Deux ans après son EP « PYAAR », Sally revient avec un format dont elle a toujours rêvé : un album. À seulement 22 ans, Marion, de son vrai prénom, a sûrement plus à raconter en un opus que n’importe quel.le artiste à la carrière bien entamée. Après s’être exprimée ouvertement sur sa bipolarité pour cesser d’en faire un tabou, elle a pris la décision de parler publiquement sur ses réseaux sociaux des violences sexuelles dont elle a été victime, « pour ne plus avoir honte ».
Si le projet sorti le 8 avril 2022 en fait une « Prisonnière », Sally se libère de tous ses démons et partage les espoirs d’une jeune femme déjà marquée par la vie. À cette occasion, Mosaïque est allé à sa rencontre un jour ensoleillé dans la capitale. Devant l’église Notre-Dame-des-Champs, boulevard de Montparnasse, la chanteuse s’est prêtée avec facilité à l’exercice du shoot avant de se confier à nous autour d’un diabolo fraise.
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sally
Un soir de sa vie adolescente, Marion est seule dans sa chambre chez ses parents. Elle attrape le carton vide d’une pizza mangée la veille. De l’autre main, elle se saisit de son briquet et approche la flamme du carton. Alors que le feu se met à consumer la pièce, la jeune fille s’endort sur son lit, au milieu de l’incendie. À son réveil, les pompiers sont entrain d’éteindre la fumée. Elle se met à rire. Cette scène surréaliste correspond à la première crise « vraiment violente » de bipolarité de l’artiste. C’est aussi le moment qu’elle a choisi de reproduire sur la pochette de son premier album : « Prisonnière », sorti le 8 avril 2022.
Le tableau est à l’image d’un album dans lequel Sally livre les angoisses, les doutes et les traumatismes de Marion (son vrai nom, NDLR) : « Le nom du projet était logique parce que dans toutes les chansons dont la chanson éponyme, je suis prisonnière de quelque chose. Soit de mes émotions, soit de l’amour, soit de mon passé… », explique-t-elle, vêtue le jour de notre rencontre d’un anorak Adidas rose et rouge qui semble prolonger la couleur de ses cheveux.
Sally
Se libérer de la honte
Parmi toutes les histoires de son projet, il y en a une qu’elle n’avait jamais mise en mot. Dans le titre Prisonnière, Sally raconte une agression sexuelle avec séquestration dont elle a été victime : « J’ai écrit ce morceau dans ma chambre dans le noir. Avant, je n’étais pas prête pour en parler. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si je le suis mais je l’ai écrit spontanément. »
Je trouvais ça important de parler de mes traumas sur les réseaux sociaux. Ça m’a changé la vie de raconter mon histoire. Je n’ai plus honte et on ne devrait pas avoir honte.
Sally pour Mosaïque
Quelques mois après l’écriture de ce morceau, elle partage son histoire sur les réseaux sociaux. Elle se souvient : « J’ai craqué, je suis allée dans mes notes et j’ai écrit un pavé. J’avais envie d’aider les personnes dans ce genre d’histoires horribles et c’était aussi une façon pour moi de faire un deuil. Je trouve ça important quand on a la chance de se sentir prêt de parler de ces traumas. Ça m’a changé la vie. Je n’ai plus honte et on ne devrait pas avoir honte. »
Sally
Un manque viscéral de confiance en soi
Comme pour Prisonnière, la plupart des titres ont été écrits dans le noir : « Ça me permet de sentir que je suis moi-même. Je n’ai pas honte d’écrire ou de dire tel ou tel mot. Je suis mon instinct. Le noir me permet de ne penser à rien d’autre, je peux faire face à mes émotions. En studio c’est pareil, on tourne le micro face au mur pour que je sois dos à la vitre. On éteint les lumières et après je peux enregistrer. Pendant longtemps, poser des toplines au studio devant les producteurs, c’était impossible. Aujourd’hui ça va plus vite mais j’avais beaucoup de pudeur. »
Crédit : Lise Lacombe pour Mosaïque.
Pour l’album, Sally a même réussi à faire entrer le rappeur A2H dans l’intimité de son projet en le laissant imprimer sa patte sur deux « tubes » de l’album (Loco et Malhonnête) qu’elle a eu « du mal à écrire » : « Moi je suis dans les trucs deep, on ne s’amuse pas (rires). A2H est trop fort. Alors, je lui ai laissé la main », plaisante la chanteuse. Mais laisser la main n’a pas été facile pour celle qui manque viscéralement de confiance en elle.
À l’évocation de la sortie du disque, Sally avoue avoir eu des doutes : « J’ai toujours rêvé de faire un album mais pendant longtemps j’ai paniqué. C’était très violent. Je pensais que mon album était nul. Je ne voulais plus le sortir parce que c’était la honte à côté d’autres projets. Le flop me stresse (rires). Finalement, plus la date se rapproche, plus je réapprends à l’aimer. »
Sally
Sally et Marion
D’un naturel timide qui la rattrape parfois lors de notre échange, la chanteuse, tatouée d’un cœur sous l’œil droit et d’un éclair sous l’œil gauche, se sent tiraillée entre deux identités : Marion et Sally. « J’aspire à devenir Sally parce qu’elle a trop confiance en elle. Elle s’assume. J’aimerais être elle. Je rêve d’être accomplie personnellement, professionnellement et m’accepter. J’y travaille. »
J’ai l’impression que tout ce que je touche se détruit. Dans mes relations, dans le travail, avec ma famille… Dès que je touche quelque chose, j’ai l’impression qu’il m’échappe et que c’est de ma faute.
Sally pour Mosaïque
Sally, c’est celle qui arrive souriante, un Starbucks à la main, sans que l’on puisse se douter d’une quelconque timidité enfouie. C’est aussi celle qui pose de manière assurée devant l’objectif de notre photographe après quelques retouches maquillage indispensables. Mais Marion refait souvent surface lui donnant l’impression d’être maudite : « J’ai l’impression que tout ce que je touche se détruit. Dans mes relations, dans le travail, avec ma famille…. Dès que je touche quelque chose, j’ai l’impression qu’il m’échappe et que c’est toujours de ma faute. Je prends toujours tous les torts et je me laisse faire. C’est pour ça que je dis : « Partout où je vais, tout se casse » dans un des titres. Je serai toujours une victime (rires). »
Crédit : Lise Lacombe pour Mosaïque.
Marion se dit « nulle en société » ne sachant pas comment parler aux inconnu.e.s. Un trait de caractère qui l’a conduite pendant une période de sa vie, qu’elle raconte dans le titre Sainte, à s’isoler : « À ce moment-là, je n’avais pas d’amis. J’étais très timide et je ne sortais pas. Je regardais des séries toute la journée. J’étais une sainte : je ne faisais rien, même si c’était aussi le résultat de mon agression sexuelle. »
Sally
Garder la foi
Aujourd’hui, Marion et Sally maîtrisent leurs émotions. La chanteuse est désormais stable après plusieurs années de crises de bipolarité qui l’ont aidé à écrire : « La plupart des trucs deep que j’ai écris sur l’album sont des moments où je n’étais pas bien. Juste après mes phases maniaques, arrive la phase dépressive avant la phase stable. Et c’est à ce moment là que j’écris tout. Aujourd’hui, je suis stable tout le temps donc ça ne m’accompagne plus. Mais on grandit avec ces émotions et on mourra avec, c’est comme ça. »
Très croyante, Sally est convaincue que les épreuves rencontrées sur sa route étaient écrites : « Je pense sincèrement que Dieu me les a envoyées pour que je m’endurcisse. S’il t’arrive quelque chose, c’était prévu. Et je suis convaincue d’avoir des anges sauveurs qui m’ont aidé à chaque fois. Je ne sais pas où j’en serai sans eux. Je remercie Dieu pour ça. »
Sally
La lumière de l’amour
Des anges gardiens qui prennent aussi vie sous la forme de ses parents. Le dernier morceau du projet Lettre à l’amour leur est dédié. Sally a écrit le titre en se mettant à la place de ses parents juste avant leur mariage, comme s’il.elle.s se déclaraient leur amour l’un pour l’autre : « Mes parents sont un modèle. 30 ans de mariage. Incroyable. Ils me donnent beaucoup d’espoir. C’était inconcevable de faire un album sans parler d’eux. J’adore voir qu’il y a des relations saines et qui se passent bien. »
Crédit : Lise Lacombe pour Mosaïque.
L’artiste admire les relations qui l’entourent en attendant de se sentir prête à nouveau un jour à redonner sa confiance : « Personnellement, je suis seule depuis cinq ans et je me découvre. J’en suis très heureuse. Je suis bien avec mes potes, je ne me suis jamais autant amusée. Il n’empêche que je crois en l’amour et ça arrivera au moment où ça arrivera. Je ne me mets pas de pression. Juste il me faut deux enfants un jour (rires). »
Ses enfants, elle les élèvera peut-être en Corée du Sud où elle rêve de vivre. Passionnée de K‑pop, Sally s’est mise à apprendre la langue du pays dans l’espoir de s’y installer un jour. En attendant, telle une popstar qu’elle aspire à devenir, Sally, cachée derrière ses lunettes noires, nous quitte pour une autre interview en nous remerciant chaleureusement : « Merci à vous les loulous ! ».
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