Mosaïque

À par­tir de juil­let 2020, Squid­ji s’en­ferme en stu­dio de 14 heures à 3 heures du matin pour don­ner nais­sance à son pre­mier album « Ocy­tocine », disponible ce ven­dre­di 28 mai 2021. Guidé par le sto­ry­telling d’une his­toire d’amour entre lui et une strip-teaseuse, l’artiste s’en­toure de com­pos­i­teurs renom­més du rap fran­coph­o­ne. Avec Prin­z­ly à la manœu­vre, le pro­jet détone par la justesse de sa pro­duc­tion musi­cale. Mosaïque a pu assis­ter en avant-pre­mière à l’é­coute de l’al­bum dans les Stu­dios de la Seine, au cœur du 12e arrondisse­ment de Paris. Squid­ji s’est ensuite con­fié à nous dans l’in­tim­ité d’une cab­ine d’en­reg­istrement. Retrou­vez tout au long de votre lec­ture le shoot­ing pho­to de notre pho­tographe, Jacques Mol­let, de notre ren­con­tre avec l’artiste. 

Fer­mez les yeux. Imag­inez. La pluie tombe douce­ment et le ton­nerre gronde. Soudain, des voix s’élèvent comme descen­dues des cieux. Une chorale de gospel au milieu d’un décor chao­tique. En chœur, les voix ailées vous susurrent à l’oreille : « Reste avec nous », puis une per­cus­sion accom­pa­g­née par des notes de piano vous entraî­nent irrémé­di­a­ble­ment dans leur ascen­sion céleste. Enfin, le tim­bre vocal érein­té de Squid­ji se joint aux prières. La terre et le ciel vien­nent de se rencontrer.

Rou­vrez les yeux. Vous êtes en stu­dio. Les lumières sont tamisées. Vous venez d’assister à Nous, l’introduction du pro­jet « Ocy­tocine » de Squid­ji. Moment de flot­te­ment dans la salle. Devant vous, l’artiste vêtu entière­ment de noir, la tête bais­sée dans son fau­teuil face à la table de mix­age, écoute religieuse­ment son album. Une entrée en matière en guise d’hommage à son père pra­ti­quant, avec qui il se rendait à l’église en voiture, guidés par le chant des chorales. 

Aux Stu­dios de la Seine à Paris, les médias réu­nis dans la salle font silence. Une à une, les dix-huit tracks s’enchaînent sur les enceintes haut-par­leur. Pen­dant toute la durée de l’album, Squid­ji reste silen­cieux. Per­son­nage timide, l’artiste préfère laiss­er par­ler sa musique. « Je vous présente mon album. Il s’appelle « Ocy­tocine ». Et voilà. Ça va péter », explique-t-il sim­ple­ment avant de lancer son disque. 

Ocy­tocine. L’hormone du bon­heur. À tra­vers son pre­mier album, Squid­ji racon­te l’amour, ou plutôt, il l’extériorise. Ponc­tué d’interludes sonores, le pro­jet est con­stru­it comme un sto­ry­telling, d’une rup­ture à une nou­velle ren­con­tre jusqu’à l’apothéose amoureuse. Alors qu’il vient de rompre, Squid­ji se rend dans un strip-club pour se chang­er les idées et ren­con­tre une strippeuse dont il finit par tomber amoureux. 

Le titre avec Lous and The Yakuza évoque quelque chose de tabou donc je ne voulais pas assumer ce que je n’ai pas vécu. Lous est une porte-parole, elle peut endoss­er ce rôle. 

- Squid­ji

Lorsque l’on s’isole en cab­ine avec le rappeur après notre pre­mière écoute de l’album, il explique : « J’apprends à con­naître la danseuse et je me rends compte qu’elle a des cica­tri­ces parce qu’elle s’est faite agressée. » Pour évo­quer des douleurs féminines sur le morceau Cica­tri­ces, l’artiste a fait appel à Lous and The Yakuza, qui porte en elle les mar­ques de la rue : « Le titre évoque quelque chose de tabou donc je ne voulais pas assumer ce que je n’ai pas vécu. Lous est une porte-parole, elle peut endoss­er ce rôle. »

Trois voix féminines envelop­pent le pro­jet de leurs tonal­ités vocales si par­ti­c­ulières. La douceur de Lous s’empare de l’intimité de la rela­tion tout en s’accordant à la sen­su­al­ité de la voix de Jäde qui incar­ne la strippeuse. Lala &ce, de son côté, apporte une dose de pul­sion assumée.

La voix érail­lée de Squid­ji se mêle aux pro­duc­tions amples de l’album. Un tim­bre de voix sin­guli­er que l’artiste souhaite con­tin­uer de tra­vailler. Lorsque nous le ren­con­trons, il prévoit son pre­mier cours de chant pour le lun­di suiv­ant : « J’ai envie de maîtris­er les aiguës, les notes tout là-haut, parce que j’ai une voix mid­dle, entre les deux. Et j’ai envie de pou­voir faire du Maître Gims (il imite Maître Gims en riant)»

Une envie per­pétuelle d’évoluer qui lui tient à coeur. Cette diver­sité de voix et de flow se ressent dans un album qui mélange trap, comme sur le morceau Sub­aru en fea­tur­ing avec Jos­man, et RnB. Squid­ji tem­père : « Quand j’ai fait mes pre­mières inter­views, j’ai dit que je fai­sais du RnB noir mais finale­ment, je trou­ve ça nul d’être caté­gorisé parce que ça m’enferme dans un truc. Je préfère qu’on dise que je fais juste la musique et que je suis un artiste, plus qu’un rappeur. » 

« Une équipe d’Avengers »

Le man­ag­er de Squid­ji, Sam, qui dénote de son poulain avec sa tenue blanche et vio­lette, est présent dans le stu­dio pen­dant l’é­coute de l’al­bum. Sou­vent, il bouge la tête et s’ambiance, fier comme s’il écoutait le pro­jet pour la pre­mière fois. L’en­tourage du rappeur cerne son poten­tiel, presque plus que lui-même qui avoue « ne pas se ren­dre compte » de l’engouement qui grandit autour de lui. L’innocence d’une spon­tanéité bour­rée de tal­ent. Sa musique ne serait pour­tant pas ce qu’elle est sans le niveau de pro­duc­tion qui l’accompagne. À la prod : Ponko (Hamza), Prin­z­ly (Damso), Paco Del Rosso (Damso), Saint DX, Dioscures (Lay­low), Ikaz Boi, Sofi­ane Pamart et Ben­jay. « Une équipe d’Avengers », comme Squid­ji préfère les appel­er, qui lui per­met de dévelop­per son style dans un cos­tume sur-mesure. 

À l’été dernier, lors d’un sémi­naire à Fréjus (Var), l’artiste ren­con­tre tous les pro­duc­teurs. L’alchimie musi­cale naît : « Ils ont tous un trait de per­son­nal­ité dif­férent. C’est pour ça que j’arrive à me retrou­ver en eux et que j’aime tra­vailler avec cette équipe. » À 22 ans, il recon­naît son inex­péri­ence face à ces car­rières hors normes : « Ce sont des mecs avec beau­coup d’expertise et une oreille musi­cale très ouverte. Ponko me fai­sait écouter des sons de var­iétés espag­nole, vrai­ment à l’ancienne (rires).» Avec Prin­z­ly aux com­man­des de l’escadron, tous entourent leur pro­tégé : « Depuis qu’ils m’accompagnent, j’ai pris en matu­rité. Ils me don­nent beau­coup de con­seils. Prin­z­ly, je le vois vrai­ment comme un grand reuf. Je lui demande com­ment Damso taffe en stu­dio, il me dit qu’il y a tou­jours des demoi­selles (rires). »

Squid­ji apprend à leurs côtés la résilience en « tra­ver­sant les obsta­cles » et parvient à « ne plus être impres­sion­né mais à les voir « comme des potes ». Même entouré de com­pos­i­teurs par­ti­c­ulière­ment renom­més, l’artiste reste sur­pris de ce qui lui arrive : « Que Dis­iz soit sur l’album, je ne m’y attendais pas. À la base, on devait faire un fea­tur­ing avec Kaza mais il n’a pas pu être là. Sauf qu’on avait fait venir Prin­z­ly de Brux­elles. Il savait que Dis­iz était dans le coin et il lui a dit de pass­er. Il est venu, il a écouté le pro­jet et puis il a dit : « Laisse-moi fumer, après on fait un son. » C’est ain­si que le morceau Par­adis bleu voit le jour.

Lors de notre entre­tien, le croon­er boy baisse sou­vent les yeux. De nature réservé, sa musique exprime pour lui la pro­fondeur de ce qui l’anime. Assis sur un canapé en cuir, son durag vis­sé sur la tête, il est heureux de pou­voir partager sa musique. Porté par les instru­men­tales, Squid­ji évolue dans son album au con­tact de la strippeuse : « À ses côtés, je gran­dis. Je sors de ma chrysalide pour devenir un papil­lon. » De la même manière avec cet album, il déploie ses ailes pour éclore de son cocon. Comme sur l’introduction du pro­jet, l’outro se referme sur des chants de gospel. Cette fois, sans ombre au tableau. « En sym­biose avec l’atmosphère », Squid­ji est par­venu à rejoin­dre la sérénité des voix qui l’accompagnaient dans sa douleur. Du haut de son nuage, il chante inlass­able­ment : « J’suis plus le même, j’suis plus le même qu’avant. »

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