Avec « La fête est finie », Orelsan mettait fin à un cycle artistique en trois étapes. Celui d’un adolescent tourmenté, devenu un jeune adulte face à ses responsabilités, pour enfin grandir avec nostalgie et trouver l’amour. Quatre ans plus tard, l’artiste a encore changé de vie et raconte de nouvelles histoires. Une semaine après la sortie de « Civilisation », le disque réalise une sortie historique, devient disque de platine et déchaîne les passions. Le rappeur caennais a‑t-il su se renouveler suffisamment pour ouvrir une nouvelle page de sa carrière ou y mettre un terme ? La rédaction de Mosaïque a planché sur ce nouveau projet et donne son avis.
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« Orelsan multiplie les prises de risques »
Orelsan va bien, Orelsan va mieux. Sa hargne qui résonnait au plus fort de sa carrière dans le morceau San s’est dissipée pour laisser place à de l’apaisement et à des réflexions davantage tournées vers les autres et le monde qui l’entoure. Si le disque n’est pas sans quelques aspérités, il relate avec authenticité la vie d’un artiste accompli de 39 ans qui ne cesse de changer. Ce quatrième opus est un défi de taille et heureusement, le Caennais raconte toujours aussi bien les histoires et a su renouveler son discours. Mais le tour de force vient surtout de l’instrumentalisation du disque. Avec Skread et Phazz, Orelsan multiplie les prises de risques sur des productions tantôt drill, tantôt disco, ou sur des nappes de synthétiseur vintage et des envolées électroniques audacieuses. « Civilisation » est moderne. Le rappeur dépoussière sa formule en développant son sens de la mélodie. L’ensemble forme une bande son cohérente, maîtrisée sur le bout des doigts, avec des faiblesses qui lui ressemblent tout autant.
- Thibaud Hue
« Le problème vient de ses expérimentations vocales et mélodiques »
Les attentes étaient fortes autour de ce quatrième album et force est de constater que je suis déçu. En témoigne la difficulté que j’ai eue à me replonger dans le projet pour préparer cette chronique. Pourtant, le message global de l’album me parle beaucoup. Orelsan n’a pas perdu son incroyable capacité à retranscrire les errances d’une génération, à synthétiser les incohérences d’un peuple. Après deux années de pandémie et dans un climat social tendu, « Civilisation » est en phase avec son environnement. L’album balaie différents thèmes tout en y apportant son traditionnel cynisme et son autodérision. Reflet de son époque, il flirte aussi bien avec les remarques boomer qu’avec les messages révolutionnaires. Mais le problème ne vient pas de ses textes même si certains morceaux sonnent vraiment creux comme la collaboration inutile avec Gringe. On était en droit d’attendre mieux qu’un épisode mal écrit de « Bloqués » pour un featuring intitulé Casseur Flowters Infinity. Non, le problème vient de ses expérimentations vocales et mélodiques. Orelsan est un très bon rappeur, on ne peut malheureusement pas en dire autant de ses qualités au chant. Beaucoup trop de refrains chantonnés avec une voix aiguë difficile à soutenir m’ont fait sortir de morceaux pourtant pas si mauvais comme Jour meilleur. Mais la déception n’est pas totale grâce notamment au morceau Manifeste. Un exercice de style maîtrisé à la perfection, un storytelling poignant, immersif et sincère. Un message politique fort et un texte rappé sur une magnifique instru minimaliste et progressive de Skread. Du Orelsan comme on l’aime.
- Robin Spiquel
« Son quotidien n’a plus rien à voir avec celui qui avait Peur de l’échec »
Et de quatre. Orelsan, Aurélien ou Orselane est de retour avec « Civilisation », son quatrième album. Selon l’artiste normand, « c’est un album sur ma meuf et la société ». À l’instar d’Épilogue, Orelsan se dévoile davantage sur sa relation amoureuse avec les morceaux Ensemble et Athéna. Des textes imbibés d’amour qui marquent une rupture avec le rappeur de Double Vie ou Finir Mal. Pour certains, ce nouvel opus est décevant, voire trop lisse. Beaucoup pensaient trouver en « Civilisation » une réplique parfaite du Orelsan du début qui parle de ses Soirée[s] Ratée[s], de ses nombreux loupés avec les filles ou encore de ses aventures de jeune adulte avec ses potes de Caen. Ce qu’il faut avoir en tête en écoutant ses nouveaux titres, c’est le changement. Comme le rappeur Sofiane le soulignait à Mehdi Maïzi dans l’émission « Le Code » d’Apple Music : « Il faut être cohérent avec ce que tu vis et qui tu es […], je peux pas avoir le même discours dans mes chansons qu’un mec de 18 ans ». C’est alors tout naturellement que des morceaux comme Baise le monde ou Manifeste ont pris leur place sur le disque. Ses références sont différentes car son quotidien n’a plus rien à voir avec celui qui avait Peur de l’échec.
- Imane Lyafori
Oscillant entre fatalisme et regard bienveillant sur le passé, le rappeur à la mèche blanche soulève les questions auxquelles il apporte ses propres réponses au fil du temps.
Maxime Guillaume sur « Civilisation »
« Une ambiance musicale parfois contradictoire avec les idées exprimées »
Dans un tourbillon de flammes, Orelsan s’entoure d’une bulle d’eau, hermétique à la chaleur extérieure. Le sensei normand nous entraîne dans une promenade urbaine et temporelle où la civilisation humaine se présente sous ses meilleurs jours, mais aussi ses pires. Ses meilleurs, par la description de l’importance vitale qu’occupent ses proches dans sa vie et son équilibre. Ses pires, par la mise en exergue de l’anarchie continuelle dans laquelle se situe la société observée. Le flegmatique lyriciste exprime ses émotions et ses failles, le tout enrobé d’une ambiance musicale parfois contradictoire avec les idées exprimées. Oscillant entre fatalisme et regard bienveillant sur le passé, le rappeur à la mèche blanche soulève les questions auxquelles il apporte ses propres réponses au fil du temps. Finalement, dans tout cet environnement à la rationalité relative, le plus important reste de garder une lumière à laquelle se référer pour avancer. Après trois projets à retracer sa vie, il semblerait bien que « tout se transforme, mais rien ne se perd ».
- Maxime Guillaume
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