En 2004, Rohff encourage ses semblables à saisir leur chance avec son single Ça fait plaisir. Un conseil qui marquera la jeune Sandra Gomes. À la fois photographe, rédactrice en chef du média Nanas Benz et podcasteuse, elle a décidé d’oser se jeter dans le vide pour ne vivre que de sa passion. Témoignage.
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Sandra Gomes
« Oser signifie ne pas douter. En tant qu’entrepreneuse, le doute fait partie de mon quotidien. Pourtant, dès que je n’y prête pas attention, la magie opère. Je me bats pour ne pas être parasitée par un manque de confiance ou ce que les autres pensent et font. Tu réussis à oser lorsque tu t’affranchis de toutes tes peurs. J’ai commencé à travailler très jeune avec un patron, des missions et un salaire qui tombait tous les mois. J’étais dans un circuit. Humainement, ça ne me convenait pas et à vingt-quatre ans je savais que je n’avais plus envie de continuer. En travaillant pour un autre, je contribuais juste à le rendre plus riche.
Avoir osé quitter ce monde m’offre une tranquillité d’esprit. Le jour où je ne serai plus épanouie, je retrouverai un travail. Ce qui compte le plus c’est mon bien-être, ma santé mentale et mon envie de continuer. Le contexte dans lequel j’ai grandi a été déterminant. Mon père était maçon et ma mère aide-soignante. Ils ne se sont jamais demandés si exercer un métier par goût était envisageable. Lorsque tu es dans l’urgence financière, tu es au centime près, nourri par ton faible salaire et les aides de l’État. Tu ne cherches pas à savoir ce que tu aimes car le travail est alimentaire.
Sandra Gomes : « Être indépendante a un prix et implique que mon chemin sera plus long »
Le jour où j’ai compris que malgré cette situation, je pouvais choisir une voie, prendre du plaisir dans le travail et aider des personnes dans le même cas que moi, j’ai décidé d’oser. À mes yeux, ceux qui vivaient de leur passion étaient des privilégiés qui avaient une certaine sécurité, ne serait-ce que familiale. Ils pouvaient prendre le risque de tenter et d’échouer. Le métier d’artiste est surtout précaire. Je me suis lancée dans l’inconnu, sans savoir si j’allais être payée ou tout simplement si j’allais plaire. Pour oser, il est aussi primordial de rester dans le réel. Le but n’est pas de se sacrifier ou de tout miser. J’avais un toit sur la tête et un chômage de côté en cas d’échec.
Être indépendante a un prix et implique que mon chemin sera plus long, plus difficile mais je préfère la manière plutôt que le résultat. Si personne n’apprécie mon art, je ne vais pas en vivre mais je ne veux pas l’orienter dans le but de plaire. Je suis fière de porter mes valeurs au niveau professionnel. Beaucoup d’artistes que j’apprécie ont un parcours « indépendant ». Ils ont trouvé leur public en restant proches de leurs idées. Ça ne veut pas dire qu’il faut travailler seul, je me nourris de mes rencontres mais je n’oublie jamais ma vision. J’ai choisi d’évoluer dans la musique, ce n’est pas anodin.
Sandra Gomes
Au début des années 2000, le rap n’était pas mainstream. Tu étais stigmatisé selon ton milieu social, tes vêtements, ton niveau de vie. J’ai été scolarisée dans des établissements où je faisais partie du groupe des dix cas sociaux. On était surnommés les racailles, assimilés à beaucoup de violence alors qu’on ne faisait qu’écouter de la musique. Elle a été le moyen de trouver des gens qui me ressemblent. Par exemple, c’est adulte que je me suis rendue compte de l’impact de Nessbeal, Sinik et Diams ou encore de « La fierté des nôtres » de Rohff dans ma vie.
Le temps d’un album ou d’une chanson je n’avais plus honte de qui j’étais, ni d’où je venais. Je salue la volonté de la nouvelle génération, qui ose être singulière et créer sans concession. Aujourd’hui, avec un ordinateur et internet tu peux apprendre à faire des prods, sampler, mettre du vocoder sur ta voix. Tu as plus d’outils pour créer et diffuser ta musique mais aussi plus de liberté. Se rendre à Paris pour signer un contrat n’est plus obligatoire. Sur Distrokid, tu peux distribuer ta musique seul. C’est une manière de rendre la création moins élitiste.
Sandra Gomes : « Au début, je n’étais pas à l’aise parce que je n’avais pas les codes »
Lorsque j’ai commencé à être photographe, j’ai dû me rendre à Paris. Au début, je n’étais pas à l’aise parce que je n’avais pas les codes. J’essayais de faire des efforts pour me faire respecter et socialiser. J’aime les gens mais pas les mondanités. J’ai le souvenir d’être allée voir un showcase de 13 Block, habillée sobrement avec des baskets. À l’entrée, on m’a reproché de ne pas être en talons. Même si j’ai pu rentrer, on m’a fait comprendre que j’avais eu une faveur.
Paris aime le rap mais seulement avec des paillettes. Il faut aller à toutes les soirées, boire des verres, dérouler son CV à peine après avoir fait connaissance. Je ne sais pas faire ça. Maintenant que j’ai un peu plus d’expérience, je force le trait pour montrer que je ne suis pas parisienne. Le fait que Lyon devienne de plus en plus crédible dans le paysage rap me fait plaisir car cela signifie qu’on nous demandera moins de nous travestir.»
- Sandra Gomes pour Mosaïque
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