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Après avoir col­laboré avec des artistes de var­iété ou du rap français, Bam­bi­no lance son pre­mier EP, « Enfant dif­fi­cile ». Un disque sor­ti le 20 novem­bre où la tristesse et l’euphorie se bagar­rent. Entre­tien plein de mélan­col­ie avec l’artiste au sourire infatigable. 

Com­ment es-tu venu à la musique ?

J’étais au con­ser­va­toire quand j’étais petit. À 11 ans, j’avais un copain de l’école de musique qui m’a pro­posé d’enregistrer dans le stu­dio de son père. C’était mag­ique et je prends con­science d’à quel point je kiffe l’ambiance et le tra­vail en stu­dio. Pro­gres­sive­ment, j’ai ren­con­tré des musi­ciens extra­or­di­naires qui n’avaient pas for­cé­ment les mêmes goûts musi­caux que moi. Ils n’avaient pas non plus la même oreille. Comme je suis quelqu’un d’assez curieux, je n’étais pas réfrac­taire à toutes les nou­veautés qu’on me pro­po­sait. Je me suis ouvert à de nou­velles sonorités musi­cales qui nour­ris­sent cet EP. 

Qu’est ce qui a motivé la sor­tie de ce pre­mier projet ? 

Cela fait plusieurs années que je suis dans le son. J’ai col­laboré avec pas mal d’artistes qu’ils soient urbains comme Hayce Lem­si ou de var­iété comme Kend­ji Girac ou Matt Poko­ra. Je pro­dui­sais un peu pour les autres et j’avais envie de mon­tr­er ce que je savais faire. Expos­er mon pro­pre univers artis­tique. C’est d’ailleurs pour cette rai­son qu’au­cun feat ne fig­ure sur l’EP. Il fal­lait que je mon­tre un peu à quoi ressem­blait ma musique avant de me pencher sur des col­lab­o­ra­tions. Mais pour revenir sur la manière de con­stru­ire cet EP… En fait, je suis quelqu’un d’hyper instinc­tif, j’ai une manière de tra­vailler très rapi­de et instan­ta­née. J’agis sans avoir une idée pré­cise de là où je veux aller ou une référence en tête.

As-tu pen­sé la cohérence du pro­jet « Enfant dif­fi­cile »

En réal­ité, je trou­ve que dès que tu es dans la réflex­ion, tu doutes et tu perds de la flu­id­ité. On n’a pas le temps de douter. La spon­tanéité est essen­tielle à la créa­tion, et même dans l’erreur se glis­sent des choses mag­iques. Sou­vent, on réclame aux rappeurs de la cohérence dans leurs albums. Mais si tu es hon­nête avec toi-même, tu n’as pas besoin de la rechercher. Elle s’impose naturelle­ment. Les thèmes qui t’obsèdent vont revenir au fil de la track­list. Chaque titre sera cohérent avec le précé­dent puisqu’il reflétera qui tu es, avec tes com­plex­ités et tes contradictions. 

« Je n’ai jamais écrit un morceau, en vérité ! »

Bam­bi­no

En com­bi­en de temps s’est con­stru­it le projet ?

Les sons dor­maient depuis pas mal de temps dans l’ordinateur de mon main-pro­duceur, Ben, avec qui j’ai gran­di. Des ébauch­es exis­taient. Quand j’ai signé chez Local, mon label, en jan­vi­er, je me suis mis dessus. Je les ai ter­minées au fur et à mesure. Le pro­jet a été bouclé en moins d’un mois environ. 

Quelle est ta méth­ode d’écriture ?

Je n’ai jamais écrit un morceau, en vérité. Je m’enferme dans ma cab­ine et je fais ma topline. J’écris phrase par phrase en me calant sur le rythme. Je n’aime pas écrire sur une feuille ou sur le bloc-notes de mon télé­phone. D’ailleurs, je ne pos­sède aucun texte dedans. Ce n’est qu’une fois que j’ai enreg­istré les morceaux que je recopie les paroles. C’est un peu long d’ailleurs. (rires)

J’ai col­laboré avec pas mal d’artistes qui bos­saient comme ça. Et je sais que Jay‑Z ou Lil Wayne com­posent beau­coup de cette façon. Ils font tourn­er des phras­es et des sonorités et le morceau se con­stru­it petit à petit. Une fois que le bébé est né, je cor­rige un mot ou un autre en réé­coutant. C’est un peu comme un pein­tre qui bal­ance pleins de couleurs sur sa toile et affine son tableau à la fin. Le titre 365 a lui aus­si été ecrit de cette façon. 

Quels sont les artistes qui t’ont influencé ?

Quand j’étais gamin, j’écoutais Mice David, Michael Jack­son, Boo­ba ou Bill With­ers. Je suis vrai­ment quelqu’un qui kiffe autant la bossa nova que du jazz à la Bob­by Mc Fer­rin. Désor­mais, j’écoute moins de musique. Quand je sors du stu­dio, j’en ressens moins le désir. J’aime bien la phrase de Sting qui dit : « Par­fois, la meilleure musique est le silence. »

Toi l’instinctif, que pens­es-tu de l’évolution de l’industrie de la musique qui per­met à un artiste de ne plus être dépen­dant de dates de sor­tie ou de moyens lourds de production ? 

Je suis hyper sen­si­ble à cette dynamique de partager un son le plus vite pos­si­ble. C’est mag­ique de pou­voir être vite au con­tact du pub­lic pour savoir si le morceau plaît. Dans ce sens, je trou­ve que Jul est le miroir par­fait de l’évolution des moyens de con­som­ma­tion. Je me recon­nais dans son côté instinc­tif. Quand il veut partager un son, il le bal­ance. Sa musique est folle. Ça pue le sud. Et il dit des vrais trucs, con­traire­ment à ce que cer­tains peu­vent en dire !

« Je suis un peu un clown triste »

Bam­bi­no

Quelles sont tes ambi­tions pour la suite ?

Mon rêve ultime est d’acheter une mai­son pour tous les mem­bres de ma famille. 

Et musi­cale­ment ? 

Tout sim­ple­ment, ça va kékra ! (rires) Mon ambi­tion est de faire pass­er, à tra­vers ma musique, des bons moments aux gens. Je ne promeus pas la vio­lence. Mon but est de faire naître des sourires. Comme tous ceux qui ten­tent d’apporter un peu de gai­eté autour d’eux. Je suis un peu clown triste.

D’où vient cette mélancolie ?

Quand j’étais petit, ma famille démé­nageait beau­coup. Je n’ai pas fon­cière­ment gardé d’amis d’enfance. Même si elle est rem­plie de moments tristes, je trou­ve que c’est la péri­ode la plus fasci­nante de l’existence. Tu pos­es un regard qui rend les choses plus belles. Je suis très nos­tal­gique de cette époque. Tous ces bruits et ces odeurs de cour d’école, je ne les retrou­vais plus. D’ailleurs, quand tu échanges avec une per­son­ne âgée, elle te par­le le plus sou­vent de son enfance. Le plus triste est peut-être de per­dre cette insouciance. 

L’as-tu per­du ? 

J’essaie de garder mon âme d’enfant, mais quand tu observes ce qu’il se passe dans le monde, tu perds cette vision enfan­tine. Quand tu sors en bas de ton bâti­ment et que tu vois des enfants aban­don­nés dehors parce que c’est trop petit chez eux, que tu vois leurs par­ents dépassés, quand tu observes les dif­fi­cultés dans les quartiers… Chaque gou­verne­ment recou­vre les prob­lé­ma­tiques avec du sable pour qu’on ne voit plus la merde, mais la mis­ère est là. Et le pire étant que toi, tu ne peux pas aider tout le monde !

Avant d’aider les autres, il faut déjà s’aider soi-même. Tu es obligé de laiss­er des gens der­rière toi. Demain, si tu te noies et que tu veux espér­er sauver la per­son­ne à tes côtés, il faut d’abord mon­ter sur le bateau pour espér­er lui ten­dre la main. C’est terrible !

Si les gens qui ont une vie meilleure fai­saient un pas vers ceux qui ont une exis­tence plus dif­fi­cile, il n’y aurait pas autant de mis­ère. Mais quand tu n’as pas vécu dans une cité, c’est très com­pliqué de se représen­ter la réal­ité. Demain, si mes goss­es gran­dis­sent dans le 7e ou le 16e arrondisse­ment à Paris, auront-ils con­science d’aller aider ne serait-ce qu’une famille à Saint-Denis ? J’espère ! C’est un peu utopiste, mais ça fait par­fois du bien de l’être.

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