Il y a un an jour pour jour, Shay délivrait son remède. Sur «Antidote», sorti le 10 mai 2019, la rappeuse belge explore ses blessures et ses forces. La musique guérit ses peines et l’accompagne dans son émancipation. Un an après son deuxième album, Shay est en rémission, en quête de toujours plus de liberté.
« Je veux être libre et c’est ce que j’ai voulu faire avec ce projet », déclare Shay dans un face à face avec Pascal Cefran pour Mouv’. Pour faire tomber ses chaînes, l’artiste doit d’abord s’affranchir musicalement. Bien trop grande pour être réduite aux « sons de chicha et zumba », elle se met en quête d’un projet à la hauteur de son ambition. Sur la pochette de l’album, elle annonce la couleur. Tel un serpent qui change de peau au cours de son évolution, Shay s’apprête à effectuer sa transformation.
Résultat, le venin de la liberté se propage à travers 14 titres où l’artiste s’évertue à affirmer son indépendance vis-à-vis de la société et ses attendus. Sur « Antidote », elle déploie les ailes de son talent. Elle offre des phases de kicks comme sur Prends ton time ou Oh oui, de mélancolie sur Ich Liebe Dich ou BXL, tout en restant dans sa zone de confort sur des titres aux accents zumbas comme Liquide, Même pas bonne ou Villa.
Douceur brutale
L’amour sous toutes ses formes est au cœur du projet. Mais quand Shay parle d’amour, c’est pour parler de ses désastres. En pleine émancipation, sa fuite d’une quelconque dépendance est inévitable :« Enlace moi, enlace moi avant que je me lasse, je me lasse », « Attache-moi, attache-moi avant que je me détache » (Amours & désastres).
Ainsi, elle mêle toujours l’amour au chaos. Sur Amours & désastres, la douceur d’un refrain se marie à la brutalité du son des kalashs. La rappeuse belge cède rarement à la fragilité qui est toujours contrebalancée :« Je traîne ma peine en Versace ». Sa voix délicieusement cassée vient rompre avec l’apparente tranquillité des morceaux.
Après avoir chanté sa « détresse désenchantée » (Désillusions), Shay n’oublie jamais d’être impertinente. Sur une prod, toute aussi insolente, du titre Même pas bonne, elle fustige avec nonchalance : « Ta salope elle est pas bonne ». Affranchie, l’artiste a fait son choix : « À deux c’est bien mais seul c’est beaucoup mieux » (Prends ton time).
J’refuse d’être la meuf qui pleure
À travers Shay, c’est aussi la langue qui se libère de ses codes, à la manière de son mentor Booba. Les phrases se détournent du carcan de leurs syntaxes comme dans Amour & désastres : « Tendresse, zéro, marée basse, Bonnie & Clyde à la casse / Amour et ses désastres, bouquet de roses, mauvaise passe ». Les textes de la rappeuse la laissent libre de condenser une histoire en quelques mots pour raconter sans se livrer.
De la même manière, elle masque ses blessures derrière une prod aux tonalités dansantes sur Pleurer qui nous ferait presque oublier que Shay nous confie ses peines : « L’espoir fait vivre, suis-je enterrée ? ». Incapable de coucher ses souffrances sur papier, elle confie ses angoisses à Damso qui se chargera de l’écriture du titre.
Celle qui « refuse d’être la meuf qui pleure » parvient rarement à parler de ses douleurs à la première personne. Alors, elle choisit de s’adresser une dernière fois à son coeur, coupable de tous ses maux sur Coeur Wanted et conclut « C’est bien beau d’aimer mais c’est bien mieux de ne pas souffrir .
Shay a trouvé l’antidote à ses souffrances et ferme la porte à ses émotions qui l’ont trop souvent trahies. La liberté qui l’a rendu insensible sera son nouveau poison. Désormais, elle a des « thunes à récolter », pour assurer le confort des siens à qui elle assure : « Maman, t’auras la villa, Maman t’auras la ville ».
Dans cette perspective, elle laisse derrière elle les morceaux de son cœur brisé pour regarder vers l’avenir. Avant de revêtir sa nouvelle carapace, elle entonne un hymne mélancolique à la ville qui a fait d’elle l’artiste qu’elle est aujourd’hui. Avec BXL pour clôturer l’album, Shay adresse un ultime regard à son passé qui sonne comme un adieu rempli de promesses.