« My life in six words… Chipmunk, Jahmaal, music, God, money, family » : ce sont les mots du rappeur Chip au journal britannique The Independant, à l’occasion de son entrée chez Sony Music en 2009. À l’époque, le jeune homme ne le sait pas encore mais cette signature entérine le début d’une longue carrière, à la reconnaissance exponentielle, pionnière d’un courant pilier du rap britannique. Let’s begin.
Started from the bottom
Chip vient au monde le 26 novembre 1990, de parents originaires de la Jamaïque. Jahmaal Noel Fyffe, de son véritable nom, grandit à Haringey, dans le nord de la capitale anglaise. Naturellement, il devient fan des Gunners d’Arsenal et aspire à devenir footballeur, comme bon nombre de collègues rappeur·euse·s. Un rêve qui, finalement, laissera la place à la musique. C’est au cours de sa jeunesse qu’il se voit orner du surnom, peu flatteur, de « Chipmunk », en référence à sa petite taille, sa corpulence et sa dentition atypique.
C’est sur le rythme des hits de ses prédécesseurs Wiley ou encore Dizzee Rascal, qu’il développe sa culture musicale. Après onze années dans le circuit, il est considéré comme l’un des artistes les plus influents du game, autant pour sa longévité que pour sa contribution au grime. Artiste à la production effrénée, il démarre avec son premier album « I am Chipmunk », qui parvient à se hisser à la deuxième position des UK Charts, sa meilleure performance.
Cet opus rencontre un franc succès et lance la carrière du jeune londonien. Son projet suivant, nommé « Transition », sera d’ailleurs le dernier de la maison de disque américaine, avant que cette dernière ne ferme ses portes, laissant le garçon d’Haringey libre de signer où bon lui semble. Il entre ainsi chez Grand Hustle, maison mère d’artistes influent·e·s comme Travis Scott et basée à Atlanta, en Géorgie. Nouveau label, nouveau nom : Chipmunk devient officiellement Chip.
Ce passage, bien que succinct, au sein de l’organisation américaine lui permet de collaborer avec de grands noms du Nouveau-Continent, comme B.o.B ou Iggy Azalea, et d’être nominé au BET Hip Hop Awards en octobre 2012. Pourtant, le rappeur préfère l’indépendance et se détache du label d’Atlanta pour créer sa propre structure, nommée Cash Motto. Il produit au sein de ses studios ses trois projets suivants, « Power Up » « League of my Own II » et « Ten 10 ». L’apogée artistique de ce précurseur du grime britannique trouve sa plus grande symbolique dans son dernier projet, « Insomnia » (2020), enregistré en coopération avec le pionnier Skepta et l’étoile montante Young Adz.
Tea time
Chip a gagné ses lettres de noblesse dans le rap britannique à force de projets reconnus et de performances gravées dans le marbre du panthéon du grime. Il établit son record le plus marquant en partageant le micro avec celle qui eut l’honneur d’ouvrir la cérémonie des Jeux Olympiques de Londres en 2012, Emeli Sandé. Ensemble, il·elle·s enregistrent le titre Diamond Rings et ce track permet à l’artiste de devenir le plus jeune rappeur britannique de l’histoire à placer un morceau dans le top 10 des classements d’outre-manche.
The crown jewels
« I am Chipmunk » fait partie des références incontournables du grime britannique. Il s’agit d’un album fondateur, premier fait d’arme d’un auteur qui, à l’époque de sa production, siégeait encore sur les bancs du lycée. Positionné à la seconde place des classements britanniques, le projet reste à ce jour le plus gros succès du Chipmunk. Avec plus de 100 000 copies vendues, il est certifié disque d’or par la British Phonographic Industry, chargée de la gestion des certifications artistiques.
Crédit : DR.
L’album sort sur le label Columbia Records, célèbre maison de disque, accueillant sous son toit les sommités que sont AC/DC, Adèle ou encore Beyoncé. Côté production, le gâteau est partagé entre plusieurs pointures du domaine, à l’instar de Pete Parker (producteur de G‑Eazy), Harmony Samuels (Ariana Grande) ou encore Naughty Boy. « I am Chipmunk » dénote dans ses choix de featurings, avec une forte présence féminine (Esmée Danters, N‑Dubz et Emeli Sandé), offrant une alternance entre des tracks incisifs et des instrumentales douces, se rapprochant davantage du R&B.
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L’album nous plonge dans le quotidien de Chip, alors jeune adulte ou vieil adolescent, âgé de 19 ans. Le second titre de l’album, Chip Diddy Chip, raconte d’ailleurs ses péripéties entre l’école et le studio. Le jeune artiste londonien se retrouve confronté à la jalousie, le rapprochement intéressé et l’envie de le voir échouer. Un nouveau statut en poche, il explique dans Role Model, avoir conscience d’être devenu un exemple pour les jeunes. Loin de lui l’idée de se plaindre de cette situation, son attirance pour la lumière n’ayant jamais été cachée. Cependant, malgré le fait qu’il se targue, dans le morceau Beast, d’être sûr de lui et de ses capacités, il n’en reste pas moins perméable à la peur de l’échec. Il reste un homme, perfectible et imparfait, qui cherche à conjuguer sa vie artistique et sentimentale face à l’absence de l’être aimé.
Comme Chip l’exprime dans Saviour et Dear family, les épreuves qu’il traverse comme la séparation de ses parents, semblent écrites à l’avance. Un destin qu’il considère être entre les mains de Dieu. Cet attachement à la spiritualité se matérialise aussi dans ses mélodies et ses choix de compositions. La présence d’un chœur dans le morceau fait écho à cela, rappelant, par moment, les célébrations religieuses.
De Chipmunk, il est passé à Chip. Un raccourcissement qui sonne comme un signe d’opposition ironique à la longévité de sa carrière. Plus qu’une superstar éphémère, Jahmaal a réussi à convertir son succès pour devenir une référence pour les jeunes grimer·euse·s grattant leurs couplets dans les rues londoniennes. À l’instar de son ami Skepta, Chip a gagné sa place sur le trône du rap, au pays de Sa Majesté.