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Alors qu’il rap­pait ses rêves sur sa mix­tape « Poet­icGhet­toSound », Cash­mire vient de ter­min­er son deux­ième pro­jet. Le rappeur du 18e arrondisse­ment de Paris ouvre une nou­velle page artis­tique, sur laque­lle il racon­te la réal­ité de sa vie au quarti­er et sa vision « agres­sive­ment réal­iste » du monde. Attablés à un café parisien, ren­con­tre avec une sig­na­ture musi­cale 018.

Tu vas bien­tôt sor­tir ton deux­ième pro­jet. Où en es-tu dans le proces­sus de créa­tion et com­ment tu te sens à l’approche de la sortie ?

Il est fini et il est excel­lent. Tout est mixé. Je suis dans les visuels. Je ne ressens aucune pres­sion, tout comme avant la sor­tie de « Poet­icGhet­toSound ». Je suis focus sur ce que j’ai à faire et je laisse par­ler la force des choses. Que je sorte un nou­veau pro­jet, un nou­veau clip ou une nou­velle inter­view, il se passe ce qu’il doit se pass­er. Si je dois avoir une pres­sion, c’est seule­ment vis-à-vis de moi-même. Com­bi­en de sons ai-je écris cette semaine ? Com­bi­en de phas­es ? C’est ça qui me challenge.

Tu as déjà qual­i­fié ta musique de « new pop rock ». On sent que tu as envie d’avoir une sig­na­ture pro­pre. Aujourd’hui, as-tu l’impression que c’est chose faite ?

Au niveau du son, c’est ma sig­na­ture vocale que je tra­vaille le plus. Je pense être arrivé à un truc tan­gi­ble. Cette sig­na­ture, je l’appelle 018. Il y a d’ailleurs beau­coup d’ad-libs « 018 », à la manière de : « 018, c’est pas touris­tique » sur Guc­ci Bae

Sur « Poet­icGhet­toSound », tu as misé sur une grande diver­sité d’instrumentales. À quoi doit-on s’attendre maintenant ?

C’est plus uni­forme, même si j’ai encore touché à beau­coup de chose. Je suis branché avec les meilleurs com­pos­i­teurs du rap français. J’ai pu tra­vailler avec Unfazzed, Wladimir Pari­ente ou encore Pun­ish­er. Il y a même un énorme titre avec Junior Alaprod. Je pense aus­si à un jeune que j’aime beau­coup qui s’appelle Omran, à Math­ias Di Gius­to, un gui­tariste qui tra­vaille avec Maître Gims, sans oubli­er Six10 qui a signé la prod de Guc­ci Bae. D’ailleurs, je fais un gros s/o à Julien Thol­lard d’Universal Music Pub­luhs­ing pour son grand tra­vail de composition.

Junior Alaprod, senior du beatmaking. Article à découvrir sur Mosaïque.

As-tu par­ticipé au mix de ce projet ?

Il n’y a pas un effet de voix dans un son de Cash­mire que Cash­mire n’a pas décidé. Je peux revenir au stu­dio à cause d’un delay (effet audio, NDLR). Ma sonorité est trop impor­tante pour moi. Je ne fais pas les mixs, mais je les super­vise un peu comme un directeur artis­tique. J’apprends pour m’enregistrer tout seul. J’ai un stu­dio dans ma cham­bre et je m’essaye aus­si à la com­po­si­tion, mais je n’en dirai pas plus ! Je veux être maître de ma musique.

As-tu peur que ta nou­velle propo­si­tion musi­cale ne puisse pas plaire ?

Une fois que j’ai fini et que je con­sid­ère que c’est car­ré, per­son­ne ne va venir me dire ça sonne mal. C’est ma musique. Quand j’enverrai mon pro­jet, les gens vont péter leurs têtes (rires). Si « Poet­icGhet­toSound » a pu plaire à des gens, ce que je fais là ne peut que leur plaire encore plus. S’il y a encore des choses à com­pren­dre de ça, je l’apprendrai et je reviendrai. Avant d’en arriv­er là, je les ai vécu les trucs durs. Main­tenant, c’est juste de la musique. Au pire si tu n’aimes pas, tu n’écoutes pas.

S’appellera-t-il « Madame tout le monde » ?

Il y a plein de rumeurs. Je m’amuse un peu comme Kanye West avec des fauss­es pistes. Ce ne sera ni « Serge Gains­bourg », ni « Madame tout le monde ». J’ai déjà une idée solide en tête mais rien est encore fixe, donc je ne dirai rien !

« Poet­icGhet­toSound » est une mix­tape. Aujourd’hui, tu pré­pares un album. Est-ce que ces for­mats sig­ni­fient encore quelque chose pour toi ?

Cela ne veut plus rien dire. L’industrie est telle­ment rapi­de que les noms et les éti­que­tages n’ont plus aucune sig­ni­fi­ca­tion. Mais le pub­lic lui don­nera le nom qu’il souhaite pour le com­pren­dre. Moi, je crée seule­ment des his­toires et des tableaux. Dans ma con­cep­tion créa­trice, les for­mats ne m’intéressent pas. Je fais juste en sorte que les sons se lient entre eux.

Avec mon col­lec­tif RCHAOS, nous avons le dégoût pro­fond de la con­cep­tion de l’art élitiste.

Tu as une manière très artis­tique de voir ton art et tu fais par­tie du col­lec­tif RCHAOS qui fait de l’art plas­tique. De quelle manière cela t’influence-t-il ?

RCHAOS m’apporte beau­coup de richesse. C’est avant tout une bande de potes et nous avons des liens très forts. Il y a une ému­la­tion et nous nous boos­t­ons tous. Une con­cur­rence saine et pos­i­tive. Cha­cun a son médi­um, même si nous défendons tous la même éthique de tra­vail et de pen­sée. Nous sommes des jeunes parisiens qui se réu­nis­sent autour de l’amour de la créa­tion et qui veu­lent décou­vrir le « world ». Cha­cun avec ses prob­lèmes, que ce soit en tant que minorité sociale, finan­cière ou autre.

Le col­lec­tif se présente avec l’ambition de « ren­dre l’art acces­si­ble à tous ». C’est aus­si dans cet état d’esprit que tu développes ton rap ? 

Tout à fait. Nous avons le dégoût pro­fond de la con­cep­tion de l’art éli­tiste. C’est une démarche que Kei­th Har­ing avait aus­si. C’est un blue­print. Nous avons la démarche du Do it your­self aus­si. C’est pour ça que mes pre­miers clips sont faits par RCHAOS. Je voulais tout de suite instau­r­er une image à moi et par moi. C’est un adage de Vivi­enne West­wood, qui est une créa­trice de mode.

Tu te cul­tives beau­coup à côte de ta musique. Tu par­les même de tes pro­jets comme des « chapitres ». Il y a quelque chose de très lit­téraire chez toi.

Après, moi j’étais en STMG (rires). J’ai une con­cep­tion artis­tique des choses en général. Je vois tous les arts comme des médi­ums avec des ponts. C’est pour ça que je peux com­pren­dre un réal, un design­er, un pein­tre, un chanteur, un com­pos­i­teur, un ingénieur du son, un journaliste…J’ai cette approche là dans ma musique. J’ac­cepte d’être caté­gorisé comme un rappeur, mais j’ai vrai­ment une fibre artis­tique plus large. Je suis surtout un artiste-musicien.

Le col­lec­tif RCHAOS se présente aus­si comme des jeunes utopistes. Pour­tant, dans tes sons tu par­les sou­vent du quarti­er comme étant « mau­dit ». Tu te vois comme un utopiste ? 

Je ne pense pas être utopiste, ni un can­dide. Je suis agres­sive­ment réal­iste. Avec la même charge d’e­spoir. Je dirais même que je suis anarchiste.

Je suis un enfant de la marge. Je suis né, j’ai gran­di et j’ai com­pris en marge. Je me sens mieux dans les « bats » que dans les soirées mondaines.

Tu te con­sid­ères con­tre l’ordre établi ?

Je ne suis pas con­tre. Mais je suis un enfant de la marge. Je suis né, j’ai gran­di et j’ai com­pris en marge. Et même si un jour ma musique marche, je con­tin­uerai à marcher en marge. Cela ne sig­ni­fie pas for­cé­ment être under­ground, mais ce sera tou­jours 018. Je représente mon quarti­er. C’est ma famille, mes proches qui me don­nent de la force. Je ne dois rien à per­son­ne. Il n’y a aucune indus­trie qui me fera chang­er. Je me sens mieux dans les « bats » que dans les soirées mondaines.

RCHAOS a pro­duit pra­tique­ment tous tes clips. Y aura-t-il d’autres visuels de RCHAOS pour accom­pa­g­n­er ton deux­ième projet ?

Ils seront tou­jours là de toute façon, d’une manière ou d’une autre. Il y aus­si des étapes. Avoir des clips direct­ed by RCHAOS, c’était bien pour arriv­er, avec une imagerie, des codes qui ne sont pro­pres qu’à moi. Là, j’ai envie de m’exprimer en tant que Cash­mire. Le côté RCHAOS va con­tin­uer de s‘exprimer avec du merch, de l’affichage, des pho­tos… Tou­jours de l’art en tout cas.

Le dernier clip en date, Guc­ci Bae, a été pro­duit par NoCol­or. Pourquoi as-tu voulu dis­tinguer les visuels par la réalisation ? 

Le clip de Guc­ci Bae est moins col­lec­tif. Il est plus indépen­dant. C’est le pre­mier clip du nou­veau moi. Visuelle­ment, Cash­mire va plus s’exprimer. Pour Guc­ci Bae, j’ai fait appel à Cherif, un gars du 18e arrondisse­ment. Je sais donc qu’il com­prend l’image que je veux avoir. J’ai envie de faire un truc un peu plus fash­ion. Je vais met­tre en avant mes inspi­ra­tions mode, mon atti­tude aus­si. Que l’on puisse capter la per­son­nal­ité du gars en mode : « Ça pour­rait être mon pote » (rires).

Ta gestuelle a été par­ti­c­ulière­ment remar­quée dans Guc­ci Bae. C’était naturel ou travaillé ?

Je l’ai tou­jours eu. Mais avant, j’avais pas les sons, ni les lieux. Et peut-être qu’il était trop tôt pour que j’arrive en ges­tic­u­lant. Cette petite rota­tion d’épaule, c’est ça que je veux faire. C’est très Cash­mire. Tou­jours dans la rue, mais fashion. 

Le prochain pro­jet est pour mon quarti­er. Cash­mire va se met­tre au ser­vice du 18e.

Tes clips sont tou­jours tournés dans le 18e arrondisse­ment de Paris. Dans le prochain pro­jet, quelle place veux-tu don­ner à ton quartier ? 

Avec ce deux­ième pro­jet, je veux entr­er dans la pro­fondeur des choses. Dans des morceaux comme Geisha, Cook­ie ou Le par­rain, je rap­pais mes rêves et ce que j’avais dans la tête. Si cer­tains pou­vait déjà kif­fer mon délire, ma musique n’était pas utile. Le pre­mier son du deux­ième pro­jet, Bien­v­enue, s’intègre dans un nou­v­el état d’esprit que j’appelle 018. Le prochain pro­jet est pour mon quarti­er. Cash­mire va se met­tre au ser­vice du 18e. Il y aura plus de chan­sons sur moi et ma vision des choses. Je dépeins ce que je vis et ce que je vois au quartier. 

Tu fais notam­ment référence à la colline du crack, située Porte de la Chapelle à Paris, en la renom­mant la « colline du trap ».

Le cas de la colline du crack est très représen­tatif de ce que je veux faire. Je vois com­ment Brut en par­le, et moi, ce que je vois au quo­ti­di­en. Je suis dans le réel et je ne suis pas intéressé par le buzz ou le shock val­ue que ça peut créer. Cer­tains cherchent les sen­sa­tions fortes, mais moi, je suis juste venu mon­tr­er mon quarti­er. Dans Guc­ci bae, je mon­tre le point de vue d’un gamin pour qui tout ça, c’est nor­mal. Avant, c’était des rêves, main­tenant, je suis agres­sive­ment réaliste.

Je ne rappe pas pour être une star, mais pour sor­tir du ghetto.

Tu par­les d’être agres­sive­ment réal­iste, pour­tant tu t’appelles Cash­mire. Un nom qui appelle plutôt à la douceur. Para­doxale, non ?

Le cash­mire, c’est doux et lux­ueux. Il y a ce truc du plus rare, du plus cher, du plus quali… Et du cash. Je ne rappe pas pour être une star, mais pour sor­tir du ghet­to. Et je trou­ve cela agres­sive­ment réal­iste. Si j’avais pu être une star de la médecine, j’aurais été con­tent aus­si. Mais ce que j’ai pu faire avec mes oppor­tu­nités, c’est le rap. Et der­rière cette réal­ité là, il y a la déli­catesse et la finesse de Cash­mire. D’où le jeu de mots.

Pour le côté douceur, de manière général, je suis aus­si un lover boy quand même. J’aime les mélodies et les his­toires d’amour. Mais j’ai aus­si nor­mal­isé une cer­taine vio­lence de la rue et du quarti­er. Le résul­tat, c’est Cash­mire, un hybride de Tupac et Serge Gains­bourg. Et au-dessus du cash­mire, il y a l’Alpaga. Mais je n’allais pas m’appeler Alpa­ga (rires).

Pour le moment, tu ne comptes aucun fea­tur­ing à ton act­if. As-tu prévu d’inviter des artistes du 18e pour met­tre en avant ton quartier ?

Ce sera sans fea­tur­ing. Cash­mire fait une grosse prise de parole. Je tiens à dire des choses. Mais, par la suite, je vais rapi­de­ment devenir un acteur act­if sur la scène dans le 18e arrondisse­ment et faire décou­vrir plein de mecs que je trou­ve excellents.

Tu as déjà posé sur deux prods du rappeur Tejdeen qui vient de sor­tir un EP en mars. Une nou­velle col­lab­o­ra­tion est-elle pour bientôt ? 

Tejdeen, c’est une grosse con­nex­ion. Nous avons une alchimie qui est très forte. J’aime beau­coup ce mec. Il fait par­tie de ceux qui m’ont don­né de la force, de la matière créa­tive et de l’écoute à une époque où j’en avais besoin. Il a sa part dans ce pro­jet qui arrive. J’avais une idée et je l’ai appelé pour qu’il la réalise. Le son est très lourd, il s’appelle Non.

Tejdeen, d’or et d’argent. Article à découvrir sur Mosaïque.

Un dernier mot ? 

Le pro­jet arrive. Mer­ci à vous. Restez branchés. Et surtout : 018.

« Poet­icGhet­toSound », le pre­mier pro­jet de Cash­mire, disponible sur Spo­ti­fy et Deez­er.

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