Après une année 2020 riche d’expérience et couronnée par le succès de sa mixtape « Rage », 7 Jaws dévoile « Je vois les couleurs ». En pleine promotion d’un premier album attendu, le rappeur nous a accordé un échange téléphonique pour évoquer ce projet éclectique qui accueille les performances de Vald, Bigflo et de Captain Roshi. La réussite, son processus d’écriture, son goût pour la culture asiatique, la création de l’album… 7 Jaws se confie à Mosaïque dans un entretien inédit.
Si 7 Jaws a su prouver qu’il était un vrai kicker, l’artiste originaire de Sarrebourg (Moselle) tire aujourd’hui son épingle du jeu grâce à une ouverture artistique peu commune. Comme il le revendiquait dans le morceau Par Ici, issu de sa mixtape « Rage » : « Dire que j’suis un rappeur, c’est réducteur. » Un éclectisme singulier qui prend tout son sens dans le titre de son premier album « Je vois les couleurs », dévoilé vendredi 7 mai 2021.
Après avoir sorti cinq projets depuis 2016, ce premier opus était particulièrement attendu. Depuis quelques semaines, 7 Jaws décroche son téléphone sans arrêt : « La promotion d’un projet, c’est parfois fatiguant car c’est très condensé sur quelques semaines. On doit parler avec énormément de gens. » Pourtant, le jeune homme reste souriant et énergique derrière sa webcam et se livre avec spontanéité.
Un long voyage coloré
Tout au long des 15 tracks, « Je vois les couleurs » déroule un condensé de ce que propose 7 Jaws depuis plusieurs années. Un mélange de sonorités, de flows et de tonalités qui s’accordent autour d’une même rage de vaincre. L’egotrip de certaines phases croisent même mélancolie et recul sur soi. En témoigne cette punchline du titre S Klasse : « J’ai tout préparé, j’vais bientôt démarrer, récupérer la SACEM de Led Zepеllin, c’est chaud j’suis un peu trop émotif, j’vais lui faire unе dinguerie si j’ai le spleen. »
Pour le rappeur, pas question de se reposer sur ses acquis : « Cet album, c’est un long voyage musical d’un an et demi qui s’est terminé par l’envie de rapper. Quand je fais de la musique, je veux tout faire sans demi-mesure. Si je fais un son pop, je le fais à 100 %, pareil pour un son rap ou électro. »
Crédit : DR.
Si 7 Jaws surprend par la diversité de ses choix artistiques, le rappeur concrétise aussi des collaborations évidentes, notamment avec son compère Bigflo sur le titre Rien n’est grave. Le premier featuring solo du rappeur toulousain sans son frère, Oli. Un morceau fort dans lequel les artistes évoquent une expérience qui leur est commune : une mère malade qui a vaincu la maladie. « Ce son est très important pour nous deux. La connexion s’est faite naturellement, on est amis depuis plusieurs années. On en a discuté avec Oli, ça ne l’a pas du tout gêné que son frère fasse un morceau sans lui. Même si on le voit un peu râler dans leur documentaire… » (« Bigflo & Oli : Presque Trop », disponible sur Netflix, NDLR).
Sur cette piste, le rappeur au crâne tatoué n’hésite pas à pousser sa voix en variant les utilisations de l’auto-tune. Un travail de style qui le pousse à diversifier son approche de l’écriture. Il explique : « Pour les sons rap, je vais derrière le micro et j’envoie. Il y a plus de relief et c’est plus spontané. Pour les sons plus chantés, je me pose et je cherche d’abord une mélodie. »
C’est d’ailleurs Sale état, le morceau que 7 Jaws confesse être son préféré du disque, qui témoigne le plus de son ouverture pop et de sa capacité à trouver des toplines et des gimmicks entêtants. Ce tournant artistique incarné par « Je vois les couleurs » sonne finalement comme l’aboutissement d’une année 2020 riche humainement et musicalement.
Crédit : DR.
2020 : « Une vraie aventure »
Entre sa signature en maison de disque, la sortie de deux projets et sa préparation du premier album, 7 Jaws émerge tout juste d’une bulle dans laquelle il semble réellement s’épanouir : « Il s’est passé tellement de choses en 2020. Mon quotidien, ce n’était pas juste d’aller bosser et de rentrer chez moi. C’était vraiment palpitant ! C’est dur de retenir un moment précis de cette année, tellement c’est une vraie aventure. » Pourtant, malgré le succès, l’artiste tient a conserver la tête froide : « Je garde des œillères vis-à-vis du succès. Je suis toujours dans ma chambre à faire des morceaux. J’ai la chance d’être super bien entouré. Ce qui change vraiment, c’est que je rencontre beaucoup plus de monde. »
« Du rap, du métal, de la pop, j’écoute de tout ! En ce moment j’aime beaucoup Charlie XCX. »
- 7 Jaws pour Mosaïque
Des rencontres marquantes comme celle avec le producteur Seezy. En février 2020, les deux hommes collaborent autour de la mixtape « Rage ». Un projet de dix titres qui apparaît comme un avant-goût de « Je vois les couleurs », tant par son identité intimiste, sa cohérence et sa large palette de sonorités. Cette mixtape charnière, 7 Jaws a choisi de l’immortaliser en se faisant tatouer le nom du disque sur son ventre : « J’aime beaucoup ce projet. Il m’évoque pleins de souvenirs, les bons comme les mauvais. Quand je serai vieux, je veux que mes albums soient la discographie de ma vie. »
Fort de ce premier succès commercial, 7 Jaws continue de jongler avec les différents styles et dresse la route de « Dalton », un dernier EP dévoilé en novembre 2020. Dans ce ce projet aux sonorités électro, l’artiste s’amuse. « Ouais ça m’régale », chante-t-il dans le morceau du même nom.
À la source de cet éclectisme : « Du rap, du métal, de la pop, j’écoute de tout ! En ce moment j’aime beaucoup Charlie XCX. » Un peu de tout, et même parfois un peu de rock. Dans l’émission « Fanzine », l’artiste étonne en reprenant le classique du célèbre groupe californien Red Hot Chili Peppers : Under The Bridge. Avec modestie, le Sarrebourgeois se réjouit de ces multiples influences qui lui permettent de se montrer ouvert à son public.
« J’aimerais bien travailler sur des scénarios de mangas. J’ai déjà des contacts avec une dessinatrice, mais ce n’est qu’une idée pour l’instant ! »
- 7 Jaws pour Mosaïque
Alors que l’on pourrait avoir l’impression d’avoir fait le tour, l’artiste nous rappelle son attrait prononcé pour la musique asiatique. Il y a quelques années, un voyage au Japon a « changé sa vie » et l’a poussé à se mettre au rap. Une influence omniprésente dans sa musique, tant dans les références que dans l’esthétique. Preuve à l’appui dans le deuxième épisode de « Rentre Dans le Cercle » où il freestyle : « Si j’veux demain je vais faire un son de K‑Pop. » Vraiment ? « Vous savez, tout est possible ! Je ne me ferme aucune porte », répond-t-il en laissant planer le doute.
« J’aimerais bien travailler sur des scénarios de mangas, précise-t-il finalement. J’ai déjà des contacts avec une dessinatrice, mais ce n’est qu’une idée pour l’instant ! Et puis je n’ai jamais fait trop de featurings, alors je vais m’ouvrir un peu plus maintenant que le projet est terminé. J’ai envie d’aller tenter de nouvelles choses. »
7 Jaws sur l’affiche de son premier concert au Badaboum à Paris. Crédit : Badaboum.paris.
Avant de laisser vivre l’album dans les oreilles des auditeur.rice.s, l’artiste s’est offert une semaine de « Planète Rap » sur Skyrock. Une première dans sa jeune carrière de rappeur, aux côtés de Lujipeka, Tsew the Kid ou encore Souffrance, remarqué pour sa performance. Il se souvient : « J’étais comme un fou. J’en rêvais depuis quinze ans de faire cette émission ! On était limité à dix personnes à cause du Covid, j’aurais ramené tous mes potes sinon. C’était frustrant mais bon, c’était un super moment. »
Débordant d’énergie et de créativité, 7 Jaws affirme un style singulier tout en remettant au goût du jour une écriture introspective, couplée à un flow saillant. Un long chemin artistique vers un premier album qui englobe les influences multiples d’un artiste décomplexé. Avec « Je vois les couleurs », 7 Jaws fait honneur à son pseudonyme, montre les crocs d’un kicker affamé et fait évoluer son art vers de nouvelles sonorités.
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