La fin de l’année approche et les artistes se pressent pour sortir leur projet avant l’arrivée de 2022. Le rap français continue donc d’être prolifique en ce mois de novembre, marqué par la sortie très attendue du quatrième album d’Orelsan : « Civilisation ». Mais d’autres projets se sont démarqués par des retours réussis dont ceux de BEN plg et EDGE. Le mois de novembre est aussi celui des premiers albums pour la rappeuse ivoirienne Andy S, le drilleur Ziak et l’homme de l’ombre Sheldon. La rédaction de Mosaïque vous livre sa sélection du mois de novembre. Nota Bene : ceci n’est pas un classement.
Avant de vous plonger dans notre sélection du mois de novembre, merci de soutenir Mosaïque ! En nous lisant, vous soutenez un journalisme rap libre et indépendant. Vos lectures et vos partages sont notre soutien le plus essentiel. N’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux, à partager et à recommander Mosaïque autour de vous !
« Spectre » – Sheldon – 5 novembre 2021
Après « Lune noire » et sa narration immersive, après les conceptuels « RPG » puis « FPS »… Sheldon a fini par accoucher de son premier album, « Spectre », disponible depuis le 5 novembre. Dans ce projet introspectif, le taulier de la 75ème Session renonce à raconter l’histoire d’autrui pour se recentrer sur lui-même. À commencer par sa relation sentimentale qu’il dépeint notamment dans l’expérimental Mon amoureuse. Le MC soigne davantage ses mélodies qu’il accompagne de nombreuses productions léchées, de l’épique No go zone à l’apaisant Caverne. Côté invité.e.s, Sheldon reste dans l’authenticité, toujours entouré de sa team. En témoigne encore une nouvelle collaboration avec M le Maudit, mais aussi la présence de Zinée et Shien, nouveaux visages de la 75ème Session. Mention spéciale également à Top boy en featuring avec Isha, une nonchalante et précise démonstration de kickage. Sheldon se met enfin en avant et continue de la jouer collectif.
- Alexis Pfeiffer
« Akimbo » – Ziak – 12 novembre 2021
Crédit : OG Bird et Yannick de Kalbermatten.
Le premier projet de Ziak sonne comme celui de la confirmation. Lancé à toute vitesse sur la vague de succès de ses premiers singles, « Akimbo » compose avec le meilleur du rappeur d’Évry, tout en nous proposant une nouvelle gamme de sonorités jusqu’alors inexistante de son panel stylistique. L’album est implanté sur les bases de ce qui fait le succès de Ziak : un ton haché et répété en fin de rimes, basé sur un flow minimaliste visant à davantage pousser l’efficacité de ses couplets. Si l’univers sombre et violent de l’artiste est respecté, le rappeur profite de ce long format pour étendre son univers musical. Le morceau Shonen en est l’exemple parfait, dans lequel l’artiste s’essaye pour la première fois à un ton plus introspectif. Plusieurs instrus marquent également l’esprit de l’album, notamment celle de Lahuiss, imprégnée de sonorités vintage et du flow old school du rappeur. Après seulement deux ans sur le devant de la scène drill francophone, Ziak parvient à nous proposer un premier projet cohérent. L’ensemble est relevé par une production renouvelant la proposition musicale de l’artiste et anticipant une possible redondance lors de l’écoute. Deux personnes sont à remercier : Focus Beatz et Hellboy, présents derrière la quasi-totalité des prods de l’album.
- Marius Sort
« Coco Jojo » – Guy2Bezbar – 19 novembre 2021
Crédit : Fifou.
À 23 ans, le rappeur de la Goutte d’or sort « Coco Jojo », l’aboutissement d’un élan d’énergie plein de spontanéité. Les dix-huit titres semblent avoir été enregistrés en une prise et l’ancienne recrue du Paris FC complète les instrumentales avec aisance. Ses feats explorent la funk, des sons plus mélodieux ou de la trap aux côtés de Hamza ou encore ZKR. Les influences du rap de Jay‑Z ou Fabolous sur GDB se ressentent dans sa collaboration avec Jvnior Bendo et Rapi Sati (Dix-Huit). Sur ce projet, le rappeur respire une nonchalance appréciable à travers les différentes énergies qu’il transmet. Sur le morceau drill, Ça va commencer ici, il chuchote : « Ça bouge pas j’me lève tôt, j’me couche tard, j’vais au bon-char », en ajoutant des gimmicks très rythmés, sa marque de fabrique. De quoi faire se lever et danser une foule. Guy2Bezbar prouve avec « Coco Jojo » qu’il est entré dans le game pour en faire une mise à jour. Si vous avez l’habitude d’une structure musicale couplet-refrain-couplet-refrain, il vous faudra quelques écoutes pour vous adapter.
- Charlotte Joyeux
« Civilisation » – Orelsan – 19 novembre 2021
Crédit : Raegular.
Orelsan va bien, Orelsan va mieux. Sa hargne qui résonnait au plus fort de sa carrière dans le morceau San s’est dissipée pour laisser place à de l’apaisement et à des réflexions davantage tournées vers les autres et le monde qui l’entoure. Si le disque n’est pas sans quelques aspérités, il relate avec authenticité la vie d’un artiste accompli de 39 ans qui ne cesse de changer. Ce quatrième opus est un défi de taille et heureusement, le Caennais raconte toujours aussi bien les histoires et a su renouveler son discours.
Mais le tour de force vient surtout de l’instrumentalisation du disque. Avec Skread et Phazz, Orelsan multiplie les prises de risques sur des productions tantôt drill, tantôt disco, ou sur des nappes de synthétiseur vintage et des envolées électroniques audacieuses. « Civilisation » est moderne. Le rappeur dépoussière sa formule en développant son sens de la mélodie. L’ensemble forme une bande son cohérente, maîtrisée sur le bout des doigts, avec des faiblesses qui lui ressemblent tout autant.
- Thibaud Hue
« Exousia » – Andy S – 26 novembre 2021
Crédit : Az.
Figure émergente du rap ivoirien, Andy S a grandi à Abidjan et sort sa première mixtape à 24 ans. Le projet est intitulé « Exousia », un mot grec ancien utilisé dans la bible et qui signifie : « Le pouvoir de choisir, liberté de faire ce qui plaît. » Une définition qui colle à la peau de son rap insolent et libre. Dans ses textes comme dans la vie, elle milite pour donner plus de place aux femmes dans le rap et se présente avec une touche d’égotrip dès l’intro de son projet comme « l’avenir de la Côte d’Ivoire, mais le public est en retard ». Sur sa première mixtape, elle invite plusieurs artistes dont la rappeuse française Vicky R sur le morceau Rap décalé. Tout au long des neuf titres, l’artiste dévoile toutes ses qualités de kickeuse sur des instrus trap mais aussi drill à l’image du titre éponyme Exousia en featuring avec l’artiste ghanéen, Reggie. Ambitieuse et déterminée, Andy S n’hésite pas à le clamer haut et fort : le meilleur rappeur de Côte d’Ivoire est une rappeuse.
- Lise Lacombe
« Parcours accidenté » – Ben plg – 26 novembre 2021
Crédit : Anastasia Salomé, Ludovic Verwaerde, François Devambez.
Un an après « Dans nos yeux », le ton grave de BEN plg se réfugie toujours dans une émanation de noirceur et s’inscrit dans la teinte générale de ses précédents opus. Son deuxième album, « Parcours accidenté », c’est le caractère brumeux des habitant.e.s de Phalempin (cité de Lille d’où est originaire BEN plg, NDLR), l’exacerbation d’un quotidien en proie au désespoir. Observateur de son environnement social, Ben Plg se métamorphose en reporter et fige avec compassion l’image d’un milieu nordiste sclérosé. Il rapporte les douleurs et les peines de son temps avec une introspection empreinte au rap dans lequel il a baigné, avec des influences rappelant Nessbeal ou Salif. Malgré une teinte musicale difficile à cerner, il parvient à émouvoir, mais le caractère tâtonnant de certaines prises de risques freine l’immersion dans cet album à la production pourtant riche. Certaines phases aux allures criardes comme dans Tous les jours réside davantage dans leur fond que dans une forme maladroitement exécutée. En dépit de certaines fulgurances, BEN plg tombe alors parfois dans la même porosité musicale que le quotidien qu’il souhaite mettre en lumière. Retrouvez la semaine prochaine sur notre site notre entretien avec le rappeur !
- Cédric Rossi
« OFFSHORE » – EDGE – 26 novembre 2021
Crédit : Raegular.
Difficile de croire que « OFFSHORE » n’est que le deuxième projet solo d’EDGE, tant le résultat est abouti. Après sa mixtape « OFF » et le projet commun « Private club » avec Jazzy Bazz et Esso Luxueux, le rappeur affirme toutes ses qualités au travers des quatorze titres de « OFFSHORE ». Qu’il soit seul ou accompagné de la crème de la scène émergente (La Fève, Jäde, Lowssa…), le rappeur du XIXe se découvre et propose de nouvelles musicalités. Comme sur 20 000, sur lequel, il découpe une instru 2‑step dans les règles de l’art, avec nul autre qu’Alpha Wann pour acolyte. Ou bien sur Palace où il signe une performance surprenante aux côtés de l’envoûtante Jäde. Mais le projet dans sa globalité reste tout de même fidèle à son ADN. Dans une atmosphère sombre et nocturne, le co-fondateur de Goldstein Records y raconte les Schémas monotones, desquels il essaye de sortir. Lors de notre entretien avec l’artiste, il s’est confié sur son rapport au temps : « Le temps me fait peur parce que c’est l’inconnu. C’est l’inconnu du futur mais aussi les maux du passé. » L’interview intégrale est à retrouver sur notre site la semaine prochaine. En attendant, de l’intro à l’outro, les textes introspectifs et les ambiances maîtrisées d’EDGE arriveront à en toucher plus d’un.
- Arthur Deux
Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à le partager ! Pour savoir les prochains articles à venir, les exclus de la rédaction et les coulisses, abonnez-vous à notre newsletter :