Mosaïque

En novem­bre 2021, le rappeur Coel­ho a livré « Un jour de plus », le pre­mier EP d’une trilo­gie. Mosaïque l’a ren­con­tré pour la sor­tie ce 29 avril du deux­ième opus « Un jour de moins ». L’œuvre d’un acharné, flir­tant avec l’introspection et l’allégresse. Quelques heures seule­ment avant sa pre­mière par­tie de Kemm­ler au bar nan­tais Le Fer­railleur, nous avons dis­cuté le temps d’un verre avec l’artiste, avant d’être rejoint.e.s par son pro­duc­teur Be Dar et son ami IPNDEGO. Entre­tien avec Coel­ho.


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Ton prochain projet « Un jour de moins » sera disponible dans quelques jours, comment te sens-tu ?

Je suis sim­ple­ment pressé de le sor­tir, d’en par­ler, de le défendre sur scène. On était un peu dans le rush sur la fin du pro­jet, c’est un peu notre défaut pour le moment. Mais je suis con­tent, à la fois des titres, de notre tra­vail et des feats. On a un con­cert ce soir où l’on va jouer des sons inédits. Je dirais presque que j’ai envie de les inter­préter davan­tage pour nous que pour le public.


À la sortie de ton dernier EP « Un jour de plus », tu disais vouloir faire une trilogie avec 5 titres par projet. Or,  « Un jour de moins » compte 12 tracks. Que s’est-il passé ?

À l’origine, j’avais prévu d’enregistrer quinze titres, à sépar­er en trois EP. C’est de cette manière qu’est né « Un jour de plus ». Après sa sor­tie, j’ai réal­isé que je ne le con­sid­érais même pas comme un pro­jet à part entière, mais davan­tage comme une tran­si­tion. En par­al­lèle, on com­mençait à réu­nir plus de cinq titres. Tout naturelle­ment, j’imaginais 14 tracks pour ce nou­veau pro­jet, dont trois avec la voix de Neefa (Intro, Out­ro, Inter­lude). Finale­ment, on ne la retrou­ve que pour l’interlude Noneefi­ca­tion. On s’est accordé sur le fait qu’elle s’im­brique mieux.

Prévoir une trilo­gie implique néces­saire­ment des change­ments mais je con­nais générale­ment la direc­tion qu’on va pren­dre. J’ai déjà prévu les visuels qui représen­tent les rou­tines incon­tourn­ables de chaque journée. La cov­er de l’EP « Un jour de plus », en vio­let, sym­bol­ise le réveil. Ce nou­v­el EP, « Un jour de moins », en vert, incar­ne le moment de la toi­lette, et enfin le prochain, « Un jour sans fin » dans les tons orangés, sera dédié au repas. Les cov­ers illus­trent le pro­pos des titres, d’où cette idée de rou­tine épuisante. Je ne suis pas triste, loin de là, mais créer une trilo­gie m’oblige à créer une ambiance. En espérant qu’ « Un jour sans fin » per­me­t­tra d’en sor­tir. À l’image du film « Un jour sans fin » dans lequel le héros, s’en libère après s’être remis en ques­tion pour devenir la meilleure ver­sion de lui-même. 

Pourquoi la question du temps est-elle aussi centrale dans ta trilogie ? 

Je pense que si tu es con­nu tu peux rap­per toute ta vie tant que tu aimes ta musique. Mais pour être con­nu, je crois qu’il y a une dead­line. Il faut avoir la force de con­tin­uer sans vivre de ta pas­sion. Dans Mau­dit, je dis que je suis dans un marathon car je rappe depuis longtemps et je garde un rythme de sor­tie con­stant. Je suis aus­si dans une course con­tre la mon­tre parce qu’à un cer­tain âge tu te fais rat­trap­er par la vie, les respon­s­abil­ités, les envies. Lorsque tu vis de ta musique, tu fais de ta car­rière une priorité. 

Tu évoques toujours ton envie irrépressible de vivre de ton art mais moins sous le prisme de tes petits boulots alimentaires. Te consacres-tu pleinement à la musique ? 

Grâce à ces petits boulots, je suis actuelle­ment au chô­mage et j’essaye d’avoir l’intermittence. Pen­dant sept ans, je me suis con­sacré à des taffs que je n’aimais pas, alors je me suis presque promis de ne pas y retourn­er. À présent, je peux me dédi­er entière­ment à la musique et con­stru­ire ma car­rière. Par con­tre, les années à venir vont être décisives.

Dans le morceau Maudit, tu dis aussi : « Plus les années passent, moins j’ai le temps de partir ailleurs ». Justement, te faudra-t-il quitter Nantes pour réussir à vivre de ton art ?

Ce n’est pas seule­ment par rap­port à la recon­nais­sance. J’ai vécu toute ma vie ici et je rappe depuis la sec­onde même si les pre­mières années ne sont pas sérieuses. Ce que je fais aujour­d’hui, je le fais dans la même ville. Je prends donc du plaisir à bouger, me ren­dre à Paris, ren­con­tr­er de nou­velles per­son­nes. Mon équipe de tra­vail est là-bas, Merkus et Tunisiano, d’autres pro­duc­teurs, d’autres rappeurs. Pour les clips, je suis allé ren­con­tr­er un réal­isa­teur à Mon­tréal. L’environnement musi­cal Hip Hop à Nantes, je le con­nais. Les mem­bres des insti­tu­tions Pick Up, Hip Opses­sion, Big City Life, Krumpp… Je les con­nais humaine­ment et les rappeurs les plus instal­lés c’est pareil. 

J’hésite par­fois à démé­nag­er mais au bout de deux semaines à Paris, j’en ai marre. J’ai en tête de vivre ailleurs un moment. Pour­tant, à Nantes, il y a encore tout à faire. Avoir une audi­ence sur inter­net est dif­férent d’avoir des audi­teurs qui se ren­dent à l’un de tes con­certs. Avec le Covid, on n’a pas eu le temps de jauger l’impact qu’on a pu avoir avec « Odyssée » et « Se7en ». J’ai juste l’impression qu’il faut qu’on m’é­coute ailleurs pour être plus écouté ici. Je veux être un rappeur français qui vient de Nantes. Les gens ne vien­dront pas nous chercher, il vaut mieux aller à leur ren­con­tre à Paris par exemple.

Selon toi, la ville de Nantes a‑t-elle la capacité de faire éclore une véritable scène rap ? 

Elle a autant de chances que toutes les autres villes. Il y a des jeunes, des équipes motivées. Main­tenant, il y a égale­ment les stu­dios de Krumpp et ATMA. Tout est donc favor­able à ce qu’une scène émerge. Par con­tre, je trou­ve que les artistes pensent qu’ils peu­vent se faire con­naître à grande échelle en se focal­isant seule­ment sur notre région. J’ai plutôt l’impression que c’est comme aux États-Unis. Je regarde le youtubeur Tales From The Click. Il par­le d’ac­teurs qui finis­sent tous par aller à Los Ange­les ou à New York.

Il faut par­fois aller faire des ren­con­tres à Paris pour que ce soit con­cret, c’est incon­tourn­able. C’est à Paris qu’on a obtenu des sig­na­tures, des gross­es opéra­tions de pro­mo­tion, il n’y a pas de secret. La preuve : même les rappeurs mar­seil­lais sont signés dans des labels parisiens. J’espère égale­ment qu’on ouvri­ra les portes pour d’autres Nan­tais, pour met­tre Nantes sur la carte et en faire une ville active. 

Lors du Grünt Talks à Nantes, en octobre dernier, tu affirmais proposer une musique hybride, à mi-chemin entre RnB et rap, d’où vient cette envie de ne pas te cloisonner et de tenter le chant sur des morceaux comme Le Temps d’un Verre ou Ton cœur ne suffit plus ?

RnB c’est un grand mot mais j’ai tou­jours écouté des artistes qui s’en rap­prochaient. La pre­mière fois que j’ai saigné un artiste, c’était Fifty Cent. La mélodie et le chant avaient déjà une place impor­tante. J’ai aus­si décou­vert Sex­ion d’As­saut, Boo­ba, Drake, Kendrick. C’est se fer­mer une porte que de ne pas créer de mélodies. Même si je ne m’estime pas être le meilleur chanteur du monde, je con­nais ma gamme et les notes que je peux tenir en con­cert. J’essaie de faire les refrains les plus entê­tants pos­si­ble. Il faut presque que je me force pour choisir de rap­per un refrain plutôt que de le chanter.

Tu cites toujours des influences différentes, de Kendrick Lamar à OVO en passant par Solange Knowles. Comment les retranscris-tu ? 

Juste­ment, elles m’inspirent mais je ne les retran­scris pas toutes. « Van­ités » était un écart entre Kendrick, Sam­pha, Solange, Frank Ocean, avec aus­si du rap aux sonorités rock. J’aime beau­coup ce mélange mais ça par­tait dans tous les sens et ce n’est pas ce que j’ai envie de faire sur la durée. Ça ne me per­met pas d’avoir une iden­tité musi­cale définie. Les artistes que j’écoute ont leur pro­pre pat­te. Je n’ai pas besoin de toutes leurs éner­gies pour avoir la mienne. Elle se pré­cise avec le tra­vail et les années. 

Pourquoi avoir invité IPNDEGO qui était déjà sur « Un jour de plus » ?

Il s’est récem­ment mis à chanter en français et j’ai accroché lorsqu’il a com­mencé à tra­vailler avec mon frère. Il ne pré­tend pas faire du RnB à l’ancienne mais s’inscrit dans la vibe actuelle. C’est une posi­tion qui est facile­ment inté­grable dans ma musique parce que je chante, mais avec une approche bien dif­férente. Il vient de sign­er sur le même label que moi (Mezoued records, label de Tunisiano, NDLR).  En stu­dio on a une alchimie, ça me paraît être une évi­dence. Et surtout, je l’apprécie humaine­ment (rires de IPNDEGO qui est présent autour de la table). Il fait par­tie de mon entourage proche. Avoir un feat avec lui, c’est comme avoir Vin­cent à la prod. Je suis très fier de nos titres et je trou­ve Pour cette vie encore meilleur qu’Un peu de temps. Je serai aus­si sur son pro­jet qui sort en juin.

« Un jour de moins » présente aussi un featuring avec l’émouvant Tuerie. Comment est né le titre ?

J’ai décou­vert « Bleu Gospel » grâce aux recom­man­da­tions de Meh­di Maïizi et Neefa. Intrigué, je suis allé écouter. Quelle claque ! Son pro­jet est hon­nête, bien écrit, musi­cal, bien mixé. Les clips sont cools. Je ne lui trou­vais aucun défaut. Puisqu’il avait l’air acces­si­ble, je l’ai con­tac­té. On s’est ren­con­trés en stu­dio à Paris en févri­er. J’avais déjà la prod mais on peinait à créer le morceau. Alors, on a offert à Tuerie la pos­si­bil­ité d’avoir plusieurs voix en changeant la prod. Il m’a dit : « Pour m’avoir entière­ment sur un feat, il faut que tu me per­me­ttes de mon­tr­er mes dif­férentes facettes ». Je ne suis pas habitué à boss­er avec des gens que je con­nais pas et pour­tant je trou­ve que Mes névros­es est la preuve d’une belle alchimie. Sa per­for­mance se rap­proche de ce que j’ai appré­cié sur « Bleu Gospel ».

Le morceau Petit frère est un hommage à ton frère aîné Be Dar, qui a produit presque intégralement chacun de tes projets depuis « Philadelphia ». À quel point est-il présent dans ton processus de création? 

Il a tra­vail­lé sur presque l’intégralité des titres et puis KCIV, le DJ de Lujipeka, Seezy et Sel­man Faris de Don Dada, se sont rajoutés à la boucle. Vin­cent (nom de nais­sance de Be Dar, NDLR) est repassé pour faire quelques retouch­es. En résumé, il s’occupe surtout de la DA pour que le pro­jet reste cohérent. En ce qui con­cerne Seezy, il a entière­ment retapé des morceaux qui se prê­taient moins à l’univers de mon frère.

Tu collabores souvent avec le même entourage : Slasher Vision pour les clips, Juxe en tant qu’ingénieur du son, ton frère pour les productions et Tade pour les visuels. Pourquoi conserver cet entourage 100% nantais ?

Ce n’est pas le pre­mier entourage avec lequel j’ai tra­vail­lé. J’ai surtout com­mencé avec mon frère puis on a ren­con­tré de nom­breux ingé son avant Juxe. Con­cer­nant le graphisme, j’ai tou­jours eu Tade. J’ai fait appel aux vidéastes de Slash­er pen­dant quelques temps, même si je ne me ferme pas de portes pour aller vers quelqu’un d’autre, et revenir vers eux plus tard. Une fois que tu trou­ves un ingé son et un graphiste qui te com­pren­nent, qui arrivent à te faire avancer dans ta démarche, avec qui les échanges sont flu­ides, en général tu ne changes pas.

Ce ne sont pas des postes faciles à trou­ver, en tout cas pour qu’il y ait un vrai feel­ing, une vraie cohé­sion et une vraie envie d’aller dans la même direc­tion. Tant que ça marche, je ne vois pas pourquoi je chang­erais d’équipe. Il ne faut pas se fer­mer au fait de ren­con­tr­er des nou­velles per­son­nes, des nou­veaux col­lab­o­ra­teurs mais quand ton envi­ron­nement te con­vient, tu le con­serves évidemment.

La suite pour toi, c’est le troisième opus : « Un jour sans fin » ?

La suite est bien enten­du « Un jour sans fin », qui pour être hon­nête ne ver­ra pas le jour avant l’année prochaine. C’est une trilo­gie donc je ne peux pas me per­me­t­tre d’être absent trop longtemps. Mais j’aimerais qu’on mette en avant « Un jour de moins » sur le reste de l’an­née avec peut-être quelques sor­ties en atten­dant, tout en étant pro­gram­mé pour faire des con­certs. On envis­age déjà une date en sep­tem­bre à Paris. 

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