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Les fans de la pre­mière heure le savent, l’album « État d’esprit » de S.Pri Noir, qui sort ven­dre­di 17 avril, était atten­du depuis 2012. À l’époque, le rappeur pub­lie une net-tape (mix­tape disponible exclu­sive­ment en ligne) inti­t­ulée « En atten­dant État d’esprit ». Il annonçait alors le titre de son pre­mier album. Pour­tant en mai 2018, c’est sous le nom « Masque blanc » qu’il ver­ra le jour. Une étape inter­mé­di­aire dont S.Pri Noir n’a pu s’affranchir. Un album qui sonne comme un par­cours vers l’affirmation de son iden­tité et de son art. Retour sur « Masque Blanc », un pro­jet à la hau­teur du génie de son auteur. 

 

Pochette de l’al­bum « Masque Blanc ». Crédit : Fifou.

 

« Masque blanc, c’est la playlist de ma vie » déclare S.Pri Noir à la sor­tie du pro­jet, très atten­du à l’époque. Album éclec­tique autant musi­cale­ment que thé­ma­tique­ment, l’artiste fait tomber le masque et se livre. De la haine à l’amour, du rejet à l’accep­ta­tion, de la soumis­sion à la révolte : cet album, c’est l’his­toire d’un par­cours et d’une iden­tité révélée.

Au bout du par­cours : la lumière que regarde au loin le rappeur sur le visuel de la cov­er réal­isée par Fifou. Une lueur d’espoir pour un esprit noir. Noir et révolté à l’image du titre Nyméria qui ouvre l’album : « Révo­lu­tion­naire, masque à gaz, veste cam­ou­flée, man j’t’invite à voir réelle­ment ce que l’État nous fait ». Le décor est plan­té. Il est temps pour lui d’exor­cis­er ses angoiss­es et de trou­ver la paix.

 

« Dans mon cerveau, tout est black »

 

S.Pri Noir débar­que sous les traits de Nyméria. Une lou­ve géante adop­tée par Arya Stark dans la série « Games of Thrones ». Au fil des épisodes, elle s’émancipe de la tutelle de sa maîtresse. À son image, S.Pri Noir s’affranchit de ses démons au fil des chan­sons. 22 sons pour affirmer son iden­tité masquée par le système.

 

 

Avec « Masque blanc », l’artiste rend hom­mage au célèbre essay­iste et psy­chi­a­tre Frantz Fanon. Auteur du livre « Peau noire, masques blancs », ce révo­lu­tion­naire a analysé les con­séquences psy­chologiques de la coloni­sa­tion et du racisme sur les rap­ports entre l’homme noir et l’homme blanc. Il remet en ques­tion la néces­sité pour l’homme noir de s’appro­prier les codes de l’occi­dent pour pou­voir s’inté­gr­er.

Devoir porter un masque blanc alors que « dans mon cerveau, tout est black » (Higlan­der). Un para­doxe douloureux dont S.Pri Noir a fait l’expéri­ence : « depuis tout petit, on nous fait sen­tir cette dif­férence » (pour « Alo­hanews »). Un racisme mis en avant par Nek­feu dans Juste pour voir, le fea­tur­ing phare du pro­jet : « C’est la finance qui tire les ficelles de la démoc­ra­tie. Et moi, j’suis blanc, donc béné­fi­ci­aire de leur sys­tème raciste ».

Le fan­tôme de l’oppres­sion du peu­ple noir hante l’album. Sur High­lander, S.Pri Noir exprime sa ran­cune « Je n’oublierais jamais toutes les colonies, le mal que la France a fait à l’Afrique » ou ses angoiss­es sur Jujit­su : « Dans mes pires cauchemars, tous les esclaves chantent à l’unis­son, ce que l’on com­mence, nous le finis­sons. Je suis un Noir haute déf­i­ni­tion ». L’esthé­tique musi­cale de l’album est guidée par des nuances clair obscur où le blanc et le noir se mélan­gent, s’affron­tent et s’accor­dent.

 

L’éclectisme pour esthétique

 

Dans ce fra­cas de couleurs, l’artiste invite les musiques du monde. Du Sénégal à l’Écosse, de l’Algérie aux États-Unis, de Cuba à la Jamaïque, les sonorités et les langues se répon­dent et accom­pa­g­nent l’affran­chisse­ment de S.Pri Noir.

La corne­muse écos­saise sur High­lander ouvre la voie aux influ­ences améri­caines des titres Mid­dle Fin­ger et Michael Jack­son. Nemir nous berce à l’ori­en­tal sur le refrain de Mon crew avant de laiss­er les rythmes dance­hall et sal­sa pren­dre le relai sur Baby­Gyal ou Chico. Ce tour du monde musi­cal atteint son apogée au Sénégal.

Un retour mélan­col­ique au pays d’orig­ine de l’artiste à tra­vers la voix envoûtante de Viviane Chi­did (cho­riste de Yous­sou N’dour) sur Seck. Un titre mer­veilleux qui retrace le par­cours de la mère du rappeur, une jeune séné­galaise de 14 ans qui quitte son pays natal pour rejoin­dre la France. Un art du sto­ry­telling que l’on retrou­ve sur le titre La belle est la bête il met en scène les espoirs brisés d’une jeune femme qui tente de s’émanciper. 

Sur ce pro­jet, S.Pri Noir kicke autant qu’il chante et dénonce autant qu’il ambiance. Som­bre et lumineux, noir et blanc, mélan­col­ique et dansant, « Masque Blanc » est un album venu d’ici et d’ailleurs. Deux ans plus tard, cer­ti­fié disque d’or, lalbum résonne encore.

 

Pochette de l’al­bum « Etat d’e­sprit » prob­a­ble­ment inspirée du film « The new mutants ». Crédit : Fifou.

 

Sur la nou­velle pochette de son deux­ième album, S.Pri Noir est recou­vert d’un masque blanc. Une pos­si­ble référence au film « The New Mutants » atten­du pour 2020 qui met en scène des mutants devenus dan­gereux lorsqu’ils décou­vrent leur pou­voir. Avec son pre­mier album, S.Pri Noir a décou­vert le sien. Affranchi de son « Masque Blanc », S.Pri Noir libère son « Etat d’Esprit » le 17 avril. 

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