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Après avoir affûté ses com­po­si­tions aux côtés de Dis­iz, Ryan Kof­fi tra­vaille désor­mais main dans la main avec le rappeur Luid­ji dont il vient de pro­duire l’EP « Bos­co­lo Exe­dra », sor­ti le 23 octo­bre 2020. Jeune messin (Metz) de 21 ans, il se dis­tingue comme une fig­ure promet­teuse de la pro­duc­tion musi­cale française. Ren­con­tre avec un créatif mélancolique.

Tu es con­tent des retours de l’EP ?

Je ne sais pas com­ment en être plus sat­is­fait. Nous avons visé dans le mille, les retours dépassent nos attentes. Ce qui est cool avec notre musique, c’est que nous n’avons pas for­cé­ment besoin de com­mu­ni­quer sur le fait que cela soit une suite logique avec « Tristesse busi­ness : sai­son 1 ». Le pub­lic est très réceptif.

Il y a 5 titres sur l’EP. Pourquoi as-tu insisté pour que Némir soit présent ? Il devait à l’origine pos­er sur le morceau Manège, mais il est finale­ment crédité sur Mau­vaise nou­velle.

Il faut savoir que j’ai com­posé cette prod il y a longtemps. Elle date de 2018 et elle était à l’origine pour Boo­ba. J’avais un ami qui avait un place­ment pour lui, il m’a envoyé la mélodie et j’y ai ajouté des drums, mais elle n’a finale­ment pas plue. Depuis, je l’ai reprise com­plète­ment et je l’ai pro­posé à Luid­ji. Nous avions une idée de topline depuis plus d’un an. Elle était jolie mais nous ne savions pas qui allait la chanter.

Lorsque je l’ai ressor­tie pour l’EP, Luid­ji a posé lui-même l’air. Je trou­vais ça beau, mais j’étais con­va­in­cu qu’une autre voix pour­rait être plus intéres­sante. Nous avons réfléchi et le nom de Némir est arrivé comme un bon com­pro­mis. Il a une voix très atyp­ique, comme un instru­ment de musique. Il a aimé le morceau tout de suite, mais il a mis beau­coup de temps avant d’arriver en stu­dio pour nous expli­quer que ce n’était pas ses tonal­ités. J’ai beau­coup insisté, mais il ne l’a jamais faite. Je lui ai donc fait posé des voix un peu partout et j’ai gardé celle sur Mau­vaise Nou­velle. Sur Manège, j’ai fais appel à Astrønne pour accom­pa­g­n­er Luidji.

Je trou­ve incroy­able de pou­voir être recon­nu de la sorte. Ce n’est pas le cas de tous les pro­duc­teurs. Cer­tains évo­quent presque l’EP comme un pro­jet commun.

Ryan Kof­fi

Tu sens une dif­férence d’engouement autour de toi ?

Com­plète­ment. C’était déjà énorme ce qui se pas­sait pour le pre­mier album, mais c’était surtout étalé sur un an. Il y avait de nou­velles per­son­nes qui nous décou­vraient tout les jours. Cet EP, c’est une con­fir­ma­tion. Nous étions atten­dus. Il y a eu des change­ments bêtes mais qui sont tout de même sig­ni­fi­cat­ifs, comme le fait que Luid­ji se soit retrou­vé en Top Tweet pour la pre­mière fois de sa vie par exem­ple, ou le fait qu’il arrive dans le Top Album. Ce n’est pas ce qu’on vise, mais c’est sat­is­faisant. La courte durée du pro­jet a aus­si ren­du l’écoute plus facile pour ceux qui ne nous con­nais­saient pas encore. 

Vis-à-vis de moi, je trou­ve incroy­able de pou­voir être recon­nu de la sorte. Ce n’est pas le cas de tous les pro­duc­teurs. Mon nom revient beau­coup, cer­tains l’évoquent presque comme un pro­jet com­mun et j’en suis très étonné. 

Depuis quelques années, la place don­née aux pro­duc­teurs et aux com­pos­i­teurs est plus impor­tante. As-tu aus­si cette impres­sion de recon­nais­sance nouvelle ?

Je crois que oui. Des médias comme Mouv’ font très bien ce tra­vail de décon­stru­ire des prods pour met­tre en avant notre tra­vail. Je pense aus­si que le pub­lic français n’est pas encore très sen­si­ble à cela. Avant, je le voy­ais comme un prob­lème, mais plus aujourd’hui. C’est une dif­férence cul­turelle avec un pub­lic comme celui des Etats-Unis qui est très curieux sur le sujet. Alors qu’en France, qui a pro­duit le hit Jolie Nana d’Aya Naka­mu­ra ? Peu le savent. C’est aus­si pour cela que je suis con­tent de tra­vailler avec Luid­ji. J’ai une recon­nais­sance impor­tante. J’ai aus­si l’impression que de plus en plus de rappeurs s’affichent avec un beat­mak­er iden­ti­fié. Lay­low et Dioscures, Damso et Prin­z­ly… Il y a de plus en plus de cohé­sion et on com­mence à le sentir.

Ta prox­im­ité avec Luid­ji que l’on observe notam­ment sur les vidéos des couliss­es de l’EP de Palace Mafia, c’est quelque chose dont tu as besoin pour être à l’aise dans le proces­sus de créa­tion du projet ?

Tout à fait. Je trou­ve cela néces­saire. Je me sens plus à ma place quand je tra­vaille de cette façon, plutôt que d’envoyer des prods à dis­tance à quelqu’un qui me recon­tac­tera seule­ment pour me faire écouter le morceau, peu importe mon avis. Je préfère être impliqué à 100 %, même si c’est seule­ment sur un titre. Aujourd’hui, j’ai une place impor­tante aux côtés de Luid­ji et c’est super cool ! 

Lorsque j’ai ren­con­tré Luid­ji, nous étions en train de pren­dre le même chemin artis­tique. Sa musique, c’est exacte­ment ce que j’aime faire et je ne l’ai pas trou­vé ailleurs en France.

Ryan Kof­fi

Tu as décou­vert Ludi­ji avec son morceau Marie-Jeanne. C’est une prod qui n’est pas de toi, mais pour­tant tu as réus­si à coller à cette musi­cal­ité en le rejoignant. Cela a‑t-il néces­sité une adap­ta­tion de ta part ou tu avais déjà ce style en toi ?

Lorsque j’ai ren­con­tré Luid­ji, nous étions en train de pren­dre le même chemin artis­tique. Nous étions dans la même optique et nous nous sommes com­pris directe­ment. Sa musique, c’est exacte­ment ce que j’aime faire et je ne l’ai pas trou­vé ailleurs en France. Une couleur unique et mélancolique.

Sur Insta­gram, un abon­né t’avais demandé : « Com­ment fais-tu d’aus­si belles mélodies », et tu lui avais répon­du : « Je suis triste ». C’est dans la mélan­col­ie que tu puis­es ton inspi­ra­tion ? Tu as d’ailleurs une com­po­si­tion à toi que tu as nom­mé Ivre de tristesse.

Je pense que je suis de nature triste. Je vis très bien avec et je ne sais pas com­ment l’expliquer. Je me rap­pelle même du pre­mier morceau sur lequel j’ai pleuré : Change, de Tupac. Pour que je vibre, il faut que la musique me touche et c’est comme ça que je suis le plus créatif.

Tu es quelqu’un de très énergique. Est-ce aus­si un car­ac­tère que tu utilis­es pour créer ?

Pas vrai­ment. Je pense que ça s’entendrait. D’ailleurs, en gran­dis­sant, je me rends compte que cette énergie est fausse. Elle vient cam­ou­fler autre chose. Tout le monde pense que je fais le con tout le temps, mais pas du tout (rires). !

Lorsque je bos­sais pour Dis­iz et Luid­ji en même temps, je me suis ren­du compte que je pre­nais beau­coup plus de plaisir avec Luid­ji en studio.

Ryan Kof­fi

De quoi est-ce que tu t’inspires ?

Kanye West, Slum Vil­lage, Out­kast, Michael Jack­son… Mais ce sont les sonorités de Drake qui m’ont don­né envie de faire des prods et notam­ment le morceau Fear. Je pense aus­si à Noah James She­bib, aka 40, qui pro­dui­sait pour lui à l’époque.

J’écoutais peu de rap français. C’est Dis­iz La peste qui m’a don­né envie de m’y met­tre avec l’album « This is the end ». Il est devenu mon rappeur préféré. Je pou­vais com­pren­dre ses textes et je m’y recon­nais­sais. Je n’étais pas trop un mec des gros mots (rires), et il n’était pas trop trash. C’était donc un bon com­pro­mis et il m’a touché. J’ai ensuite décou­vert des gars comme Yous­soupha, ou même Boo­ba assez récemment.

Tu as d’ailleurs précédem­ment col­laboré avec Dis­iz La Peste et tu as déjà expliqué qu’il était très affranchi dans sa méth­ode de tra­vail. C’est quelque chose dont tu ne veux plus, ce rap­port dis­tan­cié avec l’artiste ?

À la base, je ne ressen­tais pas cette dis­tance. C’était le pre­mier artiste recon­nu pour lequel je tra­vail­lais et j’étais signé sur son label. Ensuite, je me suis ren­du compte que ça ne con­ve­nait plus. J’ai tou­jours respec­té ce qu’il a fait, mais lorsque je bos­sais pour Dis­iz et Luid­ji en même temps, je me suis ren­du compte que je pre­nais beau­coup plus de plaisir avec Luid­ji en stu­dio, grâce à notre proximité.

Pens­es-tu con­tin­uer de plac­er ailleurs mal­gré tout ?

J’ai envie de col­la­bor­er avec d’autres artistes. Je n’ex­clus pas de retra­vailler un jour avec Dis­iz. J’ai un nou­veau statut et j’ai plus d’ex­péri­ence. Mon avis compte logique­ment dif­férem­ment auprès des artistes aujourd’hui.

Depuis com­bi­en de temps fais-tu du son ?

Depuis mes 14 ans. Je détes­tais l’école et j’ai arrêté tôt. Je ne sor­tais pas beau­coup, je ne fai­sais pas mes devoirs, donc je fai­sais de la musique tout le temps. Mon père était lui-aus­si beat­mak­er de méti­er et j’ai récupéré son clavier et son ordi­na­teur. J’ai com­mencé d’abord par ennui, avant de com­pren­dre que je pou­vais être créatif. J’ai rapi­de­ment progressé.

Mon rêve, c’est de faire de la musique de film. Met­tre de l’émotion sur de l’image, cela me ressem­ble plus.

Ryan Kof­fi

Tu n’as jamais écrit ou rappé ?

Si (rires) ! Mon pre­mier rap­port avec la musique, ce sont les textes. J’écrivais et je rap­pais de mon côté. J’avais d’ailleurs sor­ti une sorte de freestyle. J’ai même tourné un clip à Los Ange­les, mais sans me pren­dre au sérieux. Je sais que je pour­rais bien écrire, mais je n’aime pas ma voix. Lorsque j’avais signé avec Dis­iz, j’avais aus­si un con­trat d’artiste. Il voulait que je rappe mes textes et que je fasse un EP. Mais cela ne s’est jamais fait. J’avais enreg­istré des choses, mais je n’ai jamais ressen­ti le truc.

Par con­tre, ça me plairait d’écrire pour d’autres. Pour Luid­ji je fais surtout des toplines, c’est quelqu’un qui écrit seul.

Tu as quelques instru­men­tales sur les plate­formes. Est-ce que tu pro­jettes d’un jour racon­ter ta pro­pre histoire ?

On m’a sou­vent dit que ma musique était très visuelle, même s’il n’y a pas de mots. Je fais ma musique avec le cœur, quand j’en ressens vrai­ment le besoin. Je pense que ça vient de là. Les morceaux que j’ai sor­ti retran­scrivent surtout des émo­tions que j’ai ressen­ties. Je vais en sor­tir d’autres, mais mon pro­jet c’est surtout de faire pos­er des gens sur mes prods et d’articuler un pro­jet multi-artistes.

J’y tra­vaille et j’ai déjà les artistes que je souhaite inviter. J’imagine une track­list assez courte avec sept ou huit titres, mais je prends mon temps. Et mon rêve, c’est de faire de la musique de film. Met­tre de l’émotion sur de l’image, cela me ressem­ble plus.

Com­ment envis­ages-tu la suite ?

Je suis con­finé chez moi, avec ma mère. Nous man­geons pleins de choses (rires). Je n’ai pas trop envie de faire de musique parce que la péri­ode ne s’y prête pas trop. J’ai beau­coup de prods de côtés et si j’ai la moti­va­tion, je me pencherais sur mon EP !

Sera-tu le chef d’orchestre de « Trsitesse Busi­ness 2 » ?

Peut-être ! J’ai hâte.

« Bos­co­lo Exe­dra », pro­duit par Ryan Koffi.

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