Après le succès critique de « Quel beau jour pour mourir », MadeInParis sonne le glas de la confirmation avec un nouvel opus aux reflets sulfureux. Dessinant les contours d’une silhouette féminine à contre-jour, il exhorte l’auditeur à entrer dans son univers toujours éclairé par la lune rougeoyante qui le caractérise. Quelques jours avant la sortie de « Voulez-vous coucher avec moi », il se livre à Mosaïque sur la conception de cette première mixtape autour de laquelle gravitent les atomes de son futur succès.
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À quelques jours de la sortie de « Voulez-vous coucher avec moi », comment te sens-tu ?
J’ai sacrément évolué depuis la carte de visite que j’ai envoyée avec « Quel beau jour pour mourir ». Maintenant, je continue une nouvelle aventure en major avec le label Epic Records France, je rentre dans l’industrie de la musique et je confirme. Là je propose plusieurs styles pour que les gens se disent : « Ah d’accord, il sait faire ça ». D’où le titre « Voulez-vous coucher avec moi ? » : voulez-vous faire partie de ce mouvement que je suis en train de créer ? Ce nom, il faut le voir comme une proposition. Je vous invite. Alors si vous êtes curieux, venez écouter. Prenez tout ce que vous avez à prendre, inspirez-vous, ambiancez-vous et montez sur le navire parce que ça ne va faire que de monter.
À quel moment as-tu conçu ce projet ?
Je travaille en avance, ce projet est déjà prêt depuis un an. J’aime donner l’impression au public que je me suis cassé la tête, alors que c’est un truc super simple. Là il me fallait une phrase et je me suis demandé : « C’est quoi la phrase française la plus évocatrice ? ». Dès que j’ai eu le nom, j’ai enchaîné sur la phase de conception de la mixtape. À la base, le projet était bouclé pour septembre mais il y a eu un déclic. On rentre dans une nouvelle année et on s’est dit : « On peut proposer plus que ça ! », donc on a enchaîné les séminaires.
Dans quelles conditions as-tu travaillé ?
80 % du projet s’est fait dans ma chambre, puis j’envoyais les pistes à mon ingé son. Il y avait aussi quelques séminaires en Belgique. Quand je pose, je ne fume même pas, je suis concentré. Un vrai geek devant l’ordi. Avant, je me prenais la tête sur les détails, les effets, le traitement de la voix. Aujourd’hui, je me suis pris la tête sur l’exécution : le choix des mots, le champ lexical, la compréhension. On me connaît déjà pour ma maîtrise technique, maintenant il faut que je développe quelque chose qui parte de l’artiste, qui soit unique à moi.
Comment caractérises-tu ton évolution entre tes anciens opus et celui-ci ?
J’ai osé, j’ai brisé les barrières, les limites. Je me suis dit que j’allais proposer un panel de sonorités, de thèmes plus complets. Ensuite, je ciblerai ce qui marche le plus et je partirai sur cette route-là. Le but cette année, c’est de m’imposer. Je suis sûr de pouvoir toucher de nouvelles personnes. Pour « Quel beau jour pour mourir », on m’a dit que le projet était un no skip, j’y pense tous les jours. Maintenant, il faut confirmer ça sur quinze titres. Mais paradoxalement, je ne considère pas ce projet comme une suite à ceux d’avant. Quand je commence quelque chose, je repars de zéro.
Sur la mixtape, tu as collaboré avec 16 compositeur.rice.s. Meel B, Cartier, Fulltrap Alchemist… Les prods et les textures sont très diverses. Comment as-tu travaillé avec les producteur.rice.s ?
Les plus gros acteurs de la tape, ce sont des amis proches. Shadow, Ray Da Prince, Persia… Avec Persia, on se comprend musicalement, il est sur 80 % du projet. Niveau mix, j’ai donné ma confiance à Draco Dans Ta Face. Au studio, on a pas besoin de se parler, il a l’oreille. Il me fait souvent des propositions et il y a une vraie conscience artistique derrière tout ça. J’aime bosser avec des gens avec qui la connexion passe toute seule, on se comprend sans dire un mot. Fulltrap et Cartier, je les connais personnellement. J’ai rencontré Meel B sur les réseaux. Même si je ne te connais pas, on peut travailler ensemble. Et si j’aime pas, je te laisse le temps de me proposer quelque chose de plus étoffé.
MadeInParis. Crédit : Gabin Morisset pour Mosaïque.
Tu avais pris le parti de ne pas inviter d’autres artistes en featuring sur tes deux projets précédents. Et cette fois, ils sont quatre avec notamment Squidji.
Oui ! Avant la musique, je trouve qu’humainement Squidji est un gars très cool. Si je devais le décrire en un mot, je dirais que c’est un gars très peace. Il y a beaucoup d’amour autour de lui. Musicalement ce que je respecte chez lui, c’est qu’il a un côté très acoustique, très live. Il a déjà débloqué ce truc-là et c’est ce que je recherche.
Il y a aussi Luidji qui se fait plutôt rare dans ses apparitions. Pourquoi l’avoir choisi ?
On s’était déjà rencontrés avant et on a eu un très bon feeling. On s’est retrouvé en studio et j’étais parti sur une base assez acoustique avec un petit saxo, ça lui a parlé. Il y a vraiment ce côté humain entre nous, une vraie alchimie. Même chose avec Captaine Roshi, c’était naturel. Ça a vraiment fait kiffer le public, c’est deux mondes qui s’entrechoquent et ça a créé une belle amitié. Ce couplet, j’ai mis six mois à l’écrire alors que Roshi a mis deux heures. Au début, j’étais tellement loin que je lui ai dit : « Le thème du son c’est meufs, fête, cocaïne ». Je ne sais pas ce qu’il a compris de tout ça mais il a envoyé un couplet de malade (rires). Roshi a vraiment respecté l’invitation. Mon couplet est inspiré du groupe N.W.A et ça fait un bon mélange.
On ressent des inspirations trap qui rappellent PARTYNEXTDOOR ou Drake. Mais tu t’es aussi essayé à des sonorités plus chaudes, moins occidentales. Comment est-ce que tu digères tes influences ?
Et bien justement ! PARTYNEXTDOOR, c’est celui qui m’a donné envie de faire de la musique. Mais pour ce qui est de mes colorations plus chaudes, c’est surtout parce que j’ai envie d’oser. J’ai la voix, j’ai soif de savoir, alors voyons ce que ça donne. Je ne m’y connais pas du tout en afro, c’est pas ma culture. Mais je viens des Antilles néerlandaises, j’ai appris le français très jeune, alors ça sonne bien, ça glisse !
MadeInParis. Crédit : Gabin Morisset pour Mosaïque.
Le traitement de ta voix est souvent robotique, assez déshumanisé et très glacial. Pourquoi avoir articulé des sonorités froides avec des thèmes assez sulfureux ?
Au début, je ne faisais que dans l’egotrip, mais j’ai commencé à m’intéresser davantage à la culture musicale française. Et c’est comme ça que j’ai vu un grand artiste de variété déclarer : « Le public français aime les connards sincères ». Ce que j’ai compris, c’est que les Français aiment quand un artiste raconte des histoires dans lesquelles chacun peut se reconnaître. Dans la tape, je parle un français assez clair. C’est là que je me suis dit, autant raconter mes histoires ! Non seulement les gens vont rire, mais ils vont être émus, s’identifier, je fais tout ça à ma sauce. Quand la mixtape aura de la postérité et qu’on la réécoutera on se dira : « C’était un connard sincère ! » (rires). D’ailleurs à ce propos, le morceau dont je suis le plus fier, c’est Comment faire. Il est réel. Je pense que beaucoup de gens vont le comprendre.
Sur tes visuels, on remarque une silhouette féminine à contre-jour. Qu’est-ce que ça signifie ?
C’est un ressenti esthétique. J’essaie de créer quelque chose d’authentique et qui me ressemble. Mon inspiration pour le visuel, c’est l’un de mes films préférés : « Pulp fiction » de Tarantino. Quand je me pose dans ma chambre, j’ai une vue imprenable sur un poster énorme qui fait la taille de ma porte. Juste les couleurs, le rouge, le jaune, l’orange, le fait que ce soit mon frère qui me l’ait montré : c’est un flux d’émotions. L’ambiance que ça dégage, avec ce que j’ai vécu, donne un sens esthétique et émotionnel à ce symbole.
Sur l’interlude Sex, tu chantes sur des sonorités plus électro, avec des reflets synthwave (genre musical influencé par la musique et les films des années 1980, ndlr). Est-ce une prise de risque ?
Pour être honnête, plus tard j’aimerais finir dans la pop. C’est pour ça que je m’essaye à des morceaux comme celui-ci. J’ai toujours baigné dans la pop culture et musicalement c’est quelque chose dont je suis très proche. Je veux faire une musique d’ambiance, alors même si je ne passe pas à la radio mais que je passe dans des pubs, dans des films, je serai satisfait !
Tu parles beaucoup de la ville, de tes baraudes… Ton nom, MadeInParis, ça vient de là ?
MadeInParis, ça vient de mon passé de graphiste. À l’époque, je travaillais pour des marques et vu que j’étudiais la typographie, j’aimais beaucoup mettre ce nom sur mes créations. Du coup, quand j’ai commencé le rap, je me suis dit « MadeInParis ». Et des années plus tard, les gens l’ont accepté.
MadeInParis. Crédit : Gabin Morisset pour Mosaïque.
Dans le morceau Binks tu dis : « Y’a pas vraiment de place pour l’amour dans ma vie ». Est-ce que c’est pour garder un « esprit lucide » ? Comme dans « Quel beau jour pour mourir ».
Je me suis décidé à me concentrer sur ma carrière. En étant jeune, c’est compliqué de mélanger les émotions et le professionnel. Donc j’ai mis l’amour de côté. Et d’un point de vue personnel, c’est plus profond que ça. C’est pour rejoindre « Quel beau jour pour mourir » : « Amusez-vous mais restez toujours concentré. » L’esprit lucide, mais jamais l’esprit simple.
Après la mixtape, c’est l’album ?
Je trouve que ça ne sert à rien de sortir un album maintenant parce qu’un album c’est des ventes, pas quelques clics et des stories Insta. Si je sors un album, je dois être prêt à remplir une grande salle. Ça se travaille sur le long terme. Donc entre-temps je donne quelques cartes de visite. En ce moment, je suis dans la perspective de sortir un EP précis par rapport à une tendance en vogue pour fidéliser les clients qu’on a pu attraper. Plus on fidélise et plus on a une communauté.
Tu appartiens à une génération d’artiste montant, en développement. Est-ce qu’on t’as déjà attribué l’étiquette « new wave » ? Est-ce que tu te réclames de cette scène ?
La nouvelle vague de signatures en 2020, j’en fais partie et j’en suis fier. Maintenant cette scène-là je ne m’y retrouve plus du tout. Je veux plus que ça, j’ai toujours voulu plus. Parler de nouvelle vague, ça pose des limites, comme si elle allait être toujours underground. Je veux sortir de ça. Sans critiquer la new wave, moi je veux une confirmation parmi les grands : parmi toutes ces grosses têtes, j’ai carrément ma place. Donc qu’on ne me parle pas de nouveaux mecs. Moi on va me remarquer.
C’est quoi la suite de MadeInParis ?
J’ai toujours des prods et des structures innovantes en stock, mais j’essaie de réfléchir encore plus ce que je raconte. Luidji m‘avait conseillé à ce propos : « Avec tout ce que tu fais, si tu donnes 50 % de toi-même en plus, de vraies choses sur ta vie, tu vas encore plus intéresser les gens. » Au vue de sa carrière, je peux le croire. Ce que j’en retiens : « Soit plus vrai ». D’ailleurs il le dit lui-même : « Je ne mens jamais dans mes chansons » (Le rouge, « Boscolo Exedra », NDLR).
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