Mosaïque

Débar­qué il y a main­tenant deux ans dans les oreilles du grand pub­lic, Mous­sa est l’un de ces artistes inclass­ables, insai­siss­ables. Avec son nou­v­el EP « Sur­face », sor­ti le 30 avril, le chanteur parisien donne un peu plus de pro­fondeur à son univers. 

 

Pour présen­ter Mous­sa, il est néces­saire de com­mencer par la voix, instru­ment prin­ci­pal d’un univers musi­cal exo­tique. Légère­ment mod­i­fiée, mais pour­tant chaude et envoû­tante, elle donne aux mots qu’il chante une réso­nance par­ti­c­ulière. Ils vien­nent ensuite se pos­er sur des mélodies aéri­ennes et dis­tor­dues. Le tout générale­ment découpé par une ryth­mique lente et apaisante. 

Avec une dizaine de sin­gles à son act­if, et quelques col­lab­o­ra­tions ici et là, Mous­sa réin­vente les fron­tières du rap. De ses instru­men­tales à ses textes, en pas­sant par sa manière de chan­ton­ner, l’œuvre de Mous­sa est à son image : métis­sée.  Sa musique est le fruit d’une ren­con­tre entre les cul­tures rap, pop et élec­tro. Un savant mélange issu directe­ment de son par­cours personnel.

 

 

Éponge musicale

Nan­tais d’origine, Mous­sa a beau­coup bougé. Un par­cours en zigzag qui nour­rit sa musique et son univers. Pen­dant un temps, il a été beat­mak­er à Lyon pour des amis rappeurs. Une cas­quette qu’il garde puisqu’il pro­duit tou­jours la plu­part de ses instru­men­tales lais­sant tout de même une place impor­tante à Mer­wan Had­da­di sur son dernier EP.

Après Lyon, direc­tion Bor­deaux. Il écrit et accom­pa­gne, pen­dant un temps, le groupe Odezenne. Il est d’ailleurs présent en fea­tur­ing sur le titre James Blunt et à la prod du morceau En L avec le groupe. Une voix non­cha­lante, presque chan­tée, un son à la croisée du rock, du rap, et de l’électro. Un cer­tain nom­bre de codes du groupe bor­de­lais se retrou­vent dans la musique de Moussa.

 

 

Pour finir ce périple, Mous­sa atter­rit finale­ment à Paris. Il se met en colo­ca­tion avec des mem­bres de l’Ordre Col­lec­tif. Un groupe hétéro­clite, com­posé de musi­ciens, de réal­isa­teurs et d’artistes en tous gen­res. Il réalis­eront finale­ment la plu­part de ses clips. Cet envi­ron­nement a prob­a­ble­ment mar­qué l’écriture de Mous­sa, par­ti­c­ulière­ment imprégnée d’une forte imagerie.

 

« C’est l’été, grand ciel bleu comme dans Akira. On s’était endormis dans la lumière matinale. » (Bleu Ciel)

Franchise et singularité

Avec une dizaine de sin­gles sor­tie en deux ans, le chanteur parisien a peu à peu étof­fé son univers. Paroles emmêlées, suc­ces­sions d’images fortes jux­ta­posées, il n’est pas tou­jours aisé de com­pren­dre le mes­sage de Mous­sa. Pour­tant, plusieurs écoutes déga­gent finale­ment les traits d’un per­son­nage aux mul­ti­ples facettes. Joyeuse­ment dés­abusé, comme « coincé dans une dystopie. » Mous­sa racon­te crû­ment sa vie et ses émotions.

Avec les filles comme avec le reste, Mous­sa joue la fran­chise. « J’ai pas de papil­lons dans l’esto-mac. J’sais que j’su­is mort si je me laisse t’aimer » (Dou­ble Vue), répète-il dans les morceaux Dou­ble Vue et Lou Fer­rig­no.

Ce franc-par­ler et cette démarche musi­cale unique font de Mous­sa un artiste à part. Un artiste libre et décon­nec­té du fonc­tion­nement clas­sique de l’industrie musi­cale. Il donne l’impression de faire de la musique plus par pas­sion que par recherche de reconnaissance.

 

« Tard la nuit j’fume un perso, Ils disent que demain j’vais percer. Moi demain j’sais pas où j’dors, À part chanter comme un rouge-gorge. » (Les Oiseaux)

 

Mous­sa ne fonc­tionne pas avec les codes de l’industrie. Il n’hésite pas à lâch­er un EP de seule­ment trois titres et un inter­lude un mer­cre­di soir, sans réelle pro­mo­tion. De la même manière, il peut laiss­er par­ler ses instru­ments pen­dant plus de la moitié d’un morceau, sans craintes. Chez Mous­sa, l’artistique prime sur le reste.

 

 

La face cachée de l’iceberg

Avec ce nou­v­el EP « Sur­face », enreg­istré l’été dernier, Mous­sa vient appuy­er les traits d’un per­son­nage déjà bien affir­mé. Il insiste encore plus sur sa sin­gu­lar­ité et son envie d’indépendance. Un sen­ti­ment qui se traduit même par une forme de décalage. « J’me sens d’là-bas, j’vous sens d’i­ci », lance-t-il pour ouvrir le pre­mier morceau de son EP « Sur­face ». Les références à l’étranger sont d’ailleurs nom­breuses. Le morceau Bleu Ciel, en fea­tur­ing avec la chanteuse Nice, est le réc­it d’une rela­tion à dis­tance, Mous­sa ayant vis­i­ble­ment pris le large. Des pays comme le Zaïre ou le Sier­ra Leone sont égale­ment évo­qués dans le pro­jet, comme pour appuy­er l’exotisme des influ­ences du chanteur. Peut-être aus­si pour rap­pel­er des orig­ines lointaines ?

 

Cov­er de « Sur­face », le pre­mier EP de Mous­sa. Crédit : @yanis.lordre.

 

Autre aspect abor­dé en fil­igrane dans le pro­jet : l’enfance. Une péri­ode qui sem­ble avoir été com­pliquée pour le chanteur, obligé de cacher sa vie famil­iale aux autres enfants ain­si qu’à son amoureuse de l’époque. La faute à un père vio­lent et à une pau­vreté inavouable.« J’pense à l’tuer quand j’fais des pom­pes. Tombe pas amoureuse, j’suis une bombe », avoue-t-il sur le morceau éponyme Sur­face. Une sit­u­a­tion qui l’isole et le rend nerveux. D’autant plus qu’a l’école, il doit affron­ter le regard des autres et le racisme. Alors par­fois, il craque :« J’ai tou­jours du mal avec les autres. Fal­lait pas m’traiter d’sale arabe. J’te nique ta grand-mère sous l’préau. » On saisit alors encore plus l’origine de son isole­ment et sa néces­sité de con­stru­ire un monde à part, dans lequel il se sent « à l’aise comme un glaçon dans l’eau ».

 

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