Mosaïque

Par Cécil­ia Jeanne-Rose

-Épisode 1-

 

Sou­vent perçue comme berceau de l’internationalité, il n’est pas éton­nant que ce soit en terre suisse qu’ait émergée la Super­wak Clique. Au sein de ce col­lec­tif est célébré la cul­ture hip-hop dans toute sa var­iété. Rappeurs, pro­duc­teurs, vidéastes et mêmes design­ers y lais­sent libre cours à leurs créativités.

 

Avec la Super­walk Clique, le plu­ral­isme cul­turel de la Suisse s’ex­prime dans toute sa splen­deur. Chaque mem­bre est libre de s’exprimer dans la langue de son choix comme sur le morceau bb meurs dans mes bras. L’anglais de DeWolph, orig­i­naire du Roy­aume-Uni, se mêle naturelle­ment au français de Slim­ka, Mairo et Dae­jmiy. Au même titre, l’argot suisse et les ter­mes emprun­tés aux divers­es langues par­lées se mélan­gent indif­férem­ment. L’authenticité pour­rait être le seul leit­mo­tiv de la Super­Wak Clique. 

 

Cov­er du sin­gle bb meurs dans mes bras.

 

 

Le syncrétisme comme seul mot d’ordre

Avec l’adjectif « super » accolé au mot « wak », leur nom résonne comme un oxy­more. Le nom « wak » est  une expres­sion anglaise qui peut sig­ni­fi­er « très bizarre » ou encore « paumé ». Et comme cette phrase énon­cée si fière­ment Makala dans Gun Love Fic­tion : « C’est pas seule­ment wak, n’oubliez pas qu’c’est super ». Le résul­tat d’une asso­ci­a­tion impens­able qui con­stitue l’essence même du col­lec­tif. À savoir l’ambition de se trou­ver là où ne les attend pas, de laiss­er une trace indélé­bile sur leur pas­sage. Ne jamais subir la mar­gin­al­ité à laque­lle on souhait­erait les assign­er mais bien assumer leur inadéqua­tion à la norme, la curiosité de leur car­ac­tère. Ils revendiquent fière­ment leur altérité. 

 

« C’est pas seulement wak, n’oubliez pas qu’c’est super » — Gun Love Fiction, Makala

 

C’est pré­cisé­ment cet état d’e­sprit qui a éveil­lé l’in­térêt de Col­ors Records. Dès 2013, les prin­ci­pales pro­duc­tions de Makala et Var­nish La Piscine étaient signés par ce label indépen­dant, qui n’ont pas tardé à entraîn­er avec eux d’autres mem­bres de l’équipage Super­wak pour des col­lab­o­ra­tions durables.

Quant aux asso­ci­a­tions à l’intérieur de l’équipe, elles ne sont régies par aucune règle pré-établie. Les artistes choi­sis­sent puis gravi­tent autour des pro­jets comme des élec­trons libres, mul­ti­pli­ant les com­bi­naisons pos­si­bles. Cer­tains cepen­dant se retrou­vent plus sou­vent sur des pro­jets com­muns de telle sorte de nous appa­raître qua­si indis­so­cia­bles. Ils ren­forçent ain­si davan­tage l’i­den­tité du crew : tel est le cas du duo Di-meh et Natas3000, son vidéaste de prédilec­tion qui signe la majorité de ses clips, de la fusion Makala et Var­nish La Piscine, ou encore du trio Slim­ka, Di-meh et Makala plus con­nu sous le nom d’Xtrm Boyz.

 

La triade Xtrm Boyz

We Love Green 2018. Un des artistes pro­gram­més décom­mande. Sans doute la meilleure nou­velle de la journée puisque débar­quent alors en rem­place­ment Makala, Slim­ka et Di-meh. Ces derniers s’emparent d’une des scènes du fes­ti­val en plein air qui se révèle très vite bien trop petite et insuff­isante pour con­tenir l’énergie dégagée par le trio. 

Une pas­sion de la scène qu’ils réitèrent quelques mois plus tard à la Machine du Moulin Rouge. Si l’union est évi­dente, ce n’est pas jamais au détri­ment des indi­vid­u­al­ités. Cha­cun garde sa spé­cial­ité et son ter­ri­toire bien mar­qué sans faire de l’ombre à l’autre.

 

Xtrm Boyz en con­cert. Crédit : Rémy Grandroques.

 

Au rythme d’un Slim­ka pas­sant des aigus maîtrisés en voix de tête aux graves avec une facil­ité décon­cer­tante, la gestuelle et les pas de dans­es de Makala accom­pa­g­nent sa voix suave.

Aus­si diver­si­fié que le trio, le pub­lic est au ren­dez-vous. La foule trans­portée scan­de les paroles de tous les morceaux et les télé­phones dressés se font rel­a­tive­ment rares, préférés enfouis dans les poches pour résis­ter à l’ardeur des pogos qui se multiplient.

 

La Super­wak­Clique a su ain­si séduire au sein du ter­ri­toire suisse comme au-delà : La recette de la scène genevoise est sans doute celle du suc­cès. Un suc­cès pérenne dans le milieu d’un rap fran­coph­o­ne floris­sant et con­cur­ren­tiel où la Super­wak clique, après six ans de pro­jets au style inim­itable, s’est inscrite pour dur­er.