Mosaïque

Par Achille Dupas

 

Le col­lec­tif 667 est sou­vent réduit à ses mem­bres les plus con­nus, Freeze Cor­leone pour cap­i­taine, fig­ure désor­mais incon­tourn­able de l’underground français. Pour­tant, la Ligue des Ombres fait état d’un pan­el d’artistes très large. Le rappeur Zuuk­ou Mayzie et son dernier pro­jet « Primera Tem­po­ra­da » en sont l’illustration parfaite.

13 décem­bre 2019. Petite révo­lu­tion dans le paysage rap under­ground français. Zuuk­ou Mayzie donne une inter­view chez Clique. Une pre­mière pour un des mem­bres du 667 qui ont la répu­ta­tion de ne jamais appa­raître dans les médias. Si d’une cer­taine façon, le mythe se fis­sure, c’est pour ouvrir les portes sur le vaste univers artis­tique du col­lec­tif le plus mys­térieux du rap français, la Ligue des Ombres.

 

Zuuk­ou Mayzie. Crédit : Abcdrduson.

 

Zuuk­ou appa­raît comme sin­guli­er au sein de la secte. D’abord de part son nom com­plet : Zuuk­ou Mayzie le bg du 667, qui témoigne d’un univers décalé, par­fois presque enfan­tin. Son œuvre n’est pas aus­si som­bre que celle de ses acolytes. Il s’aventure sur des chemins jusqu’alors qua­si­ment inex­plorés par son col­lec­tif comme l’amour ou les rela­tions famil­iales, lais­sant une place impor­tante à l’expression des sentiments.

Avec son précé­dent pro­jet, « J.m.u.a.z » (Je mange un autre zuuk­ou), l’artiste peignait un paysage col­oré, par­fois naïf, tein­té de nuances froides et pleines de désil­lu­sions sur le monde et les rela­tions amoureuses. Le rappeur entame désor­mais un nou­velle air en pro­posant « Primera Tem­po­ra­da » (Pre­mière Saison).

 

Cov­er du pro­jet « Primera Temporada ».

Mélodies, chants et références geeks

Trans­porté par des mélodies entê­tantes et des refrains chan­tés sous auto­tune, Zuuk­ou nous amène dans un monde plus som­bre et mature. L’univers est tou­jours pavé de mul­ti­ples références geeks et à la cul­ture pop. Le rappeur est pas­sion­né de films et de comics. Tout au long des treize morceaux, les références se mul­ti­plient : Dark Maul, les Siths, Lego­las, Trunks, les Cités D’or, Thor, Har­ry-Pot­ter… Dès le pre­mier titre du pro­jet (Caliente), les thé­ma­tiques prin­ci­pales sont annon­cées : « Au xan, au lin comme ma carte UGC abon­né. »

Dif­fi­cile de qual­i­fi­er la musique du « bg du 667 » tant les influ­ences, sonorités et styles musi­caux dévelop­pés sont mul­ti­ples. L’intéressé le con­fie-lui même, le rap n’est pas la musique qu’il écoute le plus. À la pro­duc­tion de « Primera Tem­po­ra­da », un pan­el de beat­mak­ers tel que Risky Busi­ness, Off the wall ou encore Shumi1, qui a notam­ment pro­duit pour Bushi (Lyon­zon) et la tal­entueuse Jäde.

 

Cov­er du titre Vin­cent. Crédit : @122lina (Insta­gram).

 

Tous vien­nent apporter une diver­sité musi­cale, sur laque­lle le rappeur mon­tre l’étendue de ses capac­ités. Chan­sons d’amour entê­tantes (Vin­cent), mélodies pop (AdounaKo None), pro­duc­tions boom-bap (Veste pata) ou trap (Taran­ti­no), Zuuk­ou ne s’encombre pas des éti­quettes et com­pose son univers en un patch­work, néan­moins tou­jours cohérent, planant, mys­térieux, presque ésotérique.

 

667 comme toile de fond

Zuuk­ou Mayzie est avant tout un mem­bre du 667. Le col­lec­tif est présent tout au long de l’album, par les mul­ti­ples références qui vien­nent ponctuer le pro­jet : « Tu suis le 666, moi, j’su­is le 667. J’trou­ve ça juste un peu moins con, j’trou­ve ça beau­coup plus bénéf. » (Doc­teur Lulu)

Les mem­bres du col­lec­tif font leur appari­tion directe­ment sur les pistes audio pour don­ner nais­sance aux deux excel­lents Doc­teur Lulu (fea­tur­ing Osirus Jack) et Qui-Gon Jinn (fea­tur­ing Freeze Corleone).

 

Sym­bole du col­lec­tif La Ligue des Ombres aka 667.

 

L’identité de la Ligue des Ombres tran­scende tout le pro­jet. La récur­rence du vocab­u­laire et des acronymes pro­pres à la secte en témoignent : « fufu » (fugazzi : faux dia­mant, fausse per­son­ne), « NRM » (Nou­veau Rap Mon­di­al), « LDO » (Ligue des Ombres) ou encore l’incontournable « ekip ». De nom­breuses références à la lean et au xanax : « J’oublie son blaze quand j’lean » (Qui-Gon-Jinn), ain­si qu’aux théories com­plo­tistes : « Tu veux la vérité, demande les PDF »  (Doc­teur Lulu) sont aus­si à noter.

Entre orig­i­nal­ité et références com­munes, sin­gu­lar­ité et iden­tité de groupe, Zuuk­ou apporte une pierre à l’édifice du 667 avec « Primera Tem­po­ra­da ». Il con­firme  ain­si l’énorme poten­tiel artis­tique du col­lec­tif, dont les capac­ités ne se lim­i­tent pas à la tech­nique irréprochable et aux flows assas­sins de Freeze Corleone.