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Pour dévelop­per son tal­ent comme on développe une pho­togra­phie à l’ar­gen­tique, 6osy a fait le choix de se plonger dans le noir. Celui dont le nom de scène se prononce « Bosy » met au jour des sou­venirs enfouis qu’il a voulu cap­tur­er dans son troisième EP de six titres, dif­fusé le ven­dre­di 19 févri­er 2021 : « Argen­tique » . Ren­con­tre avec le jeune rappeur lyon­nais de 23 ans, quelques jours avant la sor­tie offi­cielle de son projet. 

Com­ment te sens-tu à lapproche de la sor­tie de ton EP ?

J’ai hâte parce que je sens un engoue­ment dif­férent. Les gens ont l’air ent­hou­si­astes. Avec le pre­mier extrait Cobain, le pub­lic a pu voir mon évo­lu­tion au niveau des prods, de ma voix et de mon univers.

Ce pro­jet mon­tre un change­ment vers un univers plus obscur. Com­ment as-tu créé « Argentique » ? 

Le beat­maler Kodgy m’a envoyé la prod de Cobain que j’ai adorée. Les sonorités m’ont vrai­ment frap­pées. Ce titre a été le déclic pour « Argen­tique ». J’ai com­pris que c’était ce style de musique que je voulais faire depuis longtemps, mais je ne savais pas encore com­ment le faire. 

Com­ment as-tu réus­si à met­tre en place cette nou­velle atmosphère ?

Je me suis entouré de nou­velles per­son­nes. Pour mon deux­ième pro­jet « Lubies », j’avais tra­vail­lé avec un seul pro­duc­teur : Pry­mus. J’ai récem­ment rejoint le col­lec­tif DIGITALWAV qui est com­posé d’artistes, de beat­mak­ers et de graphistes. J’ai donc col­laboré avec de nou­veaux com­pos­i­teurs. Le col­lec­tif m’a aidé à aller dans un univers plus som­bre et mélan­col­ique. J’ai égale­ment pris con­fi­ance en moi. J’enregistre seul dans mon apparte­ment et j’essaye de tester de nou­velles choses parce que je suis plus à l’aise. 

Pour révéler des pho­togra­phies à l’argentique, il faut que ce soit fait dans une cham­bre noire. J’aime beau­coup l’idée de révéler ses sou­venirs cachés une fois plongé dans le noir, lorsque tu es seul. Ce sont ces sou­venirs que j’ai voulu racon­ter dans les morceaux.

- 6osy.

Le con­cept d’« Argen­tique » était-il décidé avant de com­mencer à créer ?

C’est un con­cept que j’ai en tête depuis un moment, même avant « Lubies » (Son deux­ième EP, NDLR). Pour révéler des pho­togra­phies à l’argentique, il faut que ce soit fait dans une cham­bre noire. J’aime beau­coup l’idée de révéler ses sou­venirs cachés une fois plongé dans le noir, lorsque tu es seul. Ce sont ces sou­venirs que j’ai voulu racon­ter dans les morceaux. La mélan­col­ie était l’ambiance qui s’adaptait le mieux.

Tu as voulu cap­tur­er des moments de ta vie ?

L’EP représente plusieurs moments de mon exis­tence que j’ai romancés. Mais dans l’ensemble, il incar­ne l’hiver que j’ai vécu. J’écris tou­jours les sons par rap­port à ce que je vis sur l’instant présent. Au moment de la con­cep­tion du pro­jet, j’ai ren­con­tré beau­coup de monde. Ce sont les ren­con­tres qui me mar­quent et dont je me sers pour écrire. 

Tu expliques que le pro­jet est « une pho­togra­phie de toutes tes peines et tes sen­ti­ments ». Avais-tu besoin de te livrer ? 

J’ai racon­té des his­toires plus sen­ti­men­tales. Le son Phone, je l’ai écrit juste après une ren­con­tre. Écrire les choses, ça me per­met de les extéri­oris­er, ce que je ne fais pas dans la vie de tous les jours. Je suis plutôt réservé au quo­ti­di­en. Je me sens libre quand je fais de la musique. 

Sur la pochette juste­ment, tu restes dis­cret. Pourquoi avoir fait le choix de ne pas te montrer ? 

La cov­er a été réal­isée à l’argentique. Pour coller au con­cept des sou­venirs cachés à l’intérieur de l’EP, je ne souhaitais pas laiss­er appa­raître mon vis­age entière­ment. Je voulais que ce soit sug­ges­tif, comme des sou­venirs effacés dont j’aimerais me débar­rass­er. La cov­er rap­pelle ce sen­ti­ment d’effacement. Nous avons fait un set up avec du papi­er cel­lo­phane et nous avons mis des coups dedans pour qu’il soit un peu abîmé, à l’im­age de la mémoire qui s’altère avec le temps. 

Es-tu par­venu à te débar­rass­er de tes sou­venirs avec cet EP ? 

Claire­ment. Le son Phone, c’est un sou­venir qui restera cap­turé dans le morceau, mais qui est sor­ti de ma tête. Finale­ment, la musique est thérapeu­tique. Ce sont des choses que j’aurais gardées en moi autrement. 

On peut remar­quer que tu utilis­es du sound design. Est-ce quelque chose que tu as envie de développer ? 

C’est un effet que je voulais depuis le début pour dynamiser les morceaux. Les tran­si­tions sont aus­si soignées et lient les sons entre eux pour que l’auditeur ne perde pas le fil. Je voulais que le pro­jet puisse s’écouter de A à Z, même si les titres s’écoutent très bien séparément.

Je suis quelqu’un de très exigeant quand je fais de la musique. « Argen­tique », c’est celui de mes trois pro­jets que j’ai le plus écouté pen­dant la con­cep­tion. Je me suis vu pro­gress­er. C’est en tout cas l’EP dont je suis le plus fier musi­cale­ment parlant.

- 6osy.

« Argen­tique » est aus­si locca­sion pour toi de partager le micro avec Vinss et Bupro­pi­on sur Cobain ain­si qu’avec Bat­boy sur Bag. Ce sont tes pre­miers fea­tur­ings sor­tis sur les plate­formes. Pourquoi maintenant ? 

Avant, je voulais m’affirmer seul pour mon­tr­er mon poten­tiel. C’est le fait d’entrer dans le col­lec­tif DIGITALWAV qui m’a per­mis de faire ces con­nex­ions. Ils en fai­saient déjà par­tie donc les col­lab­o­ra­tions étaient assez évi­dentes. J’ai envie de faire de plus en plus de fea­tur­ings, mais il ne faut pas les forcer. Ce sont des oppor­tu­nités qui vien­nent naturellement. 

Qu’est-ce que tu as écouté pen­dant la créa­tion d’« Argentique » ? 

Je n’écoute pas tant de sons que ça, étrange­ment. J’écoute ce que font mes potes… J’étais telle­ment focus dans mon truc que finale­ment, je n’écoutais que ma musique. D’ailleurs, je kiffe enten­dre mes sons lorsqu’ils ne sont pas sor­tis. Une fois qu’ils sont pub­liés, je n’arrive pas à les réécouter. 

Pourquoi ? 

Comme je donne ce que j’ai fait aux gens, ça ne m’appartient plus et je passe à autre chose. Je ne reviens sur aucun de mes pro­jets. Aus­si parce que c’est là que je visu­alise les défauts de ce que j’ai enreg­istré et j’ai ten­dance à me remet­tre en ques­tion. Je suis quelqu’un de très exigeant quand je fais de la musique. « Argen­tique », c’est celui que j’ai le plus écouté des trois pen­dant la con­cep­tion. Je me suis vu pro­gress­er. C’est en tout cas l’EP dont je suis le plus fier musi­cale­ment parlant.

Pens­es-tu à sor­tir des for­mats plus longs ?

Le prochain pro­jet sera plus long. Un dix titres sûre­ment. En atten­dant, j’espère qu’« Argen­tique » va être bien reçu pour que les gens soient, par la suite, récep­tifs à un for­mat plus exhaus­tif. J’ai déjà des idées et des prods pour le suiv­ant, mais j’ai besoin de temps et de me vider la tête pour ne pas être trop influ­encé par ce que je viens de produire.

Tu es orig­i­naire de Lyon. Pens­es-tu que la ville va simplanter dans le paysage du rap français ? 

C’est une ville avec beau­coup de poten­tiel et qui va faire par­ler d’elle. Les styles y sont très divers, à l’image du rap qui se démoc­ra­tise en France.

Qui suis-tu de près à Lyon ?

Je pense d’abord à Arsaphe, avec qui j’étais en stu­dio tout à l’heure. C’est un artiste très poly­va­lent. J’ai aus­si un pote qui s’appelle Squall‑p. C’est lui qui m’a fait com­mencer le son. 

Y‑a-t-il des artistes dont tu te sens proche sur la scène rap actuelle ? 

Cap­tain Roshi me donne beau­coup de force parce que l’on se con­naît depuis l’époque de Sound­cloud. J’aimerais beau­coup faire du son avec lui à l’avenir. Même chose pour Squid­ji, avec qui j’avais déjà col­laboré il y a trois ans.

Tu dis­ais ne pas souhaiter vivre de ta musique. Avec lengoue­ment que tu perçois en ce moment autour de toi, est-ce tou­jours d’actualité ? 

Cet engoue­ment m’a fait réfléchir. Je me rends compte que les gens m’écoutent. Si je peux en vivre un jour, ce sera incroy­able. Aujourd’hui, je suis en qua­trième année d’école d’ingénieur agroal­i­men­taire à Lyon. Je vais aller au bout de mes études pour sécuris­er mes arrières, mais si des oppor­tu­nités s’offrent à moi, je n’hésiterai sûre­ment pas. 

L’EP « Argen­tique » de 6osy est disponible sur toutes les plateformes. 

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