Futuriste dans ses visuels, avant-gardiste dans sa musique, S.Pri Noir n’oublie pas d’où il vient et garde les pieds sur terre pour savoir où il va. Ses textes racontent son émancipation de la rue, à force de pugnacité et de persévérance. Du quartier des Fougères au sommet du rap français, l’histoire d’une ascension en huit punchlines.
« Ici c’est pas le bac qui compte, c’est la BAC qui t’plombe »
Certifié Gangsta — « En attendant État d’esprit »
S.Pri Noir grandit dans le 18e arrondissement de Paris puis passe son adolescence dans le quartier des Fougères (20e). Un quartier parisien situé au-delà du périphérique. Laissés à l’abandon, les habitants sont livrés à eux-mêmes pour s’en sortir. Poursuivre des études devient alors un privilège, lorsque gagner de l’argent est une question de survie.
En gagner beaucoup et en gagner vite : le deal est souvent la solution la plus efficace. Une inégalité mise en avant par S.Pri Noir qui confronte le baccalauréat à la BAC (Brigade anti-criminalité). Contraint par le système, il confie ses regrets dans Chakal : « Parfois c’est dur, t’as envie d’poursuivre des études. Mais pour ça, il faut des thunes que t’iras chercher dans les stups ».
« L’État me bloque comme un rat »
Comme un rat — « En attendant État d’esprit »
Ce système, l’artiste s’applique à le dénoncer dans chacun de ses projets. Prisonnier d’une spirale sociale dont il ne peut s’extirper, le rappeur se sent comme un rat en cage. Ces animaux sont parmi les plus utilisés pour les expérimentations animales dans les laboratoires. Il a ainsi le sentiment d’être enfermé, comme un rat dans un labyrinthe. Les hauts fonctionnaires de l’Etat qui tirent les ficelles, observent son comportement et étudient la façon dont il se débat pour s’en sortir.
« On a pas de pellicules mais sous nos crânes c’est négatif »
60G — « Le Monde Ne Suffit pas »
Comme les jeunes issus de ces quartiers délaissés, S.Pri Noir explique voir la vie à travers un filtre en noir et blanc. Un état d’esprit négatif, aussi sombre que l’image qui se forme sur une pellicule de photographie. Abandonné, il s’interroge sur le même titre : « Condamnés à survivre, est-ce que c’est ça nos vies ? ».
« Le sol de leur chiotte c’est nos plafonds »
Highlander — « Masque Blanc »
Face à ces injustices, S.Pri Noir s’insurge. Il condamne ce plafond de verre qui s’impose à lui. Le plus haut niveau de l’échelle sociale que le système lui propose ne lui promet que les miettes du gâteau. Défavorisé dès le départ, il ne peut espérer s’élever que jusqu’au « sol de leur chiotte », ou « au mieux la tête dans les W.C » (Vivre et laisse mourir). Il réutilise d’ailleurs cette image du « sol » : « La rue dit que j’suis un artiste car j’évolue entre quinte et sol. Peut-être que je suis Black mais je ne laverai aucun de tes sols » (CFA). La richesse de la France n’empêche pas le fossé des inégalités de se creuser.
« Saisis ton avenir, saisis le à deux mains. Tu meurs aujourd’hui on t’oubliera demain »
Vivre et laisser mourir — « 0.0.S : Licence To Kill »
C’est décidé. S.Pri Noir refuse qu’on lui impose une destinée. Son histoire, il l’écrira lui-même. Il invite alors ceux qui l’écoutent à prendre en main leur avenir, dont ils sont les seuls maîtres. Il évoque, à maintes reprises dans ses textes, ne pas vouloir perdre de temps pour entreprendre :« Pas besoin d’une montre Patek Philippe, pour savoir que mon temps est compté » (Kestupeufaire). La vie avance vite, avec ou sans nous, et le rappeur ne peut concevoir mourir sans avoir jouer toutes ses cartes ni laisser de trace de son passage.
« L’intention de décoller du sol, débloquer une somme et d’m’arracher loin d’ici »
Compliqué — « 0.0.S : Licence To Kill »
Après avoir grandi la tête sous l’eau, le rappeur veut décoller de ce sol qui était autrefois son plafond. Pour prendre son envol, il n’a pas d’autre choix que de gagner de l’argent. Et c’est grâce à son talent derrière le micro qu’il ira débloquer ses premières sommes. Celui qui voulait « changer les paramètres » (Paramètres) et la faible considération que certains pouvaient lui porter, a réussi à grimper l’échelle.
« On fait l’Atlantique, on fait pas la Manche »
Podium — « Masque Blanc »
Désormais en vol, S.Pri Noir est devenu un rappeur français reconnu et dit « faire l’Atlantique ». Plus large que la mer de la Manche, il a les ambitions de la taille d’un océan et le succès le lui rend bien. L’artiste qui s’est construit tout seul, avec travail et persévérance, peut désormais se vanter de ne pas faire la manche.
« Alexandre Le Grand, on a conquis la street »
Jujitsu — « Masque Blanc »
Le succès de son premier album « Masque Blanc » est sans appel. À la manière d’Alexandre le Grand, l’un des plus grands conquérants de l’Antiquité, il accomplit ainsi une première grande performance avec son équipe. Emportant avec lui des temps d’avant et d’aujourd’hui, prônant la mixité des couleurs et des cultures, condamnant un système social injuste, S.Pri Noir a conquis bien plus que la street et en veut toujours plus. L’ascension se poursuit, vendredi 17 avril, avec « État d’esprit ».