Mosaïque

Tawsen, fig­ure mon­tante de la scène musi­cale belge, vient de dévoil­er sa pre­mière mix­tape « Nes­sun Dor­ma ». Un pro­jet de dix titres, sans presta­tion solo, où l’artiste mul­ti­plie les fea­tur­ings : Zam­dane, Lala &Ce, Cap­tain Roshi ou encore Sneazzy. Assis à la ter­rasse d’un restau­rant du 18e arrondisse­ment de Paris, le jeune homme de 24 ans s’est entretenu avec nous pour nous révéler les couliss­es de la créa­tion de ce nou­v­el opus. De sa réal­i­sa­tion, au choix des col­lab­o­ra­tions, en pas­sant par son rap­port à la créa­tion. Tout au long de la lec­ture, décou­vrez les clichés de notre pho­tographe Pierre Ter­raz, cap­turés le jour de la rencontre.

Comme pour être en phase avec l’esprit de son nou­v­el opus, Tawsen se présente, rue Mar­cadet dans le 18e arrondisse­ment de Paris, arbo­rant une petite mine. « Je pense qu’on peut le voir à mes cernes, je suis très fatigué. Je dors très peu. » C’est alors tout naturelle­ment qu’il choisit « Nes­sun Dor­ma » comme titre pour sa nou­velle mix­tape. Si l’artiste accorde beau­coup d’importance aux thé­ma­tiques, un mod­èle qu’il a choisi de suiv­re dès le début de sa car­rière en délivrant une trilo­gie d’EP (« Al War­da », « Al Maw­ja », « Al Naj­ma », NDLR), ce nou­veau pro­jet « Nes­sun Dor­ma » adopte un autre style. 

Tout part d’un célèbre morceau inter­prété par le ténor ital­ien Luciano Pavarot­ti. Tiré de l’opéra « Turan­dot » de Gia­co­mo Puc­ci­ni, « Nes­sun Dor­ma » évoque l’histoire d’une princesse qui refuse d’épouser celui qui lui est des­tiné. Un défi lui est alors lancé : devin­er le nom de son pré­ten­dant et échap­per à cette union qu’elle ne veut pas, ou échouer et se résoudre à l’épouser. Elle exige alors que per­son­ne ne dorme tant que ce nom n’a pas été trou­vé. L’artiste belge en a retenu l’ordre don­né par la jeune femme : « Que per­son­ne ne dorme ! ». Une phrase qui illus­tre son rap­port à la nuit : « Ça traduit une cer­taine réal­ité pour moi puisque quand j’écoute ça, il est qua­tre heure du matin et je suis en train de réfléchir. » Une habi­tude dev­enue son quo­ti­di­en, peu de temps après s’être lancé dans la musique. « C’est aus­si ça mon rythme de vie main­tenant. Depuis que je fais de la musique, je me dis que je ne dois pas dormir. Alors, je ne sors pas du stu­dio tant que je n’ai pas fini une chanson. » 

Place aux newcomers

Cette volon­té de ne pas dormir, de tra­vailler tou­jours plus pour attein­dre ses objec­tifs, reflète l’essence même de cette mix­tape. Fidèle à cet état d’esprit qui le guide, Tawsen se lance dans la con­cep­tion de ce nou­v­el opus avant même la sor­tie de « Al Naj­ma », dernier vol­ume de sa trilo­gie. « Un jour, j’ai pris mon télé­phone et j’ai com­mencé à envoy­er des DM aux gens que j’aimais bien et avec qui j’avais envie de col­la­bor­er. Je suis allé chercher des artistes avec la même men­tal­ité que moi. Je me suis dit que je ne devais pas être le seul à penser comme ça, à avoir la grin­ta. » Il a alors réu­ni des new­com­ers (artiste en développe­ment, NDLR) comme Zam­dane ou Tsew The Kid, tout en invi­tant des rappeurs davan­tage étab­lis comme Matt Hous­ton ou Franglish.

S’il s’est heurté à quelques refus, il ne s’est pas arrêté là pour autant. Après plusieurs mes­sages, les artistes ont com­mencé à défil­er dans son stu­dio en Bel­gique. « C’était très rapi­de. Quand Squid­ji arrivait le matin, Frang­lish débar­quait l’après-midi et ain­si de suite. » De Sneazzy à Cap­tain Roshi en pas­sant par Squid­ji, la mix­tape embar­que l’auditeur vers dif­férents hori­zons à chaque morceau. Un choix que l’artiste définit comme « une envie de [se] bagar­rer avec les autres, de [se] mesur­er à eux. » Avant ça, Tawsen avait pris le par­ti de ne faire aucun fea­tur­ing afin de pou­voir se présen­ter, seul, face au pub­lic. Chose faite à présent.

 « Il ne faut pas dormir sur le rap marocain »

Le mul­ti­cul­tur­al­isme est aus­si ce qui car­ac­térise la musique de l’artiste de 24 ans. Un atout qu’il sait exploiter. Né en Ital­ie, instal­lé en Bel­gique et orig­i­naire du Maroc, Tawsen s’amuse à jon­gler entre ses dif­férentes influ­ences et n’a aucun mal à pass­er d’une langue à une autre. Un aspect prend pour­tant le dessus sur les autres : la musique maro­caine. « Les morceaux comme Safe Sali­na ou Habibati m’ont vrai­ment per­mis d’exploser. Je pense que la scène maro­caine n’est vrai­ment pas un ter­rain à nég­liger. J’ai tou­jours été dans une démarche de représen­ta­tion. Je ne vois pas beau­coup d’artistes français ou belges qui se revendiquent fière­ment comme étant Maghrébins et je trou­ve que c’est quelque chose qui manque aujourd’hui. »

C’est pourquoi col­la­bor­er avec des artistes comme Zam­dane ou Draganov lui est apparu comme une évi­dence. « Il ne faut pas dormir sur le rap maro­cain, ne faites pas cette erreur ! », insiste-t-il en replaçant la capuche de son sweat bleu royal.

Là où on ne l’attend pas

Penser, essen­tielle­ment la nuit, Tawsen y con­sacre beau­coup de temps. L’artiste accorde une atten­tion par­ti­c­ulière au renou­veau. Le meilleur moyen, selon lui, de ne pas tomber dans une rou­tine las­sante et de sus­citer l’attention le plus longtemps pos­si­ble. Pour cela, il a mis au point une tech­nique impa­ra­ble : « Je fais en sorte de ne pas faire ce que les gens atten­dent de moi. J’aime beau­coup rester mys­térieux sur mes prochains morceaux. » Ce qui s’est con­fir­mé quand la track­list de « Nes­sun Dor­ma » a été révélée sur son compte Insta­gram : « Les gens étaient éton­nés de voir Cap­tain Roshi ou Lala &ce, con­state-t-il, un sourire en coin, et c’est là où je me dis que j’ai réus­si à sur­pren­dre tout le monde. »

Un mys­tère qu’il aime cul­tiv­er et dont il joue quand on lui demande s’il souhaite col­la­bor­er avec d’autres artistes à l’avenir. « Dis­iz était dans le même stu­dio que moi au moment où j’enregistrais ma mix­tape. Il est passé nous dire bon­jour. Je me ver­rais bien faire un morceau avec lui mais je préfère le réserv­er pour un album. » Une réu­nion qui pour­rait rap­pel­er un con­cert ayant eu lieu en avril 2019 au Zénith de Paris — La Vil­lette. À l’époque, « Al War­da » fai­sait tout juste son appari­tion sur les plate­formes de stream­ing. Quelques temps après, le chanteur s’é­tait retrou­vé en pre­mière par­tie du « Dizisil­la Tour » à Paris. 

Pour Tawsen, la créa­tion ne s’arrête pas à la sphère musi­cale. Pas­sion­né de mode « peut-être même plus que la musique », le jeune homme voit les choses en grand. « J’adore les vête­ments. D’ailleurs, on est invités à l’un des défilés de la fash­ion week ce soir » (Blue­mar­ble, NDLR), rap­pelle-t-il à son équipe, impa­tient. Quand on lui demande s’il se ver­rait tra­vailler dans le tex­tile plus tard, il répond, sans hésiter : « C’est même sûr, ça fini­ra par arriv­er. » 

La dis­cus­sion s’achève aux abor­ds d’un restau­rant viet­namien où, quelques min­utes plus tôt, l’un des cuisiniers nous invite à pour­suiv­re notre séance pho­to devant une fresque murale. Amusé, le rappeur enchaîne les pos­es devant un drag­on aux écailles dorées. Après quoi, il s’empresse de regag­n­er le restau­rant afin d’y dévor­er son burg­er végé­tarien, com­mandé une heure plus tôt.

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