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Il y a un peu plus d’un an, Luid­ji sor­tait la tête de l’eau avec son album « Tristesse Busi­ness, Sai­son 1 ». Au cours de cette croisière musi­cale, l’artiste nous invite à plonger dans son pro­jet pour mieux baign­er dans son univers. Le thème de l’eau rythme l’album, bercé par les flots tumultueux d’un tri­an­gle amoureux.

 

« Puisse mon pre­mier album guérir vos maux, comme il a guéri les miens », annonce Luid­ji à la sor­tie de « Tristesse Busi­ness. Sai­son 1 ». Le pro­jet se présente comme une thérapie de dix-huit titres au cours desquels l’artiste nage en eaux trou­bles, attiré par le chant des sirènes. Du début à la fin du pro­jet, le rappeur som­bre dans les abymes de l’amour. L’eau est alors sal­va­trice, comme il l’expliquait à l’Abcdrduson : 

« Le sound design autour de l’eau, c’est une métaphore autour de l’histoire du disque. Tu vois la dame qui par­le dans l’intro de Veuve Clic­quot ? C’est une amie de mon père. On a beau­coup dis­cuté à l’époque où toute cette his­toire m’était arrivée et elle m’avait dit que, pen­dant mes vacances dans le sud avec mes potes, je devrais plonger dans l’eau. À chaque fois que je remon­terais à la sur­face, je lais­serais une par­tie de mes prob­lèmes dans l’eau. C’était comme une cure, et en effet, à chaque fois que j’allais dans l’eau, je me sen­tais archi-bien. »

Alors que le pre­mier titre (Agoué)  s’ouvre sur la voix d’un homme se dis­ant « desséché de l’intérieur », le morceau se con­clut sur le bruit d’un plon­geon. Avec ce pro­jet, Luid­ji « quitte le navire » et se jette à l’eau. Il se glisse donc dans la peau d’une divinité marine : Agoué. Fig­ure de la mytholo­gie vau­dou, Agoué est le dieu pro­tecteur de la mer. Il entre­tient une rela­tion avec la Sirène, mais aus­si avec la divinité Vau­dou de la beauté, Erzulie. Deux créa­tures aux­quelles Luid­ji s’identifie et qui le fer­ont chavir­er. Comme Agoué, il est tirail­lé par deux femmes dont l’amante Erzulie, qui don­nera son nom à l’interlude du pro­jet, dans lequel il sem­ble se noy­er. Elle sem­ble la cause de son naufrage, lui, qui a cédé à l’appel séduc­teur de son chant : « Il a seule­ment suf­fit d’un grain d’sable, pour enray­er la mécanique, dev­enue insta­ble » (Femme flic). La sirène s’affiche donc sur la pochette de l’album, dont les couleurs et la com­po­si­tion rap­pel­lent la plage.

Cette même sirène  lui annonce qu’elle est enceinte  au croise­ment des titres Néons rouges et Belles chan­sons. Cette révéla­tion, et les prob­lèmes qu’elle engen­dre, plonge Luid­ji dans une déprime qui l’empêchera d’écrire et de faire de la musique pen­dant longtemps. 

 

Cov­er de l’al­bum « Tristesse Busi­ness — Sai­son 1 ».

 

Nazaré, neu­vième des dix-huit pistes de l’al­bum, fait office de tran­si­tion. Le morceau mar­que un tour­nant, illus­tré par la voix fémi­nine à la fin du titre qui lui explique : « À par­tir du 22 jan­vi­er, tu entres dans un autre espace-temps ». La pre­mière vague est passée et l’a emporté avec elle : « Emporté par ce genre de vagues, j’ai sac­ri­fié ma vie pour attrap­er ce genre de vagues ». Nazaré est une ville au Por­tu­gal, réputée pour ses vagues impres­sion­nantes, qui en font un endroit priv­ilégié des sur­feurs. Sur le morceau suiv­ant (Erzulie), inter­lude du pro­jet, il tente donc d’éviter la noy­ade. Lui qui a dû, « tout redessin­er comme Pablo, la femme assise sur la plage » (Nazaré). En févri­er 1937, Pablo Picas­so peint « Femme assise sur la plage », qui détone par la dis­pro­por­tion du corps et des vol­umes. Le vis­age est imper­son­nel. Cette femme peut être n’importe laque­lle, mais aus­si celle qui mène Luid­ji à som­br­er : « l’âme qui coule vers des niveaux tou­jours inférieurs » (Sys­tème). 

 

Pablo Picas­so, Femme assise sur la plage, 10 févri­er 1937

 

Dans la deux­ième par­tie de l’album, Luid­ji tente donc de remon­ter à la sur­face. Il retrou­ve la sen­sa­tion du Vent d’hiver et a « pris le temps d’apprendre à dompter ma vague, et j’aperçois l’infini, loin de ce bon­heur insipi­de ». L’horizon sem­ble se dessin­er pour l’artiste qui aperçoit le rivage qu’il nous mon­tre dans le clip du morceau suiv­ant : Tu le mérites.

 

 

Alors que les visuels de la pre­mière par­tie de l’album mon­traient une piscine, notam­ment dans le clip de Chris­t­ian Dior, Luid­ji dévoile cette fois un rivage. La piscine qui peut rap­pel­er sa rela­tion clas­sique et de rou­tine avec sa copine, s’op­pose au rivage, qui ferait référence à sa liai­son avec Erzulie, plus naturelle, sauvage et tumultueuse. L’artiste sem­ble alors sur la voie de la guéri­son et prend donc le temps de saluer ceux qui l’ont aidé : « Avec respect quand j’salue mes gars, car je sais que j’touche les mains qui m’ont sor­ties de l’eau » (Veuve Clic­quot). 

Tout au long du pro­jet, Luid­ji nous embar­que pour un voy­age sen­ti­men­tal, plongé dans les flots tumultueux de ses rela­tions amoureuses. Il a survécu aux chants des sirènes et a rejoint le rivage… pour cette fois. Le rappeur nous donne ren­dez-vous pour un nou­veau voy­age en eaux trou­bles, avec la sai­son 2 de « Tristesse Busi­ness ». 

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