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Ratu$

Révélé au grand jour depuis son appari­tion sur la « don dada mix­tape vol.1 » d’Al­pha Wann, Ratu$ n’a plus de temps à per­dre. Après « TOUT TRAVAIL MÉRITE SALAIRE », sa pre­mière mix­tape, il enchaîne avec un pro­jet du même nom : « TTMS, Vol.2 ». Emporté par un engoue­ment qu’il n’aurait pu prévoir, il écrit nuit et jour et redou­ble de pro­duc­tiv­ité. Bien décidé à prof­iter de son moment pour devenir celui dont il a tou­jours rêvé. Le rappeur nous ouvre les portes de chez lui, à Pier­refitte-sur-Seine. Portrait. 


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«Je sors d’une ses­sion stu­dio qui s’est ter­minée à 6h du mat! On dis­cute, je vais dormir un peu et je reprends ce soir », débite Ratu$ lorsqu’on le retrou­ve en bas de son bâti­ment de Pier­refitte-sur-Seine. Le rappeur ne laisse transparaître aucun signe de fatigue mal­gré sa nuit blanche. « Je ne fatigue jamais », ajoute-t-il en ajus­tant sur sa tête sa cas­quette North Face noire sur sa tête. Après une courte vis­ite du hall de l’immeuble, il cherche furtive­ment du regard un endroit pour se pos­er. La solu­tion est toute trou­vée : sa Cit­roën C3 Picas­so.

Une fois assis dans ce cock­pit vieil­lis­sant qu’il con­naît comme sa poche, il baisse la vit­re et allume une pre­mière cig­a­rette. Il souf­fle. Ratu$ tra­vaille sans relâche. De stu­dio en stu­dio, de maque­tte en maque­tte. « Ce nest pas le moment de baiss­er le rythme », martèle-t-il. Et pour cause, sa mix­tape « TTMS, Vol.2 » est sor­tie depuis deux mois.

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Dans ce deux­ième volet d’une série de trois pro­jets, l’artiste con­fie s’être plus livré : « Je suis plus pro­fond que dans le pre­mier vol­ume. Je suis allé plus loin, surtout dans les prods. Je savais ce que je voulais. » Depuis plus d’un an et demi, le jeune Fran­cilien cristallise les attentes et il le sent. Son appari­tion sur la « don dada mix­tape vol.1 » d’Alpha Wann en décem­bre 2020 a don­né à sa musique une dimen­sion nouvelle.

Un titre solo, velux, et tout s’emballe. Il se sou­vient : « Jai pris des fol­low­ers de partout, c’était fou. Ça a tout changé parce que jappa­rais sur la tape dun mec qui a tout pété. Je suis avec Nek­feu, Lesram, 3010, Kaaris et des pro­duc­teurs de ouf. Dia­bi, Louis, Hugz… Les gars ils sont [disque de] dia­mant gros ! » Une invi­ta­tion et une recon­nais­sance nou­velle pour le rappeur : « Main­tenant je peux tra­vailler avec eux. Ils sont haut pour moi, mais avec le peu de choses que jai pu accom­plir, je peux dis­cuter avec ces gens-là. Là cest pas la street crédi­bil­ité de la rue, tu es jugé par des musi­ciens. »

Des terrains de foot au studio de musique

Et si aujourd’hui le disque d’or de la mix­tape est accroché avec fierté dans le salon de l’appartement de sa mère, une car­rière dans la musique n’a pas tou­jours été une évi­dence pour celui qui a d’abord rêvé d’un avenir de foot­balleur à suc­cès. « Jai joué toute ma vie et je suis par­tie plusieurs fois à l’étranger où j’étais pro­fes­sion­nel. Je suis allé à Rim­i­ni en Ital­ie, en Bel­gique et au Por­tu­gal où il y avait des prob­lèmes de salaires et où je n’étais pas tou­jours payé. Et je suis revenu en France pour jouer en CFA (Cham­pi­onnat de France de foot­ball de Nation­al 2, NDLR). »

Ensuite sus­pendu pour une bagarre dont il aurait été l’un des pro­tag­o­nistes, c’est le début de la fin : « Rup­ture de con­trat, je nai jamais repris, ça ma plom­bé. Ma mère me voy­ait par­tir, elle men voulait. Elle me reprochait de ne pas avoir fait d’études. Elle cest un peu l’éducation africaine. Si tu fais pas d’études, tu ne sers à rien. Alors je me suis acharné, jai appris. »

« Quand t’es petit on t’apprend pas les métiers. La con­seil­lère d’ori­en­ta­tion dis­ait : “Tu as telle note, alors tu peux faire ça.” En gros : “Va là-bas et tais-toi.” »

Ratu$ pour Mosaïque

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Fraîche­ment sor­ti du lycée Auguste Blan­qui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), c’est donc pour sa mère que Ratu$ se donne corps et âme dans un BEP compt­abil­ité. Après en avoir été exclu à 18 ans pour avoir « foutu la merde », c’est en can­di­dat libre qu’il obtient son diplôme. Des études tête bais­sée en cher­chant sa voie dans un par­cours plus “clas­sique” : « Quand t’es petit on t’apprend pas les métiers. La con­seil­lère d’ori­en­ta­tion dis­ait : “Tu as telle note, alors tu peux faire ça.” En gros : “Va là-bas et tais-toi.” Y a des potes à moi qui sont plom­biers ou menuisiers alors quils auraient peut-être aimé faire dautres trucs. Moi avec le BEP je pen­sais que jallais appren­dre à compter, à gér­er une société. Au final rien du tout. »

« À l’époque, je voyais Ratu$ gratter au fond de la classe »

Les études, le foot, mais déjà le rap. Près de sa Cit­roën C3 qui s’est trans­for­mée en salon de dis­cus­sion, un ami du rappeur s’approche. « Chi­nois ». C’est son surnom. Depuis le pri­maire, les deux hommes ne se sont pas quit­tés. « À l’époque, il était très bon en français. Je le voy­ais grat­ter au fond de la classe. La musique la vite rat­trapé ! », se remé­more ce rési­dent du quarti­er. Ratu$ hoche la tête en signe d’approbation et pré­cise : « Je rap­pais avec mes gars Diar et Def, un groupe qui sappelait Pro­to­type. Mais ça pre­nait pas, même si ici, ça se répandait un peu, tout le monde kiffait. »

Au même moment, l’artiste ren­con­tre Eff Gee, un rappeur du col­lec­tif l’Entourage, pen­dant une soirée. Puis, il croise les autres mem­bres. « Je ne savais même pas quils fai­saient du son. Quand jai appris quils allaient aux Rap Con­tenders, je savais pas c’était quoi. Quand jai regardé je leur ai dit mais vous êtes des fous ! Le mec est là il te dit : “Ta mère elle grosse”… Mais ils mont expliqué que c’était du trash talk­ing, que c’était le jeu. »

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« Jay­jay et Lama m’ont don­né beau­coup. Ils m’ont appris à me deman­der : “Quest-ce que tu aimes ?” »

Ratu$ pour Mosaïque

Ratu$ se rend de plus en plus régulière­ment au stu­dio de Deen Bur­bi­go dans le 18e arrondisse­ment de Paris, mais sans objec­tif pré­cis. Sa ren­con­tre avec les deux pro­duc­teurs Jay­Jay et Lama est un déclic : « Ils mont dit : “Vas‑y lance toi ! Ren­tre dans la cab­ine et pose un truc.” Ils mont beau­coup don­né. Ils mont appris à me deman­der : “Quest-ce que tu aimes ?. » Bien­tôt acteur, il observe encore. « Jallais au stu­dio Don Dada, je regar­dais, janaly­sais, je pre­nais des con­seils. Je fai­sais écouter et on me dis­ait : “Ouais non cest pas ter­ri­ble.” Même Chi­nois me le dis­ait ! », racon­te-t-il. Son acolyte con­firme : « Oui tu avais des trucs à per­fec­tion­ner. Mais tu avais déjà un truc, on se le disait. »

Couille de Loup, le tremplin de Ratu$

Tout s’emballe après qu’Eff Gee ait pub­lié sur YouTube Couille de Loup I, le pre­mier épisode d’une série de sept freestyles. Il racon­te : « J’étais même pas au courant, il ne m’avait pas prévenu. Et il avait écrit Ratu$ avec le dol­lar. On mappelait sou­vent comme ça en tournée parce que j’étais dans la nuit, je fai­sais mes affaires à droite à gauche, je mangeais mal, tou­jours caché comme un rat. C’est devenu mon nom de scène… (Son ami le coupe) Alors que nous ici on lappelait Sekel, même encore maintenant ! »

Des pre­miers pas dans le game en toute con­fi­ance. Le rappeur né dans le 18e arrondisse­ment de Paris con­fie ne pas avoir eu peur de trébuch­er : « Je ne me suis jamais dit que je voulais en être, jai ça en moi depuis tou­jours. J’étais tout neuf, per­son­ne ne me cal­cu­lait. Javais le droit à lerreur. Par­fois, Eff ne voulait pas sor­tir un titre et je lui dis­ais non, on va le sor­tir, cest ma musique. J’écoute tou­jours lavis du groupe, mais cest moi qui ait le mot final. Si tu crois pas en toi à 100 %, qui y croira ? »

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C’est sur cette con­fi­ance que Ratu$ va s’appuyer pour artic­uler son art et ses pre­miers pro­jets. « TOUT TRAVAIL MÉRITE SALAIRE », « TTMS Vol.2 »… En atten­dant le dernier volet. Il affirme avoir imag­iné cette trilo­gie depuis déjà plusieurs années. « Tout est écrit dans ma tête. Les feats, tout. Ce que je vis, jen ai rêvé. Le matin je me lève, je prends un petit déje­uner, je fume, j’ou­vre mon stu­dio, je dis des mots et je gagne de largent. Si tu crois que tu vas vivre de ta musique pen­dant 50 ans et que tu vas faire danser des papis, tas rien com­pris. Je veux ramass­er un max, mon­ter un busi­ness, et me casser.

Il arrête sa tirade, réflé­chit et récite : « Un jour Alpha Wann ma dit : Le but cest que dans cinq ans on regarde lheure sur nos Rolex et on se demande qui va pay­er laddi­tion. Quon soit plus au niveau du seuil de pau­vreté. » 

Des doutes mais de la passion

Planter les graines de son tra­vail pour en voir ger­mer le fruit, c’est le mantra qu’il développe tout au long de ses mix­tapes. Et pour­tant, la récom­pense n’a pas été toute de suite au ren­dez-vous. « Avant velux j’é­tais à deux doigts d’ch­er-lâ », rappe le jeune homme dans le morceau Nom­bre 38.

Et pour cause, les pre­miers sous se sont faits atten­dre. Il décrit une cer­taine frus­tra­tion : « Jai eu une péri­ode de doute. Le pre­mier truc que jai touché des streams c’était à Couille de Loup V ou VI et jai pris 70 euros. Pour un gars comme moi qui sort de la rue c’était com­pliqué… Avoir des con­traintes, rester au stu­dio, aller aux ren­dez-vous… Mais main­tenant cest bon, jai fait le vol­ume 2 avec beau­coup de pas­sion. » Son ami dénom­mé « Chi­nois » reprend : « Cest vrai quon le voit moins ici. Mais je lui dis fonce ! Ici cest la prison, pars casse toi. »

Pour­tant, Ratu$ est resté très proche de chez lui et vit tou­jours dans le même quarti­er. « Tu vois là-bas sur la route ? Et bah sur ce trot­toir là, tes à Saint-Denis. Ici cest ma vie, il y a du monde de partout. Ma mère habite juste là, au numéro 7 », pré­cise-t-il. Rien n’a changé. En faisant trem­bler les enceintes de sa voiture avec l’un de ses prochains titres pas encore dévoilé, il prend la voiture et se gare dans le cen­tre-ville pour rejoin­dre ses compères.

« Ratu$ a vraiment un truc du 93, un truc de chez nous »

Gainz, un habi­tant de Pier­refitte-sur-Seine, se réchauffe avec une tasse de thé chaude devant l’épicerie du coin. Spon­tané­ment, il vient à notre ren­con­tre pour van­ter les mérites de son ami rappeur, les yeux bril­lant de fierté : « Il a vrai­ment un truc du 93, un truc de chez nous. Son kick­age, ses gim­micks, ça vient dici. Il nous racon­te, cest que la vérité, il ment pas hein ! » « Cartable », de son surnom, vient aus­si s’asseoir à la table pour ajouter : « Sig­na­ture 93 ! La mis­ère sociale. Il a du tal­ent, mais il va encore faire mieux. »

Tous sont venus acclamer leur Ratu$ lorsqu’il était pro­gram­mé en pre­mière par­tie de Deen Bur­bi­go à l’Olympia, en octo­bre 2021. « C’était la pre­mière fois quun mec du quarti­er était sur une scène rem­plie de Paris. Jai ramené tout le quarti­er dans les loges, c’était trop fort », racon­te l’artiste en réa­jus­tant sa sacoche jaune et bleue pour pos­er devant notre objec­tif. Au milieu des siens.


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