Avec sa trilogie de titres Gutti World, sortie tout au long de l’année 2020, GUTTI a fait forte impression. Pour tirer profit de cette rampe de lancement, le rappeur originaire de Bruxelles a dévoilé un premier projet abouti : « NEW STATE », le 26 février 2021. Deux mois après la sortie de cet EP de cinq titres qu’il estime lui avoir donné « une nouvelle valeur » aux yeux du public, l’artiste semble aussi avoir obtenu un nouveau statut. Désormais pris au sérieux, GUTTI tente de se frayer une place sur la scène bruxelloise. Bien décidé à s’imposer « à sa manière », il frappe aux portes du royaume belge, prêt à conquérir le trône.
Avant son départ en croisade, nous nous sommes entretenus à distance avec le jeune rappeur. Calmement, il s’exprime sans précipiter ses mots et ses pensées. Son manager toujours près de lui. Mais pour bien saisir sa personnalité et sa musique, nous avons passé d’autres coups de téléphone en Belgique. Romain Garcin, à l’origine de la pochette de « NEW STATE » (également auteur des covers de Damso, L’Or du Commun, Caballero & JeanJass…) et Siméon, membre du duo de producteurs La Miellerie qu’il forme avec Louis (BBL) et architecte du projet, ont aussi accepté de répondre à nos questions.
Gutti est belge et sonne Bruxelles. Tête pensante du rap francophone, la capitale du royaume joue un rôle décisif dans la musique du rappeur. Autour de lui gravite une équipe noire, blanche et rouge : Gotti Maras (auteur des BX Drill, NDLR) en featuring sur Diego Armando, les producteurs de La Miellerie ou encore Romain Garcin, photographe de la pochette… Gutti ne ment pas lorsqu’il explique que s’entourer de bruxellois.e.s pour élaborer son projet lui « permet d’avoir des repères ».
Essentiellement entouré de Belges, le jeune homme souhaite aussi artistiquement s’évader pour se constituer un univers qui lui est propre. Un nouveau monde pour s’ancrer un peu plus sur la scène rap dans laquelle il ne cache pas vouloir « s’imposer pour se faire une place ». C’est dans cet élan créateur qu’il délivre une carte de visite de son talent à travers un premier EP de cinq titres. Pour donner vie au concept, l’auteur de la cover, Romain Garcin, explique avoir eu « l’idée de créer une carte d’identité de toutes pièces, comme un passeport » (Retrouvez à la fin de l’article, les explications détaillées de la cover par le photographe, NDLR). Un passeport vers son « NEW STATE », le nom de son dernier projet sorti le 26 février 2021.
« Je suis fier de venir de Bruxelles »
Après avoir mal vécu l’épisode de la crise sanitaire, ce projet apparaît pour le Belge comme un exutoire dans lequel il déploie son style, qu’il sait atypique : « Ma musique n’est pas une musique que tu vas défendre directement. Je suis quelqu’un qu’on regarde et qu’on soutient quand ça marche. » Siméon, membre du duo de beatmakers La Miellerie et producteur des morceaux Diego Armando et Today, a côtoyé de près le rappeur en studio. Il nous dépeint un artiste polyvalent, doté d’une patte singulière qui dépasse ses propres frontières : « Gutti est un peu plus français que les Belges. Il peut proposer des choses plus chantées qui rappellent Ninho par exemple, mais il peut aussi rapper comme un Migos. Son énergie me rappelle même celle de Niska. » Malgré sa proximité évidente avec les acteur.rice.s rap de sa ville qui influent sur son approche de la musique, GUTTI ne veut pas s’enfermer : « On peut se ressembler entre rappeurs, mais ici on ne se copie pas. »
Crédit : Alexis Faure.
Pour autant, l’artiste ne compte pas abandonner l’identité bruxelloise qu’il revendique. Il évoque avec fierté la métropole décomplexée où règnent le mélange et l’authenticité : « Je suis fier d’où je viens. Quand tu regardes ceux qui viennent de chez nous mais qui sont installés sur la scène française, ils ne se trahissent pas en copiant les Français. Ils gardent leur identité. »
Le rappeur est d’ailleurs reconnaissant vis-à-vis des pionnier.ère.s du rap belge qui ont ouvert la voie aux artistes émergent.e.s de la ville. Certains s’investissent même désormais dans le développement de sa carrière. C’est le cas du cador Isha qui l’accompagne comme co-manager. Mais pour GUTTI, impossible de le mentionner sans évoquer son binôme, Stanley Zotres. Les deux hommes dirigent ensemble le label Papa Shango Entertainment et veillent sur leur jeune artiste. « Ce sont des grands frères pour moi. Les premiers à avoir cru en moi et qui continuent de m’épauler aujourd’hui », nous confie-t-il.
Dans la gestion de sa carrière, le Belge joue donc collectif comme au football : une passion qui fait partie intégrante de sa vie. Vêtu le jour de notre entretien d’un survêtement de Crystal Palace, club dans lequel joue son ami Christian Benteke, il avoue : « Le foot fait presque plus partie de ma vie que la musique. » Un goût pour le ballon rond qui traverse nombre de ses textes avec des références explicites, à l’image du morceau Diego Armando qui doit son titre aux deux prénoms de la légende argentine Diego Maradona. Un son incisif enregistré à la fin de l’année 2020. Siméon, compositeur du track, nous raconte : « GUTTI, c’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut. Il voulait un truc triste mais banger. Quand nous l’avons enregistré, il faisait froid, il devait neiger ou pleuvoir. Un climat hostile (rires). Le son sonne un peu hiver, sombre. »
Si l’artiste paraît très entouré lorsqu’il s’agit de sa carrière, il semble plus réservé lorsqu’il s’agit d’intégrer son cercle personnel : « Je ne suis pas du genre à avoir beaucoup d’amis mais je porte un fort attachement aux gens que j’aime et qui comptent pour moi. » Un point de vue que l’on retrouve dans le morceau Very Bad Trip : « Le cercle est fermé, no tengo mucho amigos. » Pendant l’entretien, il rebondit sur sa punchline pour noter que ses proches ont influencé sa musique : « Mon père me faisait écouter des sons du bled et mon oncle me montrait les morceaux qui passaient sur MTV. »
Fort de ses influences diverses, GUTTI pioche dans la trap d’Atlanta, mais aussi parfois dans la drill. Siméon a pu le constater en travaillant à ses côtés : « Pour le morceau Today, GUTTI voulait qu’on fasse une “sous-drill”. C’est ce qu’il dit quand il veut que ce soit drill dans les rythmiques et que les accords partent dans quelque chose de plus “français”, plus lumineux. » Sur ce titre, placé symboliquement à la fin de tracklist, le Bruxellois a d’ailleurs choisi de changer son approche habituelle en adoptant cette fois un ton plus introspectif. « Dans chacun de mes sons, je parle à 70 % de ma vie actuelle, un peu de mon passé et un peu de ce que j’espère. Mais pour Today, j’ai décidé de montrer aux gens une autre facette », explique le rappeur.
Une ouverture nouvelle qui a surpris son co-manager, Isha. Siméon nous raconte : « Isha est venu me voir sur un tournage de clip (du titre Gimmick de La Miellerie, en featuring avec Isha et Nixon, NDLR), et m’a remercié de lui avoir donné l’opportunité de montrer autre chose de lui avec cette prod, c’était surprenant. Ça lui a fait plaisir de le voir dans cet esprit-là parce qu’il est plus souvent dans l’énergie de la fête. »
Son EP « NEW STATE » fait définitivement de lui un rappeur difficile à ranger dans une case. Ceux.celles qui l’entourent ne semblent en tout cas ne pas douter qu’il ait une place à prendre, à l’image de Romain Garcin qui se montre confiant : « Le succès c’est beaucoup de chance et un alignement des planètes, mais il a la recette pour péter, c’est sûr et certain. » Le compositeur Siméon ne tarit pas non plus d’éloges : « Il est très à l’aise en studio. J’aime beaucoup son énergie. Je suis sensible au flow donc bosser avec lui c’est cool parce que c’est quelqu’un de très instinctif, qui fonctionne au ressenti et à l’intuition. Il sent les éléments de la prod. Le meilleur de notre collaboration reste à venir je pense. Il a en tout cas le potentiel pour se faire une place sur la scène rap. Il a le personnage et le charisme qui va avec. » GUTTI, un cran plus modeste, nous conseille plutôt de patienter : « Le prochain projet, franchement, essayez d’être au taquet parce qu’il va faire mal. »
La réalisation de la cover
La pochette de « NEW STATE » a été réalisée par le photographe Romain Garcin. Il raconte point par point les étapes de son travail.
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