Rap, danse, graffiti, DJ, beatmaking, beatbox, mode… Hip-Hop 360 retrace les quarante ans d’histoire du genre. L’exposition se tient du 17 décembre 2021 au 24 juillet 2022 à la Philharmonie de Paris et retrace l’évolution de cette culture protéiforme, de sa naissance à New York en 1973 à nos jours. Mosaïque a fait un tour de l’exposition. Reportage.
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Hip-Hop
Le ton est donné dès que l’on pénètre au sein de l’exposition : « La puissance, dès qu’j’arrive, sent la rage, de vivre… ». Le morceau La Puissance de Rohff raisonne dans la pièce. Une frise chronologique de 1973, naissance du Hip-Hop à New York, à 2021 relève les dates clés d’une culture aux milles visages à travers une vidéo. 1984 : création d’« H.I.P.H.O.P », la première émission Hip-Hop au monde est diffusée sur la chaîne TF1. 2008 : Booba utilise l’auto-tune pour son album « 0.9 », une première. 2015 : le président de l’Assemblée nationale remet au graffeur JonOne la légion d’honneur. 2019 : le comité d’organisation des Jeux Olympiques retient le breakdance comme discipline à part entière pour les Jeux de 2024 à Paris.
L’exposition se concentre sur l’exportation et l’évolution du mouvement Hip-Hop en France, tout en soulignant l’influence de son grand frère américain. Cela se traduit par un parcours initiatique qui parle aux fins connaisseurs comme aux grands débutants. Une volonté de la part de François Gautret, commissaire de l’exposition : « Ce qui était primordial, c’était de présenter le Hip-Hop et ses différentes formes d’expressions. On a encore tendance à penser que ce n’est que le rap et la danse. Ce parcours le rend à la fois pointu, éducatif et il valorise la dimension plurielle de ce mouvement. D’où le « 360 » puisque le Hip-Hop touche à tout et influence la mode, le cinéma, le graphisme, la musique etc. », explique-t-il.
Hip-Hop 360 : Une immersion totale
Quelques boombox (enceintes portatives popularisées dans les années 80, NDLR) colorées décorent les murs. Parmi elles, des graffitis et des photos qui immortalisent les premières soirées Hip-Hop à Harlem (New York) ou encore dans le Paris des années 90. Les visiteurs découvrent chaque étape de l’exposition, un casque audio à la main. Un accessoire indispensable qui permet, par moment, de se brancher à des postes pour y écouter des morceaux ou des extraits d’émissions d’époque. À l’image de « Rapline » diffusée sur la chaîne M6 entre 1990 et 1993 et présentée par Olivier Cachin. On y retrouve les codes d’un autre temps. Celui des chemises oversized aux imprimés flashy et des interviews de rappeurs filmées en contre-plongée.
Tout est fait pour que cette « installation à vivre », imaginée par François Gautret, interagisse avec ses visiteurs. Une petite salle tapissée de vinyles en tous genres permet cela. Un disque est installé au centre de la pièce. Il suffit de le toucher pour changer la musique et lancer l’un des 68 morceaux favoris du DJ Dee Nasty, l’un des pionniers du Hip-Hop en France. Une sélection que les radios s’arrachent dans les années 80. Laura, 22 ans, tombe sur le morceau Girls Ain’t Nothing But Trouble interprété par le duo DJ Jazzy Jeff et The Fresh Prince alias Will Smith. « Ah mais c’est le Prince de Bel Air ! Ma mère était trop fan de ce sitcom ! », dit-elle en souriant.
Plus loin, le chansigneur (forme d’expression artistique qui consiste à traduire les paroles d’une chanson en langage des signes au rythme de la chanson, NDLR), Bachir Saïfi signe l’un des morceaux de l’artiste Booba sur un écran. Un univers qui se rapproche davantage de celui de l’étudiante.
« L’exposition Hip-Hop 360 est incroyable. Mais en tant que photographe, je reste dubitatif »
David Delaplace, photographe et directeur artistique de 31 ans, fait partie des artistes exposés au sein de la Philharmonie. Pour lui, cette exposition représente une manière de « ramener les mecs de cité ou les banlieusards dans ce genre de lieux prestigieux ». Mais aussi, « les gens qui n’ont pas l’habitude d’être au contact de cette culture et du rap », affirme-t-il. Si le trentenaire est heureux d’y figurer, il regrette toutefois le peu d’espace consacré à la jeune génération.
Crédit : Lise Lacombe pour Mosaïque.
Il la juge très « old school » et parfois inaccessible aux jeunes auditeurs de rap. « Je suis mitigé. En tant qu’auditeur de rap, et au vue de mon âge, je trouve l’exposition incroyable. Mais en tant que photographe, je reste dubitatif. », avoue-t-il. Pour cause, certaines photos sont à peine perceptibles, à l’image du mur consacré à la jeune photographe Elisa Parron, rendue célèbre grâce à l’un de ses clichés de Nekfeu dans une foule. « Ses photos sont dans un coin au fond de l’exposition. Je les ai découvertes accidentellement en tournant la tête », explique le directeur artistique.
Le rap comme symbole de lutte sociale
« D’abord, le rap est festif. Puis, il est plus social dès 1982. C’est une description très réaliste de la misère dans les ghettos. On passe alors d’un rap de divertissement à un rap de mobilisation », explique Guy Saguez sur la chaîne TF1 dans un extrait de l’émission « Mégahertz » datant de 1982. Une analyse qui se confirme avec l’arrivée de groupes avec des textes engagés comme N.W.A aux États-Unis et NTM ou IAM en France.
Au cœur de l’exposition se trouve un espace circulaire de 120 m² en son spatialisé — le 360. On y voit Diam’s interpréter son titre « Marine ». Dans ce morceau, elle rap sans détour son opposition au Front National (Rassemblement National aujourd’hui, NDLR) et répète dans son refrain : « J’emmerde le Front National ! ». Un jeune garçon aux lunettes de vue rouge vif interroge sa mère sur l’injure qu’il vient d’entendre. « Elle a dit quoi ? », lui demande-t-il. Elle s’accroupit alors près de lui et lui explique ce que l’artiste dénonce dans son morceau. Une image qui symbolise la transmission du Hip-Hop depuis plus de 40 ans maintenant.
Crédit : Lise Lacombe pour Mosaïque.
Une transmission qui aura peut-être l’occasion de se perpétuer dans le reste de la France, voire à l’étranger d’après David Delaplace. Une « option d’itinérance » figure dans le contrat que le photographe a signé pour figurer dans l’exposition. « Hip-Hop 360 peut être déplacée à travers le pays si ça marche bien ici. Et pourquoi pas hors des frontières par la suite, dit-il avant de se mettre à rire, c’est un peu une exclu que je donne à Mosaïque là ! », conclue-t-il.
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