture Tortue Ninja. 

Or, Népal avait util­isé le surnom de « Grand­mas­ter Splin­ter », en référence au Maître Splin­ter, le senseï des Tortues Nin­ja,  pour partager une série de med­leys qui regroupait des freestyles. Plus tard dans le clip, un enfant se pare du masque de Maître Splin­ter, ravi­vant alors l’âme de l’artiste. Le temps d’un instant, l’enfant se fait le sym­bole d’un Népal réin­car­né. Il regarde directe­ment la caméra et rap­pelle cette capac­ité de Népal à percevoir ce qui est invis­i­ble pour les autres. 

La réin­car­na­tion sous la forme d’un enfant masqué peut aus­si être inter­prété comme une manière qu’avait Népal de voir le monde. Tou­jours der­rière son masque, le rappeur hyper­sen­si­ble perce­vait une réal­ité invis­i­ble pour les autres, comme les enfants qui n’ont pas encore inté­gré le monde adulte et ses réal­ités par­fois bru­tales. Dans le plan, il est le seul à regarder la caméra de face, comme si le monde allait dans un autre sens que le sien. 

Dans ce sens, il sem­blerait que le clip con­fronte Népal et ce-dernier, qui se retrou­vent face à une mul­ti­tude de reflet. Une simil­i­tude s’établit entre eux : ils se ressem­blent, se comprennent.

À 1:26, on aperçoit un « Daru­ma », posé sur la table der­rière Ken Sama­ras. Un daru­ma est une fig­urine de papi­er mâché japon­aise qui a la forme d’un moine boud­dhiste. Cette fig­urine est aus­si un objet à vœux, chance et prospérité. Or, le fait qu’un œil sur deux soit col­oré comme c’est le cas pour celle-ci, indique que le rêve du pro­tag­o­niste n’est pas encore accom­pli. Ken Sama­ras a échoué à réalis­er ses rêves.

Par ailleurs, le chiffre 4 est présent partout dans le clip : sur l’uniforme de tra­vail de l’employé de ser­vice, sur la plaque d’immatriculation de la voiture, mais aus­si sur les comp­teurs d’essence de la sta­tion ser­vice. Or, ce chiffre est sou­vent inter­prété comme syn­onyme de fatal­ité dans la cul­ture asi­a­tique, notam­ment au Japon. On par­le même de « tétra­pho­bie » comme étant la peur du chiffre 4. Il est sou­vent asso­cié à la mort. Une inter­pré­ta­tion qui pour­rait égale­ment être appliquée au chiffre 13, vis­i­ble sur la télé dans le dernier plan. 

« Après le rap, j’irai faire du surf »

Les vagues sont un leit­mo­tiv très impor­tant dans l’album de Népal et elles par­courent une nou­velle fois le clip. À son réveil, Nek­feu promène son chien sur une plage désertée, au bord d’une mer agitée où le ciel est gris. Le décor con­traste avec la vision idyllique et par­a­disi­aque des plages des Bahamas qui par­courent l’album. Tout comme les vagues qui s’échouent sur le sable, les rêves s’échouent sur la plage des réalités. 

Plongé dans l’univers monot­o­ne de Ken Sama­ras, le spec­ta­teur est entraîné avec lui dans son quo­ti­di­en, et vit à tra­vers lui, ses besoins d’évasion. Dans la dernière scène, Nek­feu mange seul devant sa télé. La désil­lu­sion se lit sur son vis­age. Sur l’écran, des images d’un équipage qui affronte les flots tumultueux de la mer. On aperçoit notam­ment une planche de surf dans le salon qui ren­voie au son Là-bas sur lequel Népal « surfe sur la vague de mes torts ».Une image du surf qu’il avait égale­ment reprise dans sa bio Insta­gram : « Après le rap, j’irai faire du surf ».

Comme Népal, sur l’ensemble de son album, Ken a besoin d’évasion. Le clip se ferme sur l’écume des vagues qui s’écrasent. Une référence aux plages par­a­disi­aques des Bahamas que Ken Sama­ras ne sem­ble pas prêt d’atteindre. 

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