Entre l’EP surprise d’Aladin 135, le retour de Caballero et JeanJass et le premier jet de la rappeuse Bouki, le rap francophone s’est montré productif mais aussi collaboratif. Ainsi, Benjamin Epps et le Chroniqueur Sale ont allié leurs forces autour d’un projet commun, tout comme Jazzy Bazz, Esso Luxueux et Edge en trio. Une période ponctuée par la sortie de « QALF infinity » de Damso, tête d’affiche de ce mois d’avril. La rédaction de Mosaïque vous livre sa sélection. Nota Bene : ceci n’est pas un classement.
« X1 » – Aladin 135 – 9 avril 2021
Aladin 135 fait son retour avec « X1 », un retour aux sources avec un projet plus rappé que ne l’était son album « Phantom », sorti le 10 juillet 2020. Un EP transition dans lequel l’artiste retrouve Lesram, son partenaire du Panama Bende, sur le morceau Sur Paname. Avec Étincelles, le rappeur renoue avec sa mélancolie avant de livrer deux bangers Akha et Ya. Le Parisien redonne ainsi un aperçu de ses qualités de kickeur avec cinq morceaux accompagnés du clip de Akha tourné dans le 13e arrondissement de Paris, lieu d’origine du rappeur.
- Lise Lacombe
« Par amour et pour le geste » – Smeels – 16 avril 2021
Crédit : Elea Jeanne Schmitter.
Quelques mois après la sortie de l’EP « Very Bad Drip », la mixtape « Par amour et pour le geste », sortie le 16 avril dernier, vient confirmer la direction prise par Smeels : un rap planant et mélodieux porté par des instrumentales groovy. À l’image de cette cover-portrait signée Elea Jeanne Schmitter, l’ancien Bordelais propose une musique sobre, millimétrée et réaliste. Avec un flow nonchalant, à la frontière du chant par moment, Smeels peaufine un peu plus son personnage de lover désabusé sur 13 titres. Un projet en solitaire, cohérent musicalement sans tomber dans le piège de la répétition. Mention spéciale à Real Nword, Lover Boy et Cash & Bitchies.
- Robin Spiquel
« OSO / Hat Trick » – Caballero & JeanJass – 16 avril 2021
Crédit : Romain Garcin.
Deux albums distincts, mais une direction artistique commune. À la manière du duo américain Outkast qui dévoilait en 2003 deux albums solo : « Speakerboxxx » et « The Love Below », Caballero et JeanJass envoie « OSO » et « Hat Trick ». Oscillant entre bangers et morceaux introspectifs, les deux rappeurs belges ont pris le temps de s’ouvrir un peu plus à leur public. Que ce soit à travers les origines espagnoles de Caballero ou la déclaration d’amour de JeanJass au rap concrétisée au côté d’Akhenaton, le tandem propose ainsi une nouvelle lecture de leurs univers musicaux.
- Jules Careau
« 7 Milliards » – Bouki – 19 avril 2021
Crédit : Osoror.
Lyon regorge décidément de talents. La jeune rappeuse Bouki a dévoilé le 19 avril l’EP « 7 Milliards » dans lequel elle laisse échapper un grain de voix joliment drapé d’auto-tune. Cinq titres où l’artiste délivre l’étendue de sa proposition musicale, à l’image de l’audacieux Définition. La Lyonnaise nous envoûte le temps d’un morceau de 58 secondes qui sonne comme un interlude pour introduire Inna, un track aux sonorités orientales. Porté par le featuring Donnez-moi avec Richi, « 7 Milliards » est une porte d’entrée sur l’univers de celle qui sait aussi bien varier les flows que les tonalités de voix.
- Lise Lacombe
« Fantôme Avec Chauffeur » – Benjamin Epps & Le Chroniqueur Sale – 23 avril 2021
Crédit : Fifou.
Benjamin Epps est un rookie qui débarque avec l’attitude de celui qui n’a rien à prouver. L’attitude d’un rappeur conscient d’être unique sur la scène rap francophone et assez sûr de lui pour ouvrir son dernier EP « Fantôme Avec Chauffeur » sur un egotrip décomplexé : « Booba a sorti l’dernier album, ça y est maintenant, j’peux prendre le trône. » Audacieux, le Français sonne américain sans pour autant se tromper, fait assez rare pour qu’il soit rapidement rendu crédible aux yeux de tous et toutes par ses qualités d’écriture et d’interprétation. Un rap plein de références old school portées par les prods boomp bap du youtubeur Le Chroniqueur Sale, cette fois dans le costume du beatmaker. Sans être dépassé, celui qu’on identifie par la ressemblance de sa voix à celle de Westside Gunn relève le pari de réveiller l’oreille moderne sans la lasser, tout en débitant des punchlines à l’ego surdimensionné. Benjamin Epps sait aussi délivrer des textes remplis de sincérité, comme dans Dieu bénisse les enfants, morceau qui sonne comme un hymne à l’amour d’un homme qui cherche à protéger ceux.celles qui peuvent encore l’être.
- Lise Lacombe
« Private Club » – Jazzy Bazz, Esso Luxueux, Edge – 23 avril 2021
Crédit : Raegular.
Dans les coulisses d’un strip club éclairé par des néons rétro, trois voyous nous emmènent pour une virée nocturne. L’occasion pour le duo de la Cool Connexion, formé par Jazzy Bazz et Esso Luxueux, de se retrouver avec une nouvelle pièce maîtresse : Edge. Tantôt sur des flows noyés dans l’alcool d’une soirée finie trop tôt, tantôt sur des sessions de kick incisif, le trio délivre une capsule de couleurs et d’ambiances abouties. Un univers de débauche, de ride et de fête intitulé : « Private Club ». À la prod, des initiés de la recette : Kezo, Johnny Ola ou encore WAVYYAVE qui donnent vie à la scène. Au micro, les forces sont bien équilibrées : Edge avec des refrains mélodieux, Jazzy Bazz à travers des couplets calibrés et des formules bien senties, et Esso Luxueux qui fait enfin profiter le public de ses rares lignes murmurées et nonchalantes. Starter pack d’écoute : un verre de cognac et un cigare bien fumant.
- Thibaud Hue
« QALF infinity » – Damso – 28 avril 2021
Crédit : Romain Garcin.
Alors que la terre tourne et fait face au soleil, un faisceau lumineux fait apparaître les courbes d’un projet convoité et mystérieux. Les spéculations ont été nombreuses mais aucune n’a été à la hauteur de l’imprévisibilité de « QALF infinity ». Damso livre le résultat de plusieurs années d’expérimentation musicale, longtemps gardées secrètes derrière les murs des studios ICP de Bruxelles. Avec maîtrise, le rappeur dévoile une copie précurseuse qui ne fait pas l’erreur d’être incomprise. L’avant-gardisme de l’instrumentalisation des onze tracks écarte avec maîtrise les codes étroits du streaming. Souvent à cheval sur plusieurs prods, son flow s’adapte avec une agilité déconcertante et fait voir une certaine apothéose artistique où saxophone et guitare peuvent se fracasser contre une ligne de synthé étouffée et des sonorités tirant sur la musique électronique. Le compositeur Prinzly à la baguette, l’album est un OVNI qui profite aussi d’une qualité de mixage rare, mettant en relief chaque voix, chaque instrument et chaque motif rythmique avec justesse. Déconcertant de facilité et de profondeur, « QALF infinity » bouscule le hip-hop francophone et propose une nouvelle grille de lecture de la musique moderne. Ainsi, ne lui manque-t-il pas que les années pour pouvoir revêtir le blason de game changer ?
- Thibaud Hue
Retrouvez la MOSA’Hit : le meilleur du rap francophone playlisté par la rédaction de Mosaïque. Abonnez-vous pour ne rien rater des nouvelles sorties. Disponible sur Spotify, Deezer et YouTube.