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Si l’année 2015 a mar­qué l’histoire du rap français à bien des égards, elle n’avait pas vu venir ce rappeur d’Aubagne, aux allures de gang­ster ital­ien. Pour se présen­ter au pub­lic, SCH dévoile qua­torze titres et trace les pre­miers con­tours de son per­son­nage. Avant de le rejoin­dre sur son rooftop, prenons le temps d’emprunter l’autoroute A7. Devenu une référence, ce pro­jet a lais­sé une trace indélé­bile sur son pas­sage. Un game changer.

 

Avant d’arriver dans le grand bain, SCH rappe déjà depuis 10 ans. Sous le nom de Schnei­der, il poste ses pre­miers sons depuis son compte Sky­blog. Repéré par Baar­bus Music en 2014, il se pro­fes­sion­nalise et per­fec­tionne le style qu’on lui con­naît aujourd’hui. Ses pre­mières per­cées ne se font pas atten­dre avec des sons comme Que le doigt ou La mal­lette.

Alors que sa pre­mière mix­tape est en pré­pa­ra­tion, Lacrim décide de lui laiss­er une place de choix sur la dernière piste de « R.I.P.R.O Vol­ume 1 » avec le sin­gle Mil­lion. Rien ne sera plus comme avant pour le S. En sep­tem­bre, il rejoint dans la foulée l’écurie du label Def Jam France (Uni­ver­sal) et dévoile « A7 », le 13 novembre.

À peine déposée dans les backs, la cov­er attire les regards. Inspirée d’une pos­ture de John­ny Depp dans le film « Blow » où il incar­ne George Jung (un célèbre trafi­quant de drogue améri­cain, ndlr), le « Numéro 19 » donne le ton.

 

John­ny Depp dans le rôle de George Jung pour le film « Blow ».

 

Si tous les chemins mènent à Rome, celui qui mène à SCH, c’est l’A7. Cet autoroute est le chemin le plus rapi­de vers le sud et vers Aubagne (13). Il force ain­si le pas­sage dans la ville de son enfance, située à vingt kilo­mètres de la Cité Phocéenne, où peu de touristes sarrê­tent.

 

« A7, jai mis dix ans à l’écrire parce que je n’é­tais rien et que jappre­nais à devenir quelquun »

SCH diver­si­fie ses thèmes, ses pos­tures et son rap. Il se cherche mais indique déjà de nom­breuses direc­tions. La genèse de ce pro­jet appa­raît alors comme la con­clu­sion d’une longue quête vers la matu­rité artis­tique. Il con­fi­ait d’ailleurs dans une inter­view à Meh­di Maïzi « Cest lalbum de toute ma jeunesse, jai mis dix ans à l’écrire parce que je n’é­tais rien et que jappre­nais à devenir quelquun ».

Sous les traits d’un John Lennon mafieux, il signe le pre­mier titre d’un « Math­a­fuck » agres­sif. Son célèbre gim­mick qu’on lui con­naît bien aujourd’hui. Accom­pa­g­né de ces « scélérats », SCH pré­pare le braquage. « J’recherche mes lim­ites, la ge-gor du rap sous mon Gilette » (A7).

Décidé à frap­per fort, il sort les mus­cles sur le morceau éponyme de l’album. A7, piste numéros deux. Un titre que le rap game n’est pas prêt d’oublier. Avec une par­faite ges­tion du découpage, il artic­ule ses cou­plets et ses ponts autour d’un refrain intense. Un flow trap qui épouse une prod majestueuse de Guilty (Kat­ri­na Squad).

 

Pho­to réal­isée pen­dant le shoot­ing de la cov­er de la mix­tape « A7 ». Crédit : Koria.

 

Si l’artiste est d’ores et déjà en démon­stra­tion, il dévoile quelques traits d’intimité. Une tex­ture émo­tion­nelle que nous retrou­verons plus affir­mée sur « Anar­chie » (sa deux­ième mix­tape, ndlr). Ain­si, il évoque aus­si bien son rap­port avec son père : « Papa m’reniera jamais, j’suis ni flic ni pd » (A7) que ses errances de jeunesse. Celui qui « traîne des prob­lèmes d’puis l’CE2 » décrit avec réal­isme la vio­lence du quarti­er « On libère des potes dans des écrans de fumées, ôter la vie, j’vois mes res-frè pour l’kilo s’allumer »  (Solide).

 

Un Beretta semi-auto dans la ceinture

« A7 », c’est aus­si la nais­sance d’un per­son­nage unique. Cheveux sur les épaules, un Berre­ta semi-auto dans la cein­ture, il troque le survête­ment Nike pour un élé­gant veston croc­o­dile ou un per­fec­to noir tiré à qua­tre épin­gles. Il déroule ain­si un style à con­tre-sens qui n’a rien à envi­er au Parrain.

Si les références à l’univers mafieux sont déjà mon­naie courante chez des artistes comme PNL ou Sadek, le Mar­seil­lais demeure celui qui les incar­ne le mieux. Dans la peau d’un per­son­nage de la série « Gomor­ra », il s’immerge dans l’atmosphère de la mafia napoli­taine sur le morceau du même nom. Le clip a d’ailleurs été tourné sur les lieux du crime, dans le quarti­er de la Scampia.

 

 

Pour touch­er son pub­lic, l’artiste a rapi­de­ment trou­vé la recette pour don­ner vie à sa plume. SCH prête ain­si allégeance à l’auto-tune dont il use sans mod­éra­tion. Omniprésente sur son pro­jet, il en fera une mar­que de fab­rique. Avec un tim­bre rugueux qui rap­pelle celui de Lacrim, il se mon­tre sec, agres­sif ou encore solen­nel et donne de la crédi­bil­ité à son univers ténébreux. Il se risque même à une courte ses­sion de chant sur le refrain de J’reviens de loin.

 

Guilty et Kore en tandem

En coulisse, la direc­tion artis­tique est scindée en deux. Guilty (Kat­ri­na Squad) guide la pre­mière par­tie de la mix­tape. Avec des instru­men­tales sur-mesures, SCH peut briller sans forcer. Il s’exprime alors aus­si bien sur des ambiances orches­trales (Gomor­ra) que sur des sonorités de clavecins inédites (Mau­vais­es idées). Nous en oublieri­ons presque les deux fea­tur­ings du projet.

Le match retour avec Lacrim sur Liq­uide tient ses promess­es mais apporte moins de fraîcheur que les derniers tracks com­posés par Kore. Con­cor­dant avec l’arrivée de SCH chez Def Jam Music, le beat­mak­er prend le train en marche et boucle la mix­tape. Ce change­ment à la pro­duc­tion apporte les fini­tions au tableau. De leur col­lab­o­ra­tion naî­tra notam­ment le hit Champs-Elysées, les syn­thés de J’reviens de loin ou encore le piano mélan­col­ique de Fusil qui vient appos­er un point d’orgue au projet.

Cette scis­sion musi­cale, qui peut man­quer de cohérence aux yeux de cer­tains, ne fait pas oubli­er qu’« A7 » mar­que seule­ment ses pre­miers pas dans la cour des grands.

« J’su­is un putain dindélé­bile, ici y a que des velledas » (John Lenon). S’il avait annon­cé être ici pour dur­er, « Gotzë » a tenu ses promess­es. Cinq ans plus tard, « A7 » est un suc­cès. Il compte aujourdhui plus de 440 000 exem­plaires ven­dus et se rap­proche de son pre­mier disque de dia­mant. L’artiste doit tout à cette rampe de lance­ment que fut sa pre­mière mix­tape. Elle mar­que la nais­sance d’un OVNI du rap français qui a fait bouger bien plus que des codes ves­ti­men­taires. Poings fer­més, mâchoire ser­rée, SCH trop réel.

 

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