Alors que le hip-hop est en pleine conquête des terres musicales anglaises, une dynastie de rappeurs se dessine outre-Manche. Les artistes se partagent les royaumes et adoubent leurs suzerains, dignes successeurs de leur blason artistique. La drill qui s’impose désormais comme un courant prédominant dans le rap, dont le défunt Pop Smoke aurait dû être un chef de file, voit émerger en Angleterre Headie One, véritable incarnation de cet avenir électrique.
Started from the Bottom
Headie One, de son vrai nom Irving Adjey, est un rappeur londonien, né le 6 octobre 1994 à Tottenham, dans le nord de la capitale anglaise. Passionné de football, fervent supporter des Red Devils de Manchester United, il use ses crampons sur les terrains du nord de la Tamise et commence à parfaire ses rimes au cours de sa jeunesse. Originaire d’un quartier défavorisé, son environnement finit par le rattraper, et les peines de prison commencent à tomber. Il est finalement incarcéré à cinq reprises pour des affaires de trafic de stupéfiants ou de port d’armes létales. Période importante de sa vie, l’isolement le met face à lui-même et ses pensées.
Le rappeur d’origine ghanéenne commence à gratter ses freestyles, se cultive par la littérature philosophique et développe son flow et son univers. Sa frénésie artistique l’anime et l’inspire : en l’espace de quatre ans, il sort sept projets, dont « Music x Road » qui parvient à se placer à la cinquième position des charts anglaises. Côté single, sa plus grosse performance reste le featuring avec Dave : 18Hunna, plaçant le morceau en sixième position des classements. Un record pour un rappeur drill, style originaire de Chicago, porté par des artistes comme Chieff Keef ou Fredo Santana, est né dans le quartier de Brixton au milieu des années 2010 avec notamment le groupe 67.
Tea time
Le 30 juillet 2020, le freestyle Only You en featuring avec Drake, produit par M1 on the beat, fait l’effet d’une bombe. Le titre s’élève à la cinquième marche des classements britanniques. Il s’agit, à l’heure actuelle, de la plus haute place jamais atteinte par le morceau d’un driller.
Il s’agissait d’ailleurs d’un first shot pour Champagne Papi, accordant sa confiance au jeune Irving pour l’initier à ce style émergent et percutant. Le rappeur de Toronto a finalement déclaré : « J’ai dû y aller fort, surtout sur une piste avec l’un des meilleurs artistes de drill au monde. »
The Crown Jewels
Au sein de la discographie déjà bien fournie de l’artiste britannique, un projet a véritablement servi de tremplin, propulsant Headie One sur le devant de la scène rap : « Music x Road », sorti en août 2019. Produit par le label Relentless Records, le projet compte pas moins de cinq morceaux en featuring avec d’autres rappeurs, anglo-saxons ou américains.
Headie peut ainsi se targuer d’avoir réuni des artistes confirmés, tels que NAV, Dave ou encore Skepta. Il partage également sa lumière à de jeunes pousses émergeantes d’outre-manche, comme Lotto Ash. Dans une courte vidéo publiée sur ses réseaux, il explique son choix d’utiliser un simple masque en tant que couverture d’album. Il s’agissait d’un « moyen pour exprimer la dissimulation de son identité, de se cacher derrière quelque chose pour affronter les vicissitudes de la vie ».
Crédit : Relentless Records.
Dans cet album, le rappeur de Tottenham souhaite inspirer les gens qui écoutent sa musique et leur donner la force d’améliorer leur situation, quelle qu’elle soit. Il évoque la dualité de l’être humain, qui ne cesse de changer au fur et à mesure des années en montrant ses bons et ses mauvais côtés. Cette introspection concerne aussi sa propre personne. Les thèmes centraux de l’opus sont clairement identifiables : la rue, les conflits et la prison.
Crédit : Craig Simmonds.
De manière irréversible, les gangs et le monde de l’underground restent liés à Headie One, qui évoque son attirance réciproque pour ces derniers. Pourtant, au fur et à mesure des tracks, Headie One apparaît comme un homme satisfait, ayant le sentiment du devoir accompli, sa revanche prise sur la vie. Il explicite cette plénitude dans les titres Both, Chanel ou encore Home, se référant particulièrement à ses nouveaux moyens financiers. C’est d’ailleurs avec une certaine nonchalance qu’il exprime cela, en évoquant ses achats de luxe lors de virées improvisées dans les rues de la Ville Lumière.
Jose Mourinho n’est plus l’unique Special One de Tottenham, le jeune Irving s’est fait un nom et se place de plus en plus comme une pierre angulaire de la drill britannique qu’il espère un jour dominer. En attendant de glaner de nouveau gallons, Headie One travaille en quête de plus de reconnaissance.