Mosaïque

Depuis son arrivée dans le rap game en 2013, Jul s’est imposé grâce à une pro­duc­tiv­ité excep­tion­nelle et une déter­mi­na­tion hors-norme. Zoom sur un tal­ent unique.

 

Adoubé par son pub­lic, validé par le milieu, capa­ble d’envoyer qua­tre sons dans la nuit comme un feat avec le foot­balleur Ben­jamin Mendy (défenseur de Man­ches­ter City qui évolu­ait à l’Olympique de Mar­seille lors de la sor­tie de Qu’est-ce qui se passe), Jul a lit­térale­ment con­quis le rap game depuis ses pre­miers pas sur la scène publique en 2013. Devenu une référence, il s’impose désor­mais comme le vendeur numéro un du rap français et a inscrit son nom au pan­théon. En gar­dant la tête froide sur son 125.

 

« Je pourrais chanter sur d’la variété ou du Benny Benassi »

IAM, Keny Arkana, le Rat Luciano ont su plac­er la cité phocéenne sur la carte du rap hexag­o­nal. Alon­zo et Sopra­no l’ont lais­sé per­dur­er, enchaî­nant hits et tubes jusqu’à plus soif. Mais pour que Mar­seille con­cur­rence la cap­i­tale ques­tion hip-hop, il fal­lait un digne héri­ti­er à Akhen­aton et toute sa bande pour pour­suiv­re la tra­di­tion. Dans ce cock­tail de tal­ents et de sonorités, Jul s’est frayé un chemin pour pren­dre une place à part, maîtrisant désor­mais plusieurs styles en gar­dant recul et humilité.

Depuis le « kick » dont il avait fait son cheval de bataille inau­gur­al pour traduire sa rage, le mar­seil­lais a pro­gressé. Addi­tion­nant clas­siques et sons de boîte, sonorités calmes, avec et sans auto-tune, il empile désor­mais les albums et les récompenses.

Pro­tools est son ami et Jul le lui rend bien. Il n’a évidem­ment pas lâché les freestyles, débar­quant en masse chez Fred de Sky pour fendre le plateau et explos­er un énième record : celui du plus long freestyle sur Planète Rap. Avec une pro­duc­tion de 43 min­utes lors de la pro­mo­tion de son album « Rien 100 Rien », Jul a ain­si pris le meilleur sur Vald et Niska, lesquels com­plè­tent le podi­um. Un record moins bling-bling que celui des ventes, mais qui prou­ve encore sa pugnacité.

 

« J’serais degun sans l’rap »

Entre pas­sion pour le son et mis­sions en maçon­ner­ie (un domaine dans lequel il a tra­vail­lé pen­dant un an), Julien Mari voy­ait dans la musique un chemin vers le suc­cès. Il le répète dans ses textes et se remé­more fréquem­ment les freestyles à quinze dans sa cham­bre où tous ses potes pas­saient au mic.

Ces moments d’amitié ont façon­né son univers musi­cal : Jul sait d’où il vient. Il rappe le quarti­er devenant ‑mal­gré lui peut-être- un porte-parole de son monde. Il le souligne notam­ment dans l’un de ses Planète Rap (Freestyle part. 8) : « J’écris mon texte, oui j’grat­te, c’est pour tous les fran­gins qui squat­tent [… ] aucune con­nex­ion j’me mélange pas c’est pour ça dans les clips tu vois pas trop ma tête ». Il a gardé cette prox­im­ité avec sa « zone » et la revendique. Il y puise ain­si ses inspi­ra­tions, ameu­tant les siens sur la cov­er de « Je ne me vois pas briller » et dans cer­tains clips comme Coups de Genou.

 

Crédit : Cov­er de l’al­bum « Je ne me vois pas briller ».

 

« J’vais remplir Bercy ma team ils attendent ça »

De « mer­cé » (pour mer­ci) à la désig­na­tion récur­rente de la « team » en pas­sant par son signe devenu plané­taire, les références à celui qui se fai­sait d’abord appel­er Juliano mon pote sont nombreuses.

Et si Jul con­tin­ue la musique, c’est pour sa team. C’est aus­si pour elle qu’il a voulu rem­plir Bercy et qu’il a finale­ment réus­si à rem­plir le Vélo­drome (où il avait bossé comme stadier), soit trois fois plus en terme d’affluence.

De stadier pour l’OM à stade plein, tu vois le thème ? Évidem­ment, son suc­cès a amené un afflux de haters. De la revue Soci­ety qui le renomme « le rappeur bouil­l­abaisse » à ceux qui mul­ti­plient les dia­tribes sur ses capac­ités en orthographe. Cela a créé chez lui une cer­taine méfi­ance envers les médias, qu’il évite.

Il l’avait d’ailleurs expliqué au mag­a­zine R.A.P. R&B : « À chaque fois que je fais des inter­views, les gens défor­ment ce que je dis ». Il a récem­ment ajouté ne pas se sen­tir lui-même devant les caméras. Depuis le rappeur a pris le pli. Il a notam­ment offert un long for­mat au Parisien et une inter­view chez Mouloud Achour. Mais reste discret.

 

« J’ai fait 8 disques d’or, je les ai jamais fêtés »

Une chose est claire et les chiffres l’évoquent, Jul empile les dis­tinc­tions, à l’im­age de son album « My World » (2015), cer­ti­fié disque de dia­mant. Excusez du peu. Le nom de son label « D’Or et de Pla­tine » rap­pelle sa fâcheuse capac­ité à glan­er les hon­neurs. Label qu’il avait créé après avoir dû quit­ter Liga One Indus­try, société qui l’avait remar­qué puis cat­a­pulté sur le devant de la scène.

Par­ti en mau­vais ter­mes de Liga One, Jul s’était relancé en solo et réfugié dans l’écriture, envoy­ant d’abord Je perds mon self-con­trol puis une flopée de titres. Depuis, Julien s’est imposé, a lancé sa mar­que et ouvert son label que le rappeur Moubarak a inté­gré. « Moubz­er » est sous la coupe de Jul qui veut désor­mais per­me­t­tre à des rappeurs promet­teurs de pren­dre place dans le milieu.

 

« À Miami avec mes dernières Nike, les gens m’disent : t’es bon que derrière le mic »

Pour s’assurer du tal­ent de celui qui était apparu lors de la pro­mo­tion de la nou­velle sai­son de la Casa de Papel, il faut finale­ment savoir ce qu’en pense le milieu. Et dif­fi­cile d’y voir une ombre au tableau. Les détracteurs sont peu nom­breux. Il y a ceux qui n’écoutent pas vrai­ment mais qui respectent comme Ken­ny Arkana (« Je suis con­tente pour Jul. Musi­cale­ment, ce n’est pas mon délire mais je com­prends ce que les gens aiment chez lui » sur Melty) et ceux qui valident.

Boo­ba avait pronos­tiqué qu’il vendrait plus que lui, nom­breux ensuite sont ceux à avoir eu des mots élo­gieux. Soolk­ing expli­quait à RapGhet­to : « Jul est en mode Play, chicha, le micro qui boite et il te sort des Hits » pen­dant que Nin­ho con­fi­ait à Rapunch­line : « Dans ma playlist je mets Tchiki­ta ». Jul est fréquem­ment sol­lic­ité pour des fea­tur­ings et il n’est pas rare de le voir appa­raître sur d’autres pro­jets de pois­sons, plus ou moins gros, du rap. Soolk­ing est le dernier en date, Sopra­no, Nin­ho, Gradur, Maître Gims, Heuss l’Enfoiré, Maes, Landy, ou encore SCH font aus­si par­tie de la liste à ral­longe. Costaud.

 

« Chez moi rien n’a changé, j’ai toujours mon survêt, mes Asics. »

En bref, Jul est devenu incon­tourn­able sur la scène rap et sur le plan médi­a­tique en abat­tant un boulot mon­strueux et en gar­dant le cap. Il fait légitime­ment par­tie du très haut du panier et il va fal­loir s’agiter pour ten­ter de déloger le pre­mier type à s’être assis sur un trône, Asics Quan­tum aux pieds. Surtout que le rappeur reste ambitieux : « J’veux ven­dre 110 mil­lions d’CD comme John­ny Hal­ly­day ». Il en reste donc 106 millions.