Mosaïque

Pro­duc­teur, com­pos­i­teur et inter­prète, Alka­kris se classe par­mi les quelques priv­ilégiés qui peu­vent se tar­guer de pou­voir con­stru­ire une œuvre par la seule force de leur créa­tiv­ité et de leurs com­pé­tences. Avec « Loin des yeux », le jeune stras­bour­geois livre un pre­mier album col­oré et s’ap­pro­prie la frénésie de la scène Sound­cloud à tra­vers dix titres. Au télé­phone, il répond avec spon­tanéité à nos ques­tions et tente de pos­er des mots sur ce qu’il aime appel­er : son mood. Ren­con­tre avec un solitaire.

Tu sors aujourd’hui ton pre­mier album : « Loin des yeux ». Quand le proces­sus créatif de ce pro­jet a‑t-il débuté ?

J’ai pré­paré cet album de sep­tem­bre 2020 à jan­vi­er 2021. C’était la ren­trée et je voulais me lancer sur quelque chose de neuf. J’ai évolué musi­cale­ment et je voulais le con­cré­tis­er à tra­vers un pro­jet. Je n’avais qu’un seul son en stock, je suis presque par­ti de zéro. J’ai déjà sor­ti des mix­tapes et des EP, mais je voulais être vrai­ment fier de quelque chose. C’est le disque que j’ai le plus peaufiné, j’ai pris soin des détails, que ce soient mes paroles, le choix de mes instru­men­tales ou le mix de mes morceaux. Je voulais que chaque track soit un voy­age. Beau­coup ont pu me décou­vrir sur le pre­mier morceau de la mix­tape « Tamb­o­ra » de 1863 et j’ai hâte de savoir s’ils pour­ront ren­tr­er dans mon univers et com­pren­dre où je veux les emmener. 

Com­ment as-tu tra­vail­lé sur le projet ?

J’ai tout enreg­istré et com­posé chez moi et j’ai réal­isé le mix­age et le mas­ter­ing. C’était impor­tant que mon pre­mier album soit con­fec­tion­né à 100 % par moi-même. C’est aus­si pour cela que je n’ai pas fait de col­lab­o­ra­tion. Lorsque je suis seul, je crée plus facile­ment. Je me sens plus libre. Je ne con­nais pas encore les ses­sions en stu­dio avec plus de monde, mais je sais que tra­vailler en autonomie me per­met d’être plus con­cen­tré et focus sur ma musique.

Ne risques-tu pas de man­quer de recul sur ton art en restant seul ?

Je me suis entouré de pro­duc­teurs qui ont plus de com­pé­tences que moi pour avoir des retours. Je pense notam­ment à Axel Logan. Je leur ai envoyé l’album une fois ter­miné pour me per­me­t­tre de pro­gress­er sur le plan tech­nique. Je ne mod­i­fie pas pour autant ma créa­tion, mais je note leurs con­seils pour amélior­er mes pro­jets futurs.

Pourquoi « Loin des yeux » ?

« Loin des yeux » parce que « près du cœur ». Il y a une dimen­sion per­son­nelle dans ce nom et c’est ce que j’ai voulu mon­tr­er. L’album est intime, plus près de ce que je suis. Avec ce titre, je voulais aus­si faire référence au fait que je ne suis pas encore con­nu du grand public.

Tu t’exprimes beau­coup plus que sur tes pro­jets précé­dents sur lesquels tu lais­sais d’ailleurs de nom­breux titres sans paroles. Pourquoi ce changement ?

Je par­le plus pour que les gens me con­nais­sent mieux. Je me suis par­ti­c­ulière­ment livré avec « Loin des yeux ». Je pense d’ailleurs faire une pause avant de le refaire autant. Il faut vivre pour racon­ter des choses et je ne veux pas par­ler pour rien. Faire des prods me per­met de con­tin­uer de rester pro­duc­tif mal­gré tout.

Quelle par­tie de toi as-tu voulu montrer ?

Je par­le des rela­tions qui m’interrogent beau­coup. Qu’elles soient ami­cales ou amoureuses. Celles que je vis, mais aus­si celles que j’observe. Je me posais des ques­tions que l’on se pose tous sur le plan rela­tion­nel, et dans l’album, je partage les répons­es que j’ai trouvées.

D’où tiens-tu ce flow si par­ti­c­uli­er, presque murmuré ?

Je suis tou­jours en train de con­stru­ire mon flow. Je décou­vre ce que je peux faire petit à petit. Pour le dévelop­per, je m’inspire unique­ment de ma musique. Mes prods sont hip hop, mais aus­si très alter­na­tives, et je pose naturelle­ment ma voix dessus selon ce qui me vient. Je ne me con­sid­ère pas rappeur. Je ne suis pas assez tech­nique dans mes lyrics et mon approche est dif­férente. Je dirais surtout que j’interprète. Je pour­rais même imag­in­er chanter un jour, mais je n’ai pas encore assez tra­vail­lé ma voix.

Je suis très proche de la trap soul. C’est dans ce genre-là que j’aime créer et que je me sens le mieux. C’est un mélange de hip hop et de soul, mais aus­si de future beats.

Alka­kris

Tu joues avec des sonorités très ron­des et cloud. Com­ment est-ce que tu dessines la musique que tu proposes ?

Je suis très proche de la trap soul. C’est dans ce genre-là que j’aime créer et que je me sens le mieux. C’est un mélange de hip hop et de soul, mais aus­si de future beats. C’est une manière de pro­duire du son que l’on retrou­ve beau­coup sur Sound­cloud et qui peut mix­er de la house ou de la deep house. Ce style me par­le par­ti­c­ulière­ment parce qu’il me per­met de ne pas rester enfer­mer dans une couleur musi­cale. La prod de Nuances du Cœur est un exem­ple de ce que cache le délire Sound­cloud, très riche et imprévis­i­ble. Je peux tester plein de choses et illus­tr­er des moods très diver­si­fiés, tout en gar­dant une unité. Je suis aus­si très ouvert au sam­ple. Dès que je trou­ve une loop qui me par­le, je la récupère et je la façonne à ma manière. C’est d’ailleurs le cas de la boucle de piano sur le pre­mier son : Eole.

Ce pre­mier track se démar­que de toutes les autres pro­duc­tions. Pourquoi avoir choisi un piano nu pour entamer ton album ?

Je voulais pro­pos­er une intro­duc­tion à con­tre-pied pour don­ner le ton. Elle pose un cadre dif­férent de ce qu’on a l’habitude d’entendre. J’ai longtemps hésité avant de la plac­er défini­tive­ment en tête de la track­list parce qu’elle sort de la cohérence musi­cale des autres morceaux, mais j’aimais son élé­gance. Je veux que l’auditeur s’interroge et se dise : « Je vais écouter un album spécial. »

Le morceau Sans Paroles fait le même effet.

Je voulais cass­er les codes d’un album sérieux. Je fais ça unique­ment pour le kiff et j’espère que le pub­lic le sen­ti­ra. J’ai lais­sé tout l’espace à la prod en rajoutant sim­ple­ment ma voix en topline. J’ai enreg­istré ma voix en une seule prise. Le titre fait aus­si office d’interlude pour sépar­er l’album en deux par­ties. Nous retrou­vons beau­coup plus d’auto-tune dans la deux­ième moitié de l’al­bum que dans la pre­mière. C’est quelque chose que je ne fais jamais et je voulais prévenir ce change­ment de mood avec Sans Paroles.

Pourquoi avoir choisi de mod­i­fi­er ton tim­bre cette fois-ci ?

C’est l’un de mes amis qui m’a poussé à utilis­er l’auto-tune. J’ai décou­vert le traite­ment de voix avec cet album et ça m’a sur­pris. C’est math­é­ma­tique et j’ai trou­vé ça sym­pa. Je trou­ve aus­si que c’est de la triche (rires). Tout ce que tu tentes est juste. Je n’en utilis­erai qu’avec parcimonie.

Nous pou­vons enten­dre un cri de loup par­courir l’album. Qu’est-ce qu’il sig­ni­fie pour toi ?

C’est ma sig­na­ture. Dans mes pro­jets précé­dents, j’ai beau­coup repris le lex­ique et l’imagerie du loup et de la meute. J’ai donc choisi ce hurlement comme une mar­que de fab­rique. Elle ressem­ble aus­si beau­coup à celui que l’on entend sur la « don dada mix­tape vol.1 » !

La cov­er de « Loin des yeux » est très épurée. Com­ment l’as-tu pensé ?

Je l’ai réal­isée avec un ami de Stras­bourg (Insta­gram : @beupsss) avec qui je voulais tra­vailler depuis longtemps. Il a ramené un miroir sur lequel je me suis posé et nous avons fait un shoot très sim­ple. Je voulais une pho­to classe qui attire l’œil. J’ai aus­si joué avec l’image du point que l’on retrou­ve partout sur la pochette et sur mon esthé­tique de manière générale. C’est d’ailleurs le nom de l’outro de l’album (Le Point) qui vient con­clure l’album avec une instru­men­tale douce.

Souhaites-tu clip­per cer­tains morceaux ?

Bien sûr. Un pre­mier clip arrive dès la semaine prochaine. Un visuel dans une usine désaf­fec­tée, avec une BMW, un stade de foot… J’ai voulu agencer plusieurs moods qui me représen­tent. J’ai hâte que le pub­lic puisse le découvrir.

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