Le 12 juin 2020, Sonbest a dévoilé son deuxième EP « Lotus », deux ans après la sortie de « Immersion ». L’artiste étonne par un projet cohérent et unique, à l’univers bien défini. À l’image de la fleur de Lotus qui incarne le renouveau, le rappeur de 22 ans, originaire de Colmar, propose un projet à part. Rencontre avec Sonbest, fleur rare dans le paysage du rap français.
Ton projet « Lotus » est sorti la semaine dernière après deux ans de travail. Qu’est-ce qui t’as pris autant de temps ?
D’abord, je viens d’Alsace et il a fallu que je prenne le temps de bouger sur Paris. Ensuite, il me fallait rencontrer les bonnes personnes et trouver un taff. Le mixage nous a aussi pris un temps fou. Nous avons dû remixer une tonne de fois pour avoir le résultat que nous recherchions.
Je comprends pourquoi les gens disent que nous nous ressemblons avec Laylow, même au niveau de la pochette. Quand il a sorti Trinity, j’étais choqué.
Avec l’équipe, nous surveillons ce qu’il se passe dans le rap français. Nous savons surtout ce qu’il manque.
Comment vous est venu l’idée du sound design qui parcourt l’EP ?
Avec l’équipe, nous surveillons ce qu’il se passe dans le rap français. Nous savons surtout ce qu’il manque. Wise (beatmaker qui a travaillé sur deux titres de l’EP : Poison et Wow, ndlr), a proposé de mettre des transitions entre les sons pour qu’il y ait un fil directeur et que le projet puisse s’écouter d’une traite.
Beaucoup t’ont comparé à Laylow. C’est une de tes inspirations ?
Laylow ? Bien sûr. Je le connais depuis très longtemps et j’aime ce qu’il fait. Il m’a inspiré mais ce n’est pas dans sa direction que je vais. Je comprends pourquoi les gens disent que nous nous ressemblons, même au niveau de la pochette. Quand il a sorti « Trinity », j’étais choqué. Nous avions déjà nos idées avant qu’il sorte son projet. En plus, dans son album, il y a un son qui s’appelle Poizon, comme moi. Mais ce n’est pas grave, ça me fait plaisir qu’on me compare à lui.
De manière générale, je suis plus influencé par le rap US. Au début, j’aimais Lil Wayne, après il y a eu ASAP Rocky, ensuite Travis Scott puis Kid Cudi et Kanye West. Ils sont tous des rappeurs avec une personnalité et un univers à eux. C’est ça qui m’intéresse.
Et en rap français ?
J’ai mis du temps à me mettre au rap français. À l’ancienne, j’écoutais Guizmo. Maintenant, c’est plutôt Ichon et Laylow. J’aime le rap underground. D’ailleurs, il y a plein de rappeurs au Canada qui sont chauds mais que les parisiens ne connaissent pas encore. Je kifferais faire un featuring avec un canadien. À Paris, il y a trop de monde. C’est saturé. Les gens ont trop les yeux rivés sur la capitale.
L’objectif c’est aussi de représenter mon 68 et les gens perdus dans la campagne, comme moi. Ce serait ouf. Si certains me donnent de la lumière, j’en profiterai pour en donner à tous ceux qui en ont besoin et qui m’ont aidé.
Depuis que j’ai commencé à faire du son, j’ai voulu me démarquer et je me disais qu’il fallait que je fasse quelque chose de différent dans le rap français.
Tu veux donner une identité musicale à ta ville et ta région ?
Bien sûr, c’est le plus important. Je représente les Alsaciens et si j’en ai l’occasion, je ferai tout pour qu’ils aient un peu plus de visibilité. D’ailleurs, mon style c’est la nouvelle sauce du Grand Est. Nous avons une certain façon de rapper. Ash Kidd, par exemple, quand il rappe, il rappe Strasbourg. Ça vient de chez nous.
Avec ce projet, il y a un univers qui se définit vraiment et qui se démarque.
Justement, avec l’équipe, nous voulons apporter quelque chose de nouveau dans le rap français. Nous sommes tous sur la même longueur d’onde : pas de limites, que ce soit au niveau du son, du visuel ou des sapes. Depuis que j’ai commencé à faire du son, j’ai voulu me démarquer et je me disais qu’il fallait que je fasse quelque chose de différent dans le rap français.
En Alsace, je n’avais pas grand chose. Malgré tout, j’ai essayé de pousser. Comme la fleur de Lotus.
Tu disais vouloir apporter quelque chose de différent au rap français. Tu penses avoir réussi avec « Lotus » ?
Je pense, oui. Mais la suite sera différente. Mon point fort, c’est ma versatilité. Plus tard, il y aura peut-être des sons rock ou house qui vont sortir. Je ne veux vraiment pas me mettre de limites. Je sais rapper sur différents styles de prods donc j’essaye de travailler ça et de l’amener au plus haut niveau. Quand je rentre dans un style, je ne le fais pas à moitié, je le fais à fond.
Pourquoi avoir choisi d’appeler l’EP « Lotus » ?
Le lotus c’est la fleur de l’espoir. Elle pousse dans les marécages et ça ne l’empêche pas d’être une belle fleur, malgré son milieu et son environnement. C’est un peu mon parcours. En Alsace, je n’avais pas grand chose. Malgré tout, j’ai essayé de pousser. Comme la fleur de Lotus.
La prédominance de la couleur bleue et le sound design de l’eau sur Agonie amène une ambiance aquatique. Est-ce que cela rejoint cet esprit là ?
Exactement. L’eau rappelle les marécages. Quand tu marches dans la boue, c’est pâteux et visqueux. Un peu comme les sables mouvants. Il faut savoir se sortir de là. C’est le fil rouge de « Lotus ».
Le seul clip qui est sorti, c’est celui du titre XO (depuis l’interview, le clip du titre Agonie est disponible, ndlr). Il a été publié sur la chaîne Youtube du Règlement Radio, pourquoi avoir choisi de le diffuser chez eux ?
Le clip était déjà tourné depuis longtemps. Il devait être posté sur ma chaîne. Mais mon manager l’a envoyé au Règlement. Ils ont kiffé et ont voulu le prendre. Au début, je n’étais pas chaud. Mais après, je me suis dit que c’était ma chance. Ça a donné de la visibilité au projet. Il y a plus de 20 000 vues, là où moi, sur ma chaîne, je n’ai même pas 100 abonnés.
Le visuel de ce clip est d’ailleurs très travaillé. C’était quoi l’idée ?
C’est le deuxième titre du projet que j’ai clippé. Le premier, c’était Agonie (disponible depuis vendredi, ndlr) avec un clip en noir et blanc et un véritable storytelling. Donc là, il nous fallait un contraste. C’est pour cela que nous avons choisi de donner une image qui brille, avec des paillettes, tourné en plan séquence.
D’ailleurs, la pochette rappelle beaucoup l’ambiance ce clip.
C’est vrai. Elle a été faite par Hoda Hoda. Je l’ai rencontré en soirée à Paris, comme Jo The Wise. Nous l’avons invité sur le tournage de XO et c’est à ce moment-là qu’il a eu l’idée de la pochette. C’est pour cela que les visuels sont très similaires et cohérents. Au départ, nous voulions que les gens puissent me reconnaître. Mais Hoda Hoda a eu d’autres idées en s’inspirant notamment d’une pochette de The Weeknd et de Trippie Redd.
L’ambiance de l’EP est très mélancolique. Est-ce que tu serais capable d’aller vers des sons plus joyeux ?
Si j’y arrive un jour, oui ! Pour l’instant, je n’y arrive pas mais ce serait bien. Ne serait-ce que pour que mes parents écoutent un truc joyeux (rires). Ils écoutent et soutiennent ce que je fais mais ils ne comprennent pas. De manière générale, je m’inspire selon ce que je vis au moment ou j’écris. Donc il y a plein de thèmes que je n’ai pas encore abordé et dont j’aimerais parler. C’est illimité.
Le truc, c’est que j’ai encore du mal à réaliser qu’il y a un engouement et que ça peut marcher.
T’es content des retours concernant le projet ?
Franchement, je ne m’attendais pas à ça. Dans ma tête, je sortais le projet comme « Immersion ». Je le mets sur internet et on verra où ça mène. Ça me fait très plaisir et je me dis que nous n’avons pas travaillé pour rien. Il y a un engouement et je peux même dire qu’il y a des fans (rires). Nous allons continuer comme ça.
Tu t’es préparé à un éventuel succès ?
Le truc, c’est que j’ai encore du mal à réaliser qu’il y a un engouement et que ça peut marcher. Donc oui et non. Ça fait longtemps que je fais du son donc je suis motivé, j’ai travaillé pour mais je sais pas quand ça va tomber et qu’il faudra prendre les bonnes décisions.
Nous allons faire de grandes choses et nous allons y arriver. Je ne suis qu’à 20% de mes capacités.
Comment as-tu commencé le rap ?
J’ai commencé au collège, j’avais un groupe avec mes frangins et avec mes potes du quartier. Tout le monde a arrêté et j’ai continué. Pour mes 18 ans, ma mère m’a passé des sous et j’ai acheté du matos pour faire mes sons. C’est là que j’ai vraiment commencé. À côté, je travaillais. Quand j’étais en Alsace, dès que j’ai arrêté la fac, j’ai travaillé à l’usine et dans la restauration. Pareil, quand je suis arrivé à Paris. En ce moment, je suis au chômage tu vois. C’est la merde (rires).
L’EP est déjà extrêmement travaillé. Pour un album, tu pousserais le délire encore plus loin ?
L’album, ça viendra plus tard. C’est pas un truc que je veux faire à la légère et qui me prendra plus de temps. Ce sera quelques chose avec des vrais instruments nous ferons quelque chose de carré. Mais pour l’instant, je pense même pas encore à l’album. Je vais d’abord sortir des projets et des sons. Mais bien sûr, c’est le but. Sur l’EP, il y a encore des imperfections que peut-être les gens ne voient pas. Il y a encore beaucoup à faire. Nous allons faire de grandes choses et nous allons y arriver. Je ne suis qu’à 20% de mes capacités.
Un mot de la fin ?
Dédicace à l’Alsace, on est ensemble. On va tous venir dans Paris. On arrive bientôt.