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L’épisode 1 . À découvrir sur Mosaïque.

 

- ÉPISODE 2 -

 

Après s’être assoupi plusieurs heures, Lay­low ouvre les yeux. Encore aux pris­es de l’alcool ingéré lors de la soirée de la veille, un mal de crâne intense le saisit au réveil. Il aperçoit, pour la pre­mière fois à la lumière du jour, la ville à tra­vers la baie vit­rée de l’appartement. Ses sou­venirs revi­en­nent à lui peu à peu. Le logi­ciel, S.Pri Noir, Trin­i­ty… Il n’a pas rêvé et la molette incrustée dans son torse est bien réelle.

En lev­ant les bras, il inspire. Devenu un code numérique absorbé par son pro­pre sys­tème, la sit­u­a­tion de Lay­low relève d’une absur­dité des plus totales. Pour­tant, une sen­sa­tion de stim­u­la­tion enivrante con­tin­ue de le faire vibr­er. Au dessus d’un lavabo dans l’appartement, il se con­tem­ple dans le miroir. Ses traits n’ont pas changé mais il se sent bien différent.

Soudain, une ombre indis­crète attire son regard. La sil­hou­ette d’une femme se des­sine alors der­rière lui. Lev­ant les yeux, il recon­naît un vis­age fam­i­li­er. Il hurle de sur­prise. Après quelques instants pour recou­vrir ses esprits, il la recon­naît. Trinity.

- « Bon­jour », lui susurre-t-elle d’une voix métallique.

Lay­low, désta­bil­isé, reste bouche bée.

- « Qui es-tu ? » ques­tionne-t-il naïvement.

- « Je suis », répond-t-elle en pointant du doigt la ville par la fenêtre puis sa molette.

Il com­prend. Le logi­ciel de stim­u­la­tion émo­tion­nel qui l’a inté­gré est incar­né par cette mys­térieuse jeune femme. Elle est le sys­tème, le sys­tème est Trin­i­ty. Envoûté, l’attirance qu’il lui voue est désor­mais irré­sistible, incontrôlable.

Il bal­bu­tie et s’excuse :

«On s’est déjà vu dehors mais y’avait toutes tes copines. T’étais au fond dans le noir, j’é­tais à fond dans le vice. » 

 

Dessin : Werther Bre­choteau (insta­gram : mask_n_swordcomics).

 

Sans un mot, elle se rap­proche et l’embrasse lan­goureuse­ment en lui attra­pant le men­ton. Son cœur s’enflamme. D’un coup, elle se saisit de sa molette en glis­sant sa main sur son torse. La jeune femme la pousse vers son deux­ième cran. Il se laisse guider sans hésiter. De sa voix dig­i­tal­isée, elle reprend : « Inter­ac­tion de niveau 1. Taux de com­pat­i­bil­ité élevé » Elle ajoute : « Mode stim­u­la­tion émo­tion­nelle : mélan­col­ie, tristesse, adré­naline, vio­lence. » Au dernier mot, il hoche la tête d’un air appro­ba­teur. Flirter avec les sen­ti­ments les plus extrêmes pour se sen­tir vivant. « Choix con­fir­mé. »

Pris aux tripes par une vibra­tion de bru­tal­ité, il se tient la tête avant de frap­per de toutes ses forces le mur trem­blant. De la pous­sière se détache du pla­fond. L’envie de se défouler devient insouten­able. Dans une folie venue de nulle part, il jette un tabouret dans la grande baie vit­rée du salon qui se brise instan­ta­né­ment. Trin­i­ty l’empêche de faire plus de dégâts en attra­pant son bras droit. « Taux de com­pat­i­bil­ité cri­tique. Je vous attends sur le park­ing », lance-t-elle.

Pris dans un tour­bil­lon de pix­el, il voit sa vision se trou­bler pour som­br­er dans l’obscurité. Quelques sec­on­des plus tard, il est pro­jeté con­tre le sol humide. « Le logi­ciel m’a télé­porté en dehors de l’appartement », réalise-t-il. Il se retrou­ve sur un park­ing sans voiture, situé en par­al­lèle de l’immeuble où il était la veille.

En ten­tant de se relever, il con­state que Trin­i­ty est en train de se matéri­alis­er à cal­i­four­chon, sur lui. Sans réfléchir, il la saisit par la taille pour lui ren­dre son bais­er. Enlacés, ils finis­sent finale­ment par suc­comber et enlèvent leurs vête­ments. Ser­rés l’un con­tre l’autre, nus. La peau de Lay­low est désor­mais brûlante. Pen­dant leurs ébats, elle s’écrie : « Tem­péra­ture trop élevée » et le repousse.

Alors qu’ils se rha­bil­lent, une berline noire se gare en haut de la place de sta­tion­nement, plein phare. Éblouis, il plisse les yeux et tente d’apercevoir le vis­age des cinq hommes qui ouvrent les por­tières et se diri­gent vers lui. Cagoulés, matraques à la main, le groupe se rap­proche. Il remar­que le mot « Pira­hana » en let­tre jaune, inscrit sur leur sweat noir.

Sa molette clig­note rouge. Sa compt­abil­ité avec le logi­ciel est si puis­sante qu’il indique une sur­chauffe. La vio­lence qu’il vient de com­man­der sem­ble sur le point de dériv­er complètement.

 

Dessin : Werther Bre­choteau (insta­gram : mask_n_swordcomics).

 

Son niveau d’adrénaline s’envole et la peur le tétanise. Le pre­mier homme lui agrippe le bras et lui assène un vio­lent coup sur le crâne. Il pose un genou à terre pour repren­dre ses esprits mais un deux­ième choc à l’épaule le fait flanch­er. S’ensuit cinq min­utes de bru­tal­ité pen­dant lesquelles Lay­low est passé à tabac, à terre, sans rai­son. Un coup de pied mal placé fait per­ler son sang et vient tâch­er son jean Levis. 

La douleur devient insouten­able, il lâche prise et s’évanouit. Le logi­ciel résonne tout au fond de lui, tel un élec­tro­car­dio­gramme plat : « Crash du sys­tème. Retour à l’é­tat ini­tial. »

Lorsqu’il se réveille, son corps est tou­jours aus­si chaud. Des étin­celles et des petites flammes éma­nent de son corps. Sur le point de pren­dre feu, il panique. À une cinquan­taine de mètre de lui, il aperçoit une fontaine. Comme un assoif­fé dans un désert qui se jet­terait dans un oasis, il plonge.

 

Dessin : Werther Bre­choteau (insta­gram : mask_n_swordcomics).

 

En apnée dans l’eau glacée, il refroid­it. Les bat­te­ments de son cœur ralen­tis­sent peu à peu. Lorsqu’il se relève et sec­oue ses cheveux bouclés humides, il se ques­tionne. L’expérience devient dan­geureuse. En voulant ressen­tir à nou­veau, il a fail­li se tuer. Sa con­nex­ion avec Trin­i­ty est beau­coup trop intense. De retour sur le park­ing, il rejoint la jeune femme, assise en tailleur.

- « Je me suis attaché à toi, atten­tion », dit-elle pour le met­tre en garde.

C’est en trop pour lui. À quoi bon vouloir se sen­tir vivre si c’est pour finale­ment en mourir ?

-  « Tous vos taux sont au min­i­mum. Que diriez-vous d’un nou­veau pro­gramme d’en­traîne­ment ? Le mode héli­cop­tère ou bien la sim­u­la­tion : tir au sniper ? », reprend-t-elle.

- « Arrête de par­ler dans ma tête, tu m’fais péter les plombs là ! T’sais quoi ? Décon­necte-moi », s’ex­clame-t-il. En acquiesçant, elle lui répond : « D’accord. Choix con­fir­mé. »

Le temps d’une seule frac­tion de sec­onde, son corps se désintègre.

 

L’épisode 3. À découvrir sur Mosaïque.

 

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