Il y a certaines pochettes qui resteront dans l’histoire du rap. Parmi les covers de l’année 2021, six ont particulièrement retenu notre attention. Artwork original, présentation épurée, cliché chargé en symboles… La rédaction de Mosaïque vous livre sa sélection.
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L’Or du Commun — « Avant la nuit », par le photographe Romain Garcin
« Sans le savoir, on a fait un cliché d’époque qui résonne avec la période actuelle. » C’est ainsi que Romain Garcin décrivait à Mosaïque son travail sur la cover du deuxième album de L’Or du Commun. Inspirée de grandes toiles comme « La liberté guidant le peuple » ou « L’Empire des Lumières », cette photographie en rouge et bleu est pensée comme un tableau composé de plusieurs scènes.
On y voit les trois rappeurs bruxellois, l’air désabusé, perdus au milieu d’une foule en pleine hystérie. Une femme lève la main sur un homme, un noir et un blanc s’empoignent. Le cliché, réalisé dans un studio de cinéma de Bruxelles, se veut être un miroir, plus ou moins déformant, d’une époque. Une œuvre à l’image de l’album : une confrontation entre la pénombre et la lumière, entre rêve et réalité.
- Robin Spiquel
Sam’s- « Inspiré d’histoire(s) vraie(s) », par le photographe Fifou
Pour la pochette de son album, « Inspiré d’histoire(s) vraie(s) », sorti le 5 novembre 2021, le rappeur Sam’s ose une mise en scène vertigineuse : chuter de huit mètres après être passé par la fenêtre. Pour réaliser cette prouesse, il a fait appel à Fabrice Fournier, alias Fifou, photographe prisé des rappeur.se.s depuis une vingtaine d’années, que Sam’s avait déjà croisé sur le plateau de la série Canal+ « Validé ».
Crédit : Fifou.
Comme il l’explique dans de nombreuses interviews, l’artiste se situe à la croisée de la comédie et de la musique. Une dualité qu’il a souhaité mettre en scène sur cette pochette avec une figure spectaculaire. Passant à travers une fenêtre, qui n’était rien d’autre qu’une vitre en sucre souvent utilisée sur les plateaux de tournage, le rappeur réussit son pari : Fifou capture le saut en une seule prise. Respectant jusqu’au bout les codes du cinéma, Sam’s confiait avoir reçu les conseils d’un cascadeur pour amortir l’atterrissage. Pas question de faire semblant pour l’artiste coutumier des… « histoires vraies ».
- Emma Jacob
Tedax Max — « Forme olympique », par la graphiste Juliette Gaudel (@exnihiilo)
Zeus dans la mythologie grecque ou Jupiter pour les romains, est le roi des dieux et des hommes. Maître de l’univers, il vit sur le mont Olympe, la plus haute montagne de Grèce. Symbole de la force et du pouvoir, c’est sous ses traits que se drape Tedax Max pour faire son entrée dans les hautes sphères du rap français. En s’inspirant du tableau de 1706 de René-Antoine Houasse, « Minerve et le triomphe de Jupiter » pour réaliser la cover de son premier EP « Forme Olympique » sorti le 1er janvier 2021, l’artiste lyonnais s’affirme en puissance. Une cover réalisée par Juliette Gaudel (@exnihiilo) qui colle à l’ADN d’un artiste qui se distingue par son statut de kickeur hors pair avec un flow tranchant et une voix intimidante.
Crédit : Juliette Gaudel (@exnihiilo).
Si les attributs de Zeus sont la foudre, l’égide, le sceptre, l’aigle et le chêne, Tedax Max, un revolver doré à la main, a choisi la cagoule, les tatouages et la chaîne autour du cou. « Forme Olympique » est le premier volet d’une série de trois EP, dévoilés cette année. Le dernier visuel de « Forme Olympique : Final Season », sorti le 29 décembre dernier, s’inscrit dans la continuité des deux autres. Le Lyonnais clôture l’année comme il l’avait commencé, en mêlant l’art du passé à la modernité du sien.
- Lise Lacombe
Zinée — « Cobalt », par l’artiste Bouherrour
Le projet « Cobalt » dépeint le monde nocturne et nostalgique de Zinée. À travers dix morceaux mais aussi et surtout avec une pochette pleine de détails et de sens. Cette cover, réalisée par Bouherrour, fait écho aux choix auxquels Zinée est confrontée. Dans le décor angoissant d’une forêt obscure, le passé et le futur s’opposent. D’un côté, le crâne inspiré de la pochette de son premier EP « Futée » incarne la nostalgie de la rappeuse. De l’autre, la maison éclairée représente son futur, plus lumineux.
Crédit : Bouherrour.
Mais face à cette dualité, elle n’est pas seule. Une personne l’accompagne et semble la guider vers le bon chemin. Pour Mosaïque, Zinée racontait : « Les deux premiers sons que j’ai envoyé à Bouherrour sont Même pas mal et WGA avec Sean. Les deux titres ont une ambiance très nocturne. On voulait qu’il y ait de la nature parce que je ne suis pas une citadine. » Cette connexion entre les deux artistes témoigne de la volonté de Zinée de se démarquer et d’affiner une proposition artistique globale et unique.
- Arthur Deux
Khali — « LAÏLA », par le peintre Antonio J. Ainscough
« Kolaf », « Gaura », « Cobalt », « Parades »… La pochette de « Laïla » rejoint une tendance nouvelle qui frappe le rap français : celle du coup de peinture sur les CD. Si l’idée n’est pas révolutionnaire, elle porte d’abord avec poésie le propos de l’album. Un Khali plus intimiste, plus transparent, qui rappe sa mélancolie et ses états d’âme. Un humain honnête qui se montre tel qu’il est, avec ses ombres et ses lumières. La proposition du peintre Antonio J. Ainscough est ainsi fidèle à l’énergie du Bordelais qui ne cherche plus à se présenter, mais bien à creuser ses inspirations.
Crédit : Antonio J. Ainscough.
Il ne s’agit pas d’un cliché impressionnant, ni d’une remarquable réalisation 3D, mais elle demeure l’une des covers les plus marquantes de l’année passée. Elle est devenue l’image de la « new wave » 2021, le symbole d’une génération montante qui s’affranchit des codes. Un simple coup d’œil à ses couleurs rappelle les premiers succès des artistes qui gravitent autour de Khali. Cette toile deviendra-t-elle l’icône de ce courant moderniste ? L’avenir le dira, mais cette possibilité ne peut être écartée.
- Thibaud Hue
Mention spéciale : Bricksy & 3g — « UP! », par le collectif Blakhat
Après la mention de Khali et Sam’s dans cette catégorie, Bordeaux continue de briller avec Bricksy & 3g. Ce duo de producteurs à la réalisation de la mixtape « UP! » ne se sont pas contentés d’une tracklist bien fournie. La pochette du projet est confectionnée par le collectif Blakhat (également bordelais) et se distingue.
Crédit : Collectif Blakhat.
Dans une interview accordée au média Murmure, les deux compositeurs ont expliqué avoir rencontré le collectif trois ans plus tôt. Une fois réunis autour de la direction artistique du projet, l’idée d’une mise en scène avec de la rubalise (un ruban de signalisation ou ruban de balisage, ndlr) a germé pour recréer une atmosphère oppressante. Et ce, avant de trouver un décor en pleine nature pour faire un shooting coloré. Après s’être forgé une réputation solide en réalisant les covers de la 8scuela et surtout de Lyonzon, Blakhat récidive avec une photographie sobre, efficace et généreuse.
- Thibaud Hue
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