Il y a certaines pochettes d’album qui resteront dans l’Histoire du rap. Parmi les covers de l’année 2020, trois ont particulièrement retenu notre attention. Artwork original, présentation épurée, cliché chargé en symboles… La rédaction de Mosaïque vous livre sa sélection.
« Sélection naturelle » — Kalash Criminel, par le photographe Fifou
Crédit : Fifou.
Si la cover de « La Fosse aux Lions » (2018) avait été fortement critiquée, Kalash Criminel a su servir un projet au moins aussi bon avec, cette fois-ci, une pochette marquante.
Réalisée par Fifou, la cover de « Sélection Naturelle » a nécessité trois mois de travail. À France.tv Slash pour la série « Undercover », le photographe expliquait : « Nous avons fait le pari de remettre l’Afrique et la famille au centre, sans montrer Kalash. Ce qui était compliqué, c’était surtout de trouver une femme disponible, prête à allaiter devant l’objectif. »
La couverture finale propose un message fort qui correspond à l’univers de l’album et de l’artiste sevranais. Nous pouvons apercevoir deux policiers face à une mère de famille noire cagoulée, dos à un arbre, allaitant son bébé dans les bras. Devant elle, un jeune garçon appelé Mansa. Bien qu’il ne soit pas réellement atteint d’albinisme, son teint rappelle la couleur de peau de Kalash Criminel.
L’artiste d’origine congolaise a dénoncé à plusieurs reprises la discrimination que les albinos subissent en Afrique, considérés comme faibles et maudits. Malgré son jeune âge, le garçon de la pochette se montre déterminé à protéger sa famille. Une mise en scène qui n’est pas sans rappeler le single But en or, en featuring avec Damso, où le rappeur défend sa condition dans son texte : « Ils se moquent de mon albinisme, mais c’est ça qui fait ma force », ainsi que dans le clip réalisé par Felicity Ben Rejeb Price.
Le cliché mêle également une réalité tristement actuelle : celle des violences policières. L’un des deux policiers, la main posée sur son arme, fait face à une mère de famille seule et avec pour seule défense un bâton de bois. Un symbole fort et esthétique qui érige la pochette comme l’une des plus marquantes de l’année 2020.
- Yassine Ben Amor
« QALF » — Damso, par le photographe Romain Garcin
Crédit : Romain Garcin.
Le visage baissé, puis complètement incliné, avant de montrer le fond de sa pupille obscure, Damso a autant de personnalités que de pochettes et se renouvelle. Une peau neuve artistique qui se fond à travers une cover mystérieuse, à l’image de ce quatrième projet, « QALF ».
Sur une nouvelle vague musicale, le rappeur, désormais indépendant, souhaite remettre la musique au centre du jeu. Le créatif Romain Garcin, déjà à la réalisation de la pochette de « Lithopédion », trouve la bonne formule et opte pour un boîtier transparent, un CD noir et une cover vide. Mais pas moins complexe.
L’intégralité de l’entretien est à retrouve ici : Romain Garcin nous raconte la réalisation de la cover de « QALF ».
Le photographe belge confiait d’ailleurs à Mosaïque : « Je pense que les covers qui marquent le plus leur époque sont rarement celles qui montrent des portraits mais plutôt des concepts. Nous voulions créer un album intemporel, qui se concentre sur l’essentiel. » À travers une police travaillée de façon unique dans ses détails et sa mise en forme, il réalise un artwork discret et précis, gravé sur le boîtier cristal de l’album. Il devient alors « indissociable du CD qu’il contient », précise Romain Garcin, avant d’ajouter : « L’idée, c’était de réaliser une cover simple mais pas simpliste. »
- Thibaud Hue
« Stamina, » — Dinos, par le photographe Fifou
Crédit : Fifou.
Un enfant, un ring de boxe, et Dinos. De la sueur et un doigt posé sur la tempe. À première vue, la pochette de « Stamina, », réalisée par Fifou, laisse entrevoir une figure paternelle exprimant à son enfant l’importance de se battre d’abord avec sa tête, et ensuite avec son cœur. Le mental, de fer ou d’acier, est essentiel pour perdurer, gagner ses combats, rester au sommet et travailler plus que les autres. Une image en adéquation avec le titre de l’album qui signifie « endurance » en anglais.
Le rappeur de La Courneuve exprime, depuis le début de sa jeune carrière, sa volonté de s’inscrire dans la longévité et de laisser son empreinte sur la scène du rap français. L’enfant aux poings rembourrés par les gants rouges est le même garçon présent sur la cover de son premier album : « Imany », sorti en 2018. Accrochée au mur de la salle, en arrière-plan, la photo de Mohamed Ali renvoie d’ailleurs à la citation du célèbre boxeur : « N’abandonne pas. Endure maintenant et vis le restant de ta vie en tant que champion. »
- Maxime Guillaume