Mosaïque

En 2016, l’artiste Dame D.O.L.L.A sort son tout pre­mier album « The Let­ter O ». Dame D.O.L.L.A der­rière le micro, Dame Time der­rière l’arceau, le meneur super­star des Port­land Blaz­ers (Ore­gon), Dami­an Lil­lard, incar­ne aujourd’hui cette passerelle exis­tante entre le rap et le bas­ket­ball. Show-off, puis­sance, ryth­mique… Une vraie con­nex­ion culturelle. 

Dans le rap, Drake est con­nu pour ses musiques roman­tiques et entraî­nantes. Dans le bas­ket, il est de notoriété publique pour son trashtalk cor­rosif à l’encontre des adver­saires de ses Rap­tors de Toron­to. Le rappeur est un sup­port­er bien par­ti­c­uli­er dans ces travées bondées les soirs de match.

Il n’assiste pas unique­ment au match : il l’influence. Par ses punch­lines et ses con­tes­ta­tions sur les déci­sions d’arbitrage, il dépasse large­ment son statut d’artiste. En parte­nar­i­at avec la fran­chise depuis 2013, il a con­tribué au développe­ment infra­struc­turel des « Dinos », con­cer­nant les choix esthé­tiques (couleurs, mail­lots, logo). Drake a indé­ni­able­ment con­tribué à replac­er Toron­to (Ontario, Cana­da) sur la carte des équipes qui ont la cote.

 

Drake et Klay Thomp­son (Gold­en State Warriors).

 

Si son investisse­ment reste excep­tion­nel, il n’est pas le seul sup­port­er étoilé à assis­ter aux matchs de la « Grande Ligue ». Les court sides (pre­mier rang des gradins, NDLR) des ter­rains NBA bril­lent sou­vent par la présence de per­son­nal­ités impor­tantes du rap game améri­cain : J Cole, Travis Scott ou encore les Migos.

Regards com­plices, checks, célébra­tions… Les liens d’amitié et de fra­ter­nité entre artistes et ath­lètes sont indé­ni­ables. Dès lors, com­ment cette rela­tion se traduit-elle dans les com­po­si­tions de ces MC ? Game on.

 

Une origine commune

Un pre­mier élé­ment de réponse peut être trou­vé dans les lyrics du créatif Post Mal­one et son track White Iver­son. Le titre rend bien évidem­ment hom­mage à Allen Iver­son, dit The anws­er, légende des Philadel­phia Six­ers. Ici, Post se sert de ce titre pour exprimer son amour de la balle orange, dis­til­lant des références à cer­tains cadors du game, comme James Hard­en (Hous­ton Rock­ets) ou Antho­ny Davis (Los Ange­les Lakers).

Comme beau­coup de rappeurs, ils jouent sur les play­grounds depuis que ses jambes lui per­me­t­tent de tenir debout. La sim­i­lar­ité des tra­jec­toires entre rappeurs et bas­ket­teurs créent cette con­nex­ion, à l’im­age du pre­mier cou­plet de Drake dans le morceau Thank me now :

« I can relate to kids going straight to the league when they rec­og­nize that you got what it takes to suc­ceed, and that’s around the time that your idols become your rivals. […] Damn, I swear sports and music are so syn­ony­mous, cause we want to be them, and they want to be us. »

Le cran, l’audace, le dépasse­ment de soi et la croy­ance en une des­tinée glo­rieuse, voici ce qui lie en pre­mier lieu le rappeur et le bas­ket­teur. Cette men­tal­ité par­ti­c­ulière­ment nord-améri­caine de la lega­cy, cette envie de mar­quer l’histoire et d’aller au-delà des limites.

 

Qua­vo et Trae Young (Atlanta Hawks).

 

De chaque côté de la ligne de touche, se tien­nent des hommes dont l’histoire fut par­fois trag­ique, sou­vent tein­tée de galères et de souf­frances, tou­jours sym­bole de courage et de per­sévérance. Le rappeur comme le bas­ket­teur, s’inspire de ses idol­es, les idol­âtrent, en espérant un jour leur ressem­bler et les sur­pass­er. Il y a dans cette démarche une envie de prou­ver, à soi-même et aux autres, sa valeur en tant qu’homme mais égale­ment en tant qu’artiste ou sportif.

Mais alors pourquoi le rap est-il tant lié à la Ligue ? Pourquoi le jazz, le rock ou encore le funk ne le sont-ils pas tout autant ? De par l’origine des joueurs (majori­taire­ment issus des class­es pop­u­laires) et celle du rap (né dans les quartiers défa­vorisés du Bronx, à New-York), un lien indé­fectible et immuable se trou­ve entre ces deux univers. Il en découle, dès lors, un partage de valeurs sim­i­laires, traduites dans les paroles et l’énergie mise dans leurs œuvres.

 

Question de flow

Aujourd’hui, une notion dénote de façon cri­ante dans les sons per­for­més par Lil Baby, Future, Young Thug ou Gun­na : l’agressivité. La ryth­mique a changé depuis les généra­tions Old School. L’heure est aux bass­es sac­cadées, accom­pa­g­nants des cou­plets débités avec inten­sité. L’agressivité et l’intensité sont deux notions fon­da­men­tales dans la NBA de notre époque.

De fac­to, le flow qui ressort de ces com­po­si­tions résonne par­faite­ment avec les actions kamikazes d’un Ja Morant (Mem­phis Griz­zlies), à la froideur d’un Stephen Cur­ry (Gold­en State War­riors) ou la robustesse d’un Mon­tre­zl Har­rel (Los Ange­les Clippers).

Le champ lex­i­cal du bas­ket­ball est égale­ment prop­ice aux punch­lines. La bague, les 3‑pointers, les cross et les shoots traduisent des actions trans­pos­ables dans la vie de tous les jours et devi­en­nent des moyens métaphoriques pour les rappeurs.

 

Kim Kar­dashi­an, Kanye West et J Cole

 

La « ring » par exem­ple est la récom­pense suprême pour un joueur de NBA, obtenue grâce à une vic­toire en finale de play-offs. Elle incar­ne la réus­site, l’accomplissement d’un proces­sus de labeur et de dévoue­ment pour arriv­er au som­met. Kanye West y fait d’ailleurs référence dans New God Flow, où il prononce ces phras­es: « Went from most hat­ed to the cham­pi­on god flow. I guess that’s a feel­ing only me and LeBron know. »

Bien qu’il n’y ait pas de cor­re­spon­dance directe à cette dis­tinc­tion dans le rap, d’aucun com­prend facile­ment la portée et le sens de ce mes­sage. Ce besoin d’approbation et de val­i­da­tion est com­mun à ces deux métiers et la route est longue pour attein­dre une pleine satisfaction.

Ce qui car­ac­térise la majeure par­tie du temps cette rela­tion bilatérale est la recon­nais­sance des rappeurs en cer­taines stars, dev­enues icônes de la balle orange. Comme le cla­ment J Cole : « I want Jor­dan num­bers, LeBron footin’ »  (Return of Sim­ba), Kanye West : « And you can live through any­thing if Mag­ic made it »  (Can’t tell me noth­ing), ou encore Lil Wayne : « I must be LeBron James if he’s Jor­dan » (Dough is what i got). La propen­sion à trou­ver son reflet dans ces ath­lètes aux mains d’or est évidente.

À tra­vers ces paroles, les lyri­cistes améri­cains traduisent une admi­ra­tion pour ce que représente pour eux, les plus grands joueurs de bas­ket. Ils font fig­ure de role mod­el, sur le ter­rain mais surtout en dehors.

À en juger par l’orientation musi­cale de la track­list offi­cielle pour le prochain NBA 2K, la con­nivence entre rap et bas­ket­ball est évi­dente. Sans être exhaus­tif, les fameux Travis Scott, Lil Baby ou Stor­mzy seront au ren­dez-vous, accom­pa­g­nés d’étoiles mon­tantes comme Polo G, Jack Har­low ou NLE Chop­pa. Le sport nation­al du pays, le plus influ­ent de la planète, con­tin­ue de met­tre en lumière le rap. Et n’est pas prêt de s’arrêter.

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