Après avoir été accueilli positivement par la critique pour son premier EP « Mercutio », sean est de retour avec sa mixtape « À moitié loup ». Couvert de fourrure, il dévoile les six premiers morceaux le 10 avril 2020 et complète sa tracklist de douze titres deux semaines plus tard. Entre le mélancolique heureux et le nostalgique radieux, le rappeur est toujours à moitié. Au téléphone, l’artiste confiné s’est confié sur son projet double face.
Comment est venue cette idée de séparer la sortie des morceaux en deux parties ?
Je voulais casser l’image que j’avais avec « Mercutio » et proposer une nouvelle facette artistique. Dans la première partie, il y a beaucoup de sons assez solaires ou dansants pour montrer un nouveau sean musicalement parlant. Nous voulions que le public ait le temps de se faire à la nouvelle image que je proposais. Dans la deuxième partie, je mélange un peu plus les styles pour les troubler une nouvelle fois. Je voulais qu’il se demandent : « D’où sort-il ? ».
La direction artistique du projet est très établie. C’est quelque chose dont tu te soucies beaucoup ?
La cohérence de la DA et des sonorités sont super importantes pour nous. Nous allons continuer à chercher et à proposer des concepts qui ne se font pas trop en France. Je pense notamment à quelqu’un comme J. Balvin. Je n’aime pas forcément tout, mais son délire sur « Colores » est trop lourd. Ce n’est que le début pour nous mais nous allons continuer dans cette voie, avec toute la technologie et les ressources que nous avons.
La cohérence de l’univers fait davantage penser à un album court qu’à une mixtape. Où est-ce que tu situes le curseur ?
Je fais surtout la différence au niveau de la promo qui accompagne la sortie. Je dis aussi mixtape parce que « À moitié loup » a été fait rapidement. L’idée, je l’avais depuis longtemps et nous avions déjà pas mal de sons en stock. Le concept s’est mis en place assez vite après la signature chez Nice Prod.
Le concept des facettes multiples est identifiable sur tes deux projets. Tu te cherches encore ?
Je suis plutôt comme un scientifique qui fait de la recherche et du développement. Il ne se cherche pas, mais il cherche les recettes qui répondent le mieux. Je vais vers les sonorités qui me plaisent le plus et je sais ce que j’aime. Sur « À moitié loup », je suis en quête d’authenticité. Je fais ce qui me représente et ce que j’ai dans la tête. Je ne me cherche pas, mais je cherche beaucoup.
Avec le côté loup, je parle du vice et des tentations.
Dans les mythes, la métamorphose en loup ne se contrôle pas. Est-ce que tu subis la tienne de la même manière ?
Oui tout à fait. Avec le côté loup, j’évoque le vice et les tentations. C’est le côté animal qui me rattrape, qui est instinctif et qui se rappelle à nous dans certaines situations. Je veux parler de la dualité que nous avons tous en nous. Celle du bien et du mal.
Tu parles du rapport à la notoriété dans le son À moitié loup. Est-ce un vice de sean ?
Quand je parle de la notoriété comme un vice, c’est surtout une satire de ceux qui y sont. Je le constate autour de moi, ceux qui commencent à avoir un peu de buzz et tout… Ça monte très vite à la tête. J’espère vraiment ne jamais devenir comme ça plus tard (rires).
Comment gères-tu l’exposition médiatique ?
Ça se passe super bien pour le moment. Je suis très entouré et j’ai une bonne équipe qui bosse avec moi et me rassure. C’est très carré. Même quand je gère des concerts, je suis toujours bien accompagné.
Jamais de galère en concert ?
Si ! La première fois que j’ai été à La Cigale (pour la première partie de Lonepsi, ndlr), j’ai oublié mes ears quand je suis rentré sur scène. Je n’entendais plus rien ! J’étais super décalé avec le son. Le tourneur avec qui je venais de signer m’a tué. J’ai réussi à les récupérer pour faire le deuxième son, mais je les ai mal mis et ils sont tombés… C’était une galère.
À la fin de « Mercutio », tu dis vouloir te poser sur la lune. Lorsque tu conclus cette mixtape, tu dis y être arrivé dans le morceau Couleurs. Que signifie ce symbole ?
La lune c’est mes rêves et mes objectifs. « Elle veut la villa sur la moon », c’est un endroit idyllique où tu es au max. C’est nos ambitions, l’endroit où nous nous voyons plus tard. Pourquoi est-ce que nous faisons tout ça ? C’est pour être bien, dans une villa sur la moon. Nous l’avons aussi pensé dans l’idée du concept avec la lune qui réveille le Loup-Garou.
Elio (son prénom, ndlr) et sean, c’est très différent ?
C’est un personnage autour d’une narration. Je raconte ce que j’ai vu. Je me place dans la peau de quelqu’un qui observe et décrit certaines situations, comme quand je parle d’amour par exemple.
Comment s’est faite la connexion avec Azuul Smith sur Hiver ?
Par des relations communes. Ça s’est fait naturellement. Nous nous sommes rapidement trouvés musicalement. D’ailleurs, je suis en ce moment avec lui dans un Airbnb à Saint-Denis. Nous avons ramené tout le matériel que j’ai à Paris pour enregistrer et faire du son.
Le côté technique du son, que ce soit au niveau des effets de voix, de la prod ou du mix, c’est quelque chose que tu travailles particulièrement ?
Pour être le meilleur, il le faut. Sur « À Moitié Loup », j’ai passé une semaine de pré-mix. Je me suis posé, j’ai ajusté tous les événements et les effets que je voulais pour que cela sonne parfaitement. Nous avons coupé chaque petite respiration au bon moment.
Mais je travaille souvent avec les effets directement. Quand nous trouvons une sauce avec Roodie (un des beatmakers présent sur la mixtape, ndlr), nous enregistrons directement. C’est ce qui donne le côté fluide. Je pense notamment à la voix un peu foncedée sur le morceau À moitié loup.
Renréchir rapidement avec une mixtape.
Est-ce qu’il y a des artistes qui t’ont influencé dans la façon de manier l’autotune ?
Booba, Nessbeal en France sur les refrains. Sinon aux US, des gars comme Travis Scott et Migos.
Roodie a signé la moitié des prods du projet. La connexion est spéciale avec lui ?
Totalement. C’est avec lui que j’ai commencé. À chaque fois que je suis en studio il est là. Je pose vraiment plus facilement sur ses prods.
Pour la sortie de la mixtape, tu as aussi réalisé ton premier clip : Prix à payer. Comment ça s’est passé ?
C’était un peu freestyle. À l’origine, je ne devais pas le réaliser. Mais je m’étais déjà beaucoup investi en amont et j’ai accompagné le chef opérateur pendant le tournage. Il m’a laissé la main petit à petit. Nous l’avons fait ensemble. J’ai pu mettre vraiment ma patte sur le montage et je suis aussi passé sur les effets. C’était super lourd.
Comment avez-vous trouvé ce décor si particulier ?
Un mois avant de tourner, j’avais été en Tunisie et j’avais repéré cet hôtel abandonné avec une vue sur une palmeraie magnifique. J’avais pris des photos pour montrer le lieu à l’équipe et tout le monde était d’accord. Nous sommes arrivés à 8 h pour tourner sur place, mais des gardiens refusaient de nous laisser rentrer. Même contre de l’argent.
L’agence de tourisme nous a confirmé que l’hôtel appartenait à une banque qui refusait l’accès. Du coup, nous avons dû faire un repérage improvisé dans la journée pour trouver un nouvel hôtel qui était juste à coté. Nous voulions un délire post-apocalyptique, alors le lieu avec les ruines marchait super bien. Je trouve que ça parle d’autant plus aujourd’hui, dans ce contexte si particulier.
Comment envisages-tu la suite ?
Nous allons rapidement préparer des dates pour tourner. C’est plutôt en suspens pour le moment. J’espère que ça va revenir vite. Nous avons aussi de la matière en stock. Je vais rester très actif. Un clip est en préparation. Je vais sortir des singles d’entre-deux et renchérir rapidement avec une mixtape.