Par Thibaud Hue
De la misère au succès, de l’ombre du hall à la lumière de la scène, entre Namek et la planète terre, le flow solaire des deux frères navigue sur le Kinto’un. Ce nuage magique, qui transporte le héros du manga « Dragon Ball », les emmène en balade dans le clip PNL. Pourtant, avant de quitter le système solaire, ils avaient bien les pieds sur terre.
Têtes baissées, joints à la main encore fumant, Tarik et Nabil ont le coeur brûlant. Ils rêvent grand mais le monde en a décidé autrement. Condamnés à dealer chaque jour, l’union fraternel fait la force pour s’en sortir : « On s’est dit, c’est l’heure d’les baiser, si on fusionnait chi » (Deux frères). À la manière des personnages de Son Gokû et Vegeta dans « Dragon Ball » qui s’unissent pour former Gogeta, un être surpuissant, ils ont choisi d’allier leur force pour conquérir le monde en duo.
« À bout de souffle, ma haine me redonne de l’oxygène », souffle N.O.S (Le Monde ou rien). La colère comme moteur, ils veulent « juste le M ». Ce symbole qui apparaît dans « Dragon Ball » signifie « Majin » (« démon » en japonais). Il s’inscrit sur le front des personnages que le sorcier Babidi veut manipuler. Ceux qu’ils envoûtent deviennent plus forts et plus violents. PNL revendique de nombreuses fois arborer ce « M sur le front » (Chang). Alors que « l’ascenseur (social, ndlr) est en panne au paradis » (Le Monde ou Rien), ils n’ont pas d’autres choix que de se laisser consumer par la haine pour se battre et s’élever socialement à la force des bras.
Vegeta, mythique personnage du manga de Akira Toriyama, est d’ailleurs le seul personnage capable de résister à la puissance du « M » et à l’aura de Babidi. Très présent dans leur texte, il est un véritable modèle aux yeux d’Ademo et N.O.S qui s’inspirent de sa combativité. Son affrontement avec le personnage Cell est d’ailleurs évoqué comme une démonstration de force dans le titre Simba : « Écartez les pucelles, Vegeta encule Cell ».
À la fois allié et ennemi, Vegeta fait figure d’anti-héros dans « Dragon Ball ». Il en est de même pour le duo PNL : des anciens dealers qui réunissent aujourd’hui des centaines de milliers de fans autour de leur musique.
« On prendra la tour à Dendé »
Pour faire un pas vers la réussite, Ademo explique vouloir de la « maille comme Kaïo » (Menace), le maître de Son Gokû. Pourtant, les deux frères partent de loin et confessent avoir les poches vides dans « Le Monde Chico » : « Je pense au biff, j’suis pas blindé, j’suis pas cooler » (Le M). Il se distinguent de Cooler, un personnage de « Dragon Ball » à l’armure métallique « blindée ».
Cette quête de l’argent et de la réussite sociale n’a qu’un seul but : « on prendra l’terrain, prendra la tour à Dendé » (Rebenga). Nouvelle référence à « Dragon Ball », ce sanctuaire est le Palais de Dieu, situé à plusieurs centaines de kilomètres au dessus du sol. Dieu peut ainsi y surveiller les humains. Il est occupé par Dendé, un personnage venant de la planète Namek ramené par Son Gokû. Il compare ce palais à « une tour », c’est à dire à l’immeuble qu’ils habitent à Corbeil-Essonnes, dans le quartier des Tarterêts.
Autrement dit, PNL veut dominer le monde et cela par n’importe quel moyen. Prêts à consacrer de longues années au trafic pour aider les leurs, ils mettent en avant la notion du sacrifice à travers l’univers du manga « Bleach » de Tite Kubo : « La rue c’est ma go, j’ai l’démon comme Bleach » (Celsius). Le personnage principal Ichigo Kuroskaki accepte de devenir un Shinigami (un dieu de la mort) pour protéger sa famille d’un Hollow (un esprit corrompu).
Ademo compare ici la rue avec une femme (« une go ») pour confier l’attachement qu’il lui voue. « Go » est aussi la dernière syllabe du nom du héros de « Bleach » : Ichigo, qui signifie « protéger » en japonais.
Après quatre albums, les deux frères sont allés au bout de leurs ambitions et le monde est conquis sans avoir eu besoin de compter les grammes. Ils confient :« J’compte les zéros sur l’chèque, j’me transforme en Saiyan » (Déconnecté). La richesse leur confère désormais la puissance d’un Saiyan de « Dragon Ball », une race de combattant à l’apparence humaine à laquelle appartient Végéta. Ils mènent ainsi un train de vie bien plus confortable, à la manière de Eikichi Onizuka : « Un plat d’otoro, j’pars en bécane. J’vagabonde partout comme Eikichi » (Shemue). L’otoro est un plat luxueux de thon rouge qui se fait rare au Japon. Le personnage d’Eikichi en déguste dans l’un des épisodes du manga « GTO » (Great Teacher Onizuka).
Onizuka est une figure incontournable de l’œuvre de PNL. Ancien chef d’un gang de motard respecté, il choisit de se ranger pour devenir professeur. Comme Onizuka qui s’est éloigné des Yazuka (la mafia japonaise) pour enseigner dans une école, le duo a quitté le trafic de drogue pour la scène.
« Dans un game, dans un putain d’jeu »
Devenus des artistes reconnus, ils confient être rentrés « dans un game, dans un putain d’jeu. Dans un ouh, dans un merdier » (Ryuk). Ademo et N.O.S se mettent ici dans la peau de Light Yagami, héros du manga « Death Note ». Ce lycéen se retrouve en possession d’un carnet qui lui permet de tuer quelqu’un en écrivant son nom sur les pages.
Omnibulé, il ne parvient plus à se passer de ce pouvoir de vie et de mort qui lui a été confié. Ce carnet était auparavant la propriété de Ryuk, le dieu de la mort qui donne son nom au morceau. Comme Light, les deux frères se retrouvent prisonniers du jeu de la célébrité, après avoir reçu le pouvoir du génie artistique.
Ils se mettent alors en quête d’une nouvelle terre, dans laquelle la notoriété n’interfère plus dans leur quotidien. À l’abri des opportunistes et des humains, dans lesquels ils ne se reconnaissent plus :« J’suis dans un monde d’hypocrite » (Humain). Cet eldorado, c’est Namek. N.O.S évoquait déjà cette planète de l’univers de « Dragon Ball » dans « Le Monde Chico » :Wesh les mecs, c’est quand qu’on s’arrête ? J’ouvre un terrain sur la planète Namek » (Dans la soucoupe).
S’évader sur Namek
À la fin de leur troisième album, « Dans la légende », Tarik et Nabil font leurs valises et s’éloignent :« J’voulais le monde, aujourd’hui je veux jongler avec. Demain j’lui pisse dessus et j’pars sur Namek » (Uranus). Décollage autorisé. Dans les verres fumés de leurs lunettes de soleil, la planète terre s’éloigne.
Trois ans plus tard, les deux frères ont quitté le système solaire. Désormais seuls, ils coupent le moteur de la fusée et se laisse dériver.
« Kaiji, Kaiji, Vegeta, Tekashi, Eikichi, Ryuji ou Gon, c’est mon tah qui agit », planant dans l’immensité spatiale, ils laissent résonner leurs références mangas dans le morceau Menace (« Akira », « Dragon Ball », « GTO », « Hunter x Hunter »).
Pendant que la soucoupe se pose sur Namek, le duo peut déguster son succès, à l’écart de la lumière terrienne braquée sur lui. Déconnectés, ils continuent la balade : « J’quitte Namek, con-continuez à parler sur oim » (Déconnecté). Même en leur absence, le monde continue de parler de PNL. Légendaire.