Mosaïque

Comme beau­coup de sa généra­tion, Andy décou­vre l’art de la rime dans les années 2000 avec La Fouine et Diam’s sans vrai­ment savoir ce que c’est. Plus tard, c’est l’accent mar­seil­lais des Psy 4 De La Rime qui lui donne réelle­ment le goût du rap. À la même époque, le jeune lycéen reçoit son pre­mier smart­phone et filme tout ce qui l’entoure pour racon­ter des his­toires et surtout pour ne pas oubli­er. Une décen­nie plus tard, c’est ce même amour de la musique, tein­té de nos­tal­gie, qui va le pouss­er à con­ter l’histoire du rap français sous forme de petits doc­u­men­taires sur sa chaîne « Viens On Discute ».

Cela fait à peine un an que tu as lancé ta chaîne YouTube. Qu’est-ce qui t’as poussé à poster ta pre­mière vidéo ?

C’était au début du pre­mier con­fine­ment. Je me suis lancé parce que j’étais au chô­mage par­tiel. J’ai eu le temps de faire ce que je voulais. Ça fai­sait qua­tre mois que j’essayais de sor­tir une vidéo sur le rap. Mais en réal­ité quand tu boss­es, c’est hyper chaud de se dire : « Vas‑y ce week-end, je fais que ça. » À chaque fois, je ren­trais tard chez moi et le week-end je me met­tais une cuite et je n’avançais jamais. Alors au moment du con­fine­ment, je me suis dit : « Mec, là, tu n’as aucune excuse. »

Pourquoi as-tu choisi « Viens On Dis­cute » comme nom pour ta chaîne ?

J’ai trou­vé « Viens On Dis­cute » avant de décou­vrir la chan­son de Dis­iz du même nom. À la base, ça me vient d’une idée pour­rie que j’ai eue. Mon prénom c’est Andy et pen­dant un temps j’ai été matrixé par le gim­mick « Sku sku ». Je voulais faire un jeu de mots avec « Andy » et « Sku ». De là est né « Viens On Dis­cute ». Lorsque je me suis mis à chercher une chan­son pour faire un générique, je suis tombé par chance sur le son de Dis­iz. J’ai grave écouté cet artiste mais je n’avais pas du tout le sou­venir de ce morceau. Cette phrase, « Viens On Dis­cute », allait par­faite­ment avec le délire que je voulais dévelop­per sur ma chaîne. Je n’avais pas envie d’être comme ce que je voy­ais déjà sur YouTube. 

Tes dernières vidéos sont présen­tées comme des doc­u­men­taires. D’où te vient cette envie de doc­u­menter le rap de notre époque ?

Quand je mets « doc­u­men­taire » en vrai, c’est un peu de la bran­lette intel­lectuelle. Je me dis que ça va attir­er des gens (rires). Pour l’anecdote, j’ai vu qu’un gars avait juste tapé « Doc­u­men­taire His­toire » et il est tombé sur ma vidéo à pro­pos de SCH. Ça veut dire qu’à la base le mec était par­ti pour regarder un truc sur Hitler et a fini par regarder le jeune SCH, crâne rasé, coupe plaquée gel. C’est beau (rires). Plus sérieuse­ment, même si je n’ai pas 30 ans, j’écoute du rap depuis assez longtemps et j’avais envie de racon­ter com­ment c’était avant, quand ce n’était pas encore une musique main­stream. Sur YouTube, je trou­ve qu’il n’y avait que des analy­ses d’al­bums. Je trou­ve ça bizarre d’in­tel­lec­tu­alis­er la musique au point d’analyser toutes les phras­es, même si ça m’arrive de le faire aus­si. Je préfère dis­cuter et racon­ter des his­toires. J’adore le sto­ry­telling, que ça soit dans le rap ou dans d’autres domaines d’ailleurs.

« Je trou­ve que c’est bizarre d’in­tel­lec­tu­alis­er la musique au point d’analyser toutes les phrases. »

- Andy de la chaîne « Viens On discute »

Qu’est-ce que tu aimes dans le fait de racon­ter une histoire ?

Ce sont les petits détails qui me font kif­fer. J’aime bien gliss­er des petites anec­dotes de ma vie dans mes his­toires. Je me dis que ce sont peut-être des anec­dotes de la vie d’autres gens aus­si. Par exem­ple, si je fais une vidéo sur quelque chose qui s’est passé en 2016, je vais com­mencer en dis­ant : « Lebron James vient de rem­porter son 4e titre con­tre les Gold­en State War­riors, en même temps la France con­naît les débuts de Nuit Debout. » Ceux qui l’ont vécu vont se dire : « Ah ouais, c’était à cette époque-là. » J’adore don­ner des petits élé­ments de contexte.

Tout ça part du fait que je suis nos­tal­gique depuis que je suis tout petit. J’adore revis­iter le passé. C’est aus­si l’une des raisons pour lesquelles je fais des vidéos. Je pense que j’ai peur d’oublier des choses. Dans mes toutes pre­mières vidéos, dans les années 2010, je fil­mais mes potes et ce qu’on fai­sait pour ne pas oubli­er qu’à ce moment-là on s’était trop marré.

Tu fais de la vidéo depuis longtemps ?

C’est mar­rant parce que sou­vent les vidéastes dis­ent : « Ouais moi j’ai décou­vert la vidéo avec le vieux camés­cope de mes par­ents ». Moi, c’est venu quand j’ai eu mon pre­mier smart­phone, un vieux Galaxy S, je m’en sou­viens (rires). C’est la pre­mière fois que je pou­vais filmer, du coup je le fai­sais tout le temps, surtout les con­ner­ies de mes potes. Au bout d’un moment, je me suis mis à faire des mon­tages. C’était éclaté mais j’ai pro­gressé à force d’en faire. Plus tard à Sci­ence Po, nous étions quelques-uns à savoir à peu près filmer donc je me suis mis à en faire de plus en plus. C’est là que j’ai eu le déclic. Je me suis dit : « C’est ce que je veux faire comme tra­vail, c’est pas du tout la poli­tique publique de san­té ou je ne sais quoi… »

Quelles sont tes inspi­ra­tions pour la créa­tion de vidéos ?

Je pense qu’il y a for­cé­ment un fan­tôme du Règle­ment qui plane au-dessus de moi, parce que je l’ai beau­coup regardé et que c’était l’un des pre­miers à par­ler de rap sur YouTube en France. C’est plutôt du côté des jour­nal­istes rap que je m’inspire. Je pense que Jean Morel est l’une de mes plus gross­es sources d’inspiration. Récem­ment, je lisais l’une de ses inter­views où il dis­ait : « Si tu pens­es au clic t’es mort. » Très sou­vent, j’essaie de me rap­pel­er de cette phrase, car sur YouTube, on peut vite être ten­té de faire ce qui plaît pour gag­n­er en notoriété. 

J’ai fait pas mal de vidéos sur des artistes émer­gents et ce n’est pas for­cé­ment ce qui marche le mieux. C’est très dur de se motiv­er der­rière, surtout quand tu vois que lorsque tu par­les d’Ade­mo (PNL, NDLR) ou de SCH ça atteint les 100 000 vues facile­ment. Mais je ne bâcle jamais mes vidéos. Quand j’en sors une, j’en suis fier et j’estime que c’est un tra­vail de qual­ité même si ça peut être très frus­trant de pass­er un mois à boss­er sur quelque chose qui ne va faire que 2 000 vues. Si tu ne fais pas du tout de vues, c’est sûr que tu vas te démo­tiv­er automa­tique­ment. L’été dernier, je me suis dit au bout de qua­tre mois sur YouTube : « Ça ne sert à rien ce que tu fais. Per­son­ne ne le voit. »

Qu’est ce qui t’as fait tenir ?

En vrai, c’est le chô­mage (rires). Plus sérieuse­ment, c’est le temps libre. J’habite à côté de la plage et l’été c’est juste impos­si­ble de se motiv­er. Donc au lieu de sor­tir tout le temps et de cul­pa­bilis­er, j’ai décidé de me pos­er tout le mois d’août pour boss­er à fond sur mes pro­jets. Petit à petit, j’ai repris con­fi­ance. J’ai eu un peu plus de vues et surtout quelques per­son­nes du milieu rap m’ont don­né de la force. Neefa ou Raphaël Da Cruz m’ont envoyé des mes­sages pour me dire qu’ils aimaient ce que je fai­sais. For­cé­ment, ça motive à fond.

Tu com­mences à avoir une vraie com­mu­nauté. Est-ce que tu pens­es désor­mais à des pro­jets que tu n’envisageais pas au départ ?

Pas spé­ciale­ment. Ça ne m’a pas for­cé­ment don­né de nou­velles idées. Par con­tre, j’ai appris à beau­coup plus réfléchir sur le tim­ing de mes vidéos. La plu­part des choses que je vais pro­pos­er main­tenant vont être liées à une actu­al­ité. Celles qui ne le sont pas, je vais essay­er de les sor­tir à des péri­odes où il y a un peu moins de sor­ties musicales.

Pour finir, une petite recom­man­da­tion musicale ?

Je vais vous con­seiller un album que j’ai décou­vert sur Grünt Radio. C’est « None of the Clocks Work » d’Amir Obe. Le pro­jet date de 2017 mais j’écoute ça en boucle. Surtout NATURALLY et CIGARETTES. Il faut stream­er ça fort !

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