Le 5 février 2021, Damso et la chaîne Tarmac dévoilent le documentaire « Kin, tout est vie ». Pendant près de 27 minutes, le film revient sur son voyage à Kinshasa, au milieu des siens, lors de son déplacement pour la sortie de « QALF ». Caméra au poing, le réalisateur Robin Conrad et son équipe l’ont suivi pendant une semaine, plongés dans la frénésie de la capitale congolaise. Pour Mosaïque, Robin Conrad est revenu sur les coulisses d’un tournage différent.
Devant les portes de la paroisse Sainte-Anne, en plein cœur de Kinshasa, Damso fait face à de nombreux fidèles. Derrière son masque estampillé « The Vie », il tend une carte à l’un d’entre eux. Un geste symbolique et pourtant si puissant qui offre un an de mutuelle santé à ces Congolais venus l’accueillir. Un homme frappe sur son djembé et entame un chant de prière, unanimement repris par la foule. « Damso, que Dieu soit avec toi », résonne alors.
Derrière la caméra, Robin Conrad, réalisateur du documentaire « Kin, Tout est vie » et son équipe se laissent galvaniser par la scène et capturent ce moment de partage. Il nous raconte : « C’était un moment magique, tout le monde était très ému. Les gens étaient en demande. Lui était là pour donner. Il s’est reconnecté à quelque chose qui est essentiel pour lui : aider les siens. Je l’ai senti fier d’avoir réussi quelque chose d’assez grand dans sa musique pour impacter le réel. »
Il y a encore quelques jours pourtant, Robin était chez lui, à Bruxelles. Le départ pour l’Afrique s’est décidé à la dernière minute. Trois semaines plus tôt, Vinz Kanté, animateur sur Tarmac (la chaîne jeune de la RTBF, NDLR) convainc le rappeur belge de produire un documentaire sur lui à l’occasion de la sortie de « QALF », son quatrième album studio. Dans la foulée, le réalisateur Robin Conrad est contacté. « Jusqu’au dernier moment, nous n’étions pas sûrs de monter dans l’avion, se souvient-il. Tout s’est préparé à la hâte. Pour raconter quelque chose en images, je passe normalement du temps à comprendre et à imaginer avant de tourner. Ça s’écrit presque comme une fiction. Cette fois, tout s’est improvisé. Je n’avais quasiment rien préparé. »
Avant de partir, il rencontre Damso pour dessiner les traits du documentaire. L’artiste lui confie son ambition de montrer les « belles choses » de la République démocratique du Congo. « Il voulait célébrer Kinshasa et casser avec le traitement médiatique misérabiliste qui est souvent fait sur son pays en Europe. J’ai donc souhaité dessiner un double portrait de la ville et de l’artiste, en montrant la capitale comme un véritable personnage », explique celui à qui le rappeur a laissé « carte blanche ».
Lundi 14 septembre 2020. Le réalisateur, accompagné d’Adrien Lengrand, directeur de la photographie, Lancelot Hervé-Mignucci, chef opérateur son, et du producteur Vinz Kanté, foulent enfin le tarmac de l’aéroport international de Kinshasa. Direction l’hôtel du Fleuve Congo. Tout près de lui, Damso retrouve sa terre natale. « QALF » sort dans cinq jours. « Je le sentais très apaisé. J’avais l’impression d’être avec quelqu’un qui était en train de changer et je pense que ça s’entend dans son album. Il est honnête avec lui-même. Sa sérénité est aussi à double face. La réalité sur place est très belle, mais aussi très dure », nuance-t-il.
Lancés dès le lendemain dans le dédale des rues congolaises, Robin et l’équipe de tournage se laissent bercer par les imprévus des déplacements de l’artiste. « Le programme n’a cessé de changer sur place. Même l’enregistrement du single Best en studio avec la star locale Innoss’B n’était pas prévu », explique-t-il. D’un point à un autre, il découvre aussi la densité de la circulation dans la capitale, l’une des plus embouteillées au monde : « Le plus difficile était de bouger tous ensemble, nous étions une quinzaine autour de lui. Nous prenions parfois plusieurs heures pour faire des trajets de quelques minutes. » Pourtant, ces conditions de tournage spécifiques n’ont jamais été une contrainte. Il précise : « Nous étions dans une énergie folle. Il y a eu de la magie autour de ce tournage. »
Loin des bruits incessants de klaxons et de moteurs, le cortège attend la nuit tombée pour revenir sur les jeunes pas du rappeur, à la recherche du quartier où Damso, alors âgé de cinq ans, a fui les pillages avec sa famille. Pendant dix minutes, il cherche sa maison sans succès. Robin raconte, pensif : « Il était très ému et perdu dans ses souvenirs d’enfant. Il a poussé une porte, mais ce n’était pas la bonne maison, même si la personne qui a ouvert semblait le connaître depuis très longtemps. C’était une belle métaphore de la quête de ses racines et de la perte de la culture. »
Entre deux moments de frénésie, la caméra s’arrête parfois avec attention sur les hommes qui croisent leur route et qui font battre le cœur de Kinshasa. C’est ainsi, et un peu par hasard, que Robin rencontre trois Congolais dans une fabrique de vêtements, non loin de leur studio. « Nous prenions des images dans la fabrique en cherchant des visages pour faire vivre la ville dans le documentaire et nous sommes tombés sur eux. Nous avons discuté deux minutes et nous avons ramené la caméra pour les filmer pendant une heure. Je n’avais aucune question préparée, c’était complètement improvisé », se remémore-t-il.
Avec un sourire qui se devine dans sa voix au téléphone, il confie : « Je voulais aussi que l’on puisse entendre du lingala (dialecte congolais, NDLR) à la télévision belge. C’est un clin d’œil à la diaspora congolaise résidente en Belgique et au passé de ces deux pays, liés par la colonisation. » Des visages, mais aussi des capsules de nature empruntées au sanctuaire animalier de Lola Ya Nonobo, au sud de la Kinshasa. Embarqué sur un petit bateau, il s’imprègne la richesse de la biodiversité et les sourires malicieux des quelques singes venus pointer le bout de leur nez.
Après sept jours d’expédition, les équipes prennent le chemin du retour. Un retour à la réalité, non sans émotion pour le réalisateur : « Nous avions une adrénaline qui a mis plusieurs jours à redescendre. C’était une semaine incroyable. » À peine le temps d’atterrir que le travail de post-production commence déjà. Mixage, montage, étalonnage… La vidéo qui ne devait durer que douze minutes s’allonge finalement pour faire naître un court documentaire : « Damso a visionné le film et s’est reconnu dans ce qu’il a vu. Nous nous étions bien compris. »
Aujourd’hui, « Kin, tout est vie » a trouvé son public. En Belgique, en France ou en Afrique, les visions croisées de Robin et du rappeur ont traversé les frontières. Une histoire de musique, d’hommes, de pauvreté, de richesse, mais surtout de vie. « Nous voulions donner quelque chose de généreux. Son succès témoigne du fait que les gens de là-bas ont besoin de symboles et de représentations. Le Congo est un pays bafoué. C’est agréable pour eux de voir qu’un exemple de la diaspora qui a réussi revient pour mettre le pays en valeur. »
La réalisation de l’affiche
L’affiche du documentaire a été réalisée par le photographe Romain Garcin, également à l’origine des pochettes des albums « QALF et « Lithopédion ». Il nous raconte, point par point, les étapes de son travail.
Découvrez-les en cliquant sur les animations ci-dessous. Activez le son pour mieux profiter de l’expérience. Cliquez en bas à droite pour mettre en plein écran.
Le documentaire « KIN, TOUT EST VIE » est disponible sur Youtube.