Visage d’une direction artistique, les visuels qui accompagnent un morceau façonnent l’univers des rappeurs. La rédaction de Mosaïque vous livre sa sélection des clips de l’année.
911 — Ichon
Ichon est mort. Il peut enfin vivre. Le clip du morceau 911 réalisé par Julien Malegue et Antoine Mayet est une ode à la liberté et l’affranchissement. À l’image de son album, Ichon se délivre de ses démons drapés sous les codes normés de la société. Dans l’émission Le Code, le rappeur confiait à Mehdi Maïzi avoir des « derniers rêves de vie normale », symbolisés dans le visuel par une petite Porsche. C’est au volant du modèle 911 de la marque allemande que le rappeur fait la transition entre deux versions de lui-même. La voiture le fait quitter des plans étriqués dans une salle close pour des plans larges au grand air. Visuellement, l’artiste se libère du rouge sanglant de ses chaînes pour le bleu ciel de la quiétude. Dans un duel final, Ichon affronte Yann (son vrai nom). Dos à lui-même, il vient à bout de son double enragé au terme d’un combat sanglant. Les chrysanthèmes l’accompagnent dans son deuil tout au long du clip. Nu comme le jour d’une résurrection, le rappeur se jette d’une falaise pour mieux renaître. Le clip est aussi sincère que le projet qui le porte. Une sensibilité exacerbée, brillamment mise en image dans une succession de tableaux aussi poétiques que symboliques.
- Lise Lacombe
Tieks — 13 Block feat. Niska
Depuis la sortie de « BLO », 13 Block était resté discret. Retour en force avec le single Tieks, en collaboration avec Niska, et un visuel détonant concocté par la boîte de production Adeus, aussi à l’origine de clips pour Damso et Orelsan (911, Rêves bizzares et Discipline). Ilya Chemetoff et Roman Lagier à la réalisation mettent en scène les trois kickers à travers des décors oniriques. D’un hall d’immeuble plein à craquer, en passant par une interpellation de police musclée, les scènes s’enchaînent dans un feu d’artifice d’effets spéciaux. Dans ce visuel inspiré de pop culture, Niska se retrouve même modélisé dans un remake du jeux vidéo Grand Theft Auto. Les plans saccadés qui rentrent dans la perspective de l’image rappelle par ailleurs quelques phases du clip mythique de Je danse le Mia d’IAM (1993).
- Thibaud Hue
Smile — Lefa feat. SCH
Dans un thriller en bord de mer, Lefa partage l’écran avec un homme taillé pour le rôle de gangster : SCH. Le film, réalisé par Akim Laouar Aronsen, met en scène une prise d’otage dont Lefa est la victime. D’abord bourreau puis héros du scénario, le rappeur d’Aubagne les libère de ses ravisseurs dans une rafale de tirs aussi éclatante que son visage réjoui. Porté par la prestation remarquable de l’acteur Idir Azougli, le clip est digne des visuels que Lefa a coutume de proposer et confirme que la prestance du S aurait assurément sa place sur grand écran.
- Lise Lacombe
Trinityville — Laylow
Au milieu des immeubles endormis trône un building illuminé. À son sommet, de grands néons verts fluorescents dessinent le nom de « Trinity ». Déjà intégré dans la matrice pour le deuxième clip de son projet, Laylow donne vie à son expérience digitale. Le visage fermé, une jeune femme marche dans les pas du rappeur et ne cesse d’apparaître et de se dématérialiser. Attablés à un bar puis les regards qui se croisent dans un ascenseur, le duo flirte avec frénésie. Carré brun et silhouette filiforme, elle rappelle le personnage de Trinity dans Matrix, dont Laylow s’est grandement inspiré pour articuler son univers. « Pleins phares, pleine lune sur la ville. Flammes sortent du pot d’échappement quand je navigue », rappe le Toulousain adossé à sa Lamborghini Gallardo. La cylindrée déjà présente sur la cover de sa première mixtape : « Mercy ». Une boucle bouclée par la boîte de production TBMA, composée de Travis Bickle et de Laylow lui-même, sous le pseudonyme Mr Anderson.
- Thibaud Hue