Mosaïque

James Loup est le pro­duit d’une généra­tion forgée par la tech­nique et les rimes mul­ti­syl­labiques des open-mics lyon­nais. Une généra­tion qui a gran­di et pris en matu­rité, tout comme son art. S’il a com­mencé à rap­per en col­lec­tif, James Loup, anci­en­nement Sev­en, attend d’ar­riv­er en solo pour déploy­er toute l’envergure de son style. Intro­spec­tif, authen­tique et poé­tique, de ses pre­miers pas dans le rap der­rière une caméra en tant que clippeur, le jeune artiste lyon­nais garde une approche imagée de sa musique. Plongée dans l’univers ciné­matographique d’un rappeur-réalisateur.

Entre la sor­tie de ton dernier pro­jet « Je veux » et ton retour en sep­tem­bre avec le clip Le type dans le reflet, il s’est écoulé plus d’un an sans que rien ne sorte. Que s’est-t-il passé pen­dant tout ce temps ?

C’était le temps qu’il fal­lait pour que je sois sûr de ce que je voulais pro­pos­er. Je con­sid­ère qu’en terme de développe­ment, j’aurais même pu pren­dre un an en plus. Ça ne change rien parce que per­son­ne ne m’attend vrai­ment. Pour moi, c’est tou­jours trop tôt et jamais trop tard pour arriver.

Tu as aus­si changé de nom de scène. Qu’est ce que cela sig­ni­fie pour toi ?

J’ai voulu chang­er d’identité de façon rad­i­cale. Mon pseu­do­nyme « Sev­en » était relié au freestyle, à l’é­gotrip, et au rap issu d’un col­lec­tif. Mais il n’y avait pas vrai­ment d’identité der­rière ce nom. Je ne pro­po­sais pas grand-chose. Choisir mes vrais prénoms : « James » et « Loup » était donc plus logique puisque la musique que je pro­pose est beau­coup plus intro­spec­tive, pro­fonde et authentique.

« Mon prochain pro­jet s’appellera « LUI », comme si je par­lais de moi à la troisième per­son­ne. J’essaie de savoir ce que je suis vrai­ment. »

James Loup

Pour­tant, « Je veux » était déjà un pro­jet très intime.

« Je veux », c’était les prémices de ce qui se passe. Ce sont des morceaux que j’avais en poche et que j’avais envie de sor­tir. Il y avait une nar­ra­tion autour de l’enfance qui se dégageait de ces quelques titres. Une his­toire autour de ce rêve brisé qu’est l’entrée dans le monde adulte. C’est tou­jours cohérent avec ce que je veux pro­pos­er aujour­d’hui. C’est sim­ple­ment plus réfléchi. Je me suis per­mis d’aller plus loin dans ce que je voulais dire, notam­ment à pro­pos de moi. On va dire que ça a maturé.

James Loup sor­ti­ra son deux­ième pro­jet solo début 2021. Crédit : FACETS.

Au bout de cette suite logique, c’est la sor­tie d’un nou­veau projet ?

Oui ! Il devrait arriv­er en mars 2021. J’avais envie de me livr­er. Sur un plan per­son­nel, déjà, ça me fait du bien. Je me décou­vre peu à peu en écrivant et en faisant de la musique. Mon prochain pro­jet s’appellera « LUI », comme si je par­lais de moi à la troisième per­son­ne. J’essaie de savoir ce que je suis vrai­ment. C’est une recherche perpétuelle.

As-tu pen­sé ce pro­jet comme un album ?

J’ai une approche très nar­ra­tive de ma musique et il sera ficelé tel un album avec un fil rouge, un peu comme avec « Je veux ». J’ai fait en sorte qu’il n’y ait aucun morceau qui ne sorte de la con­ti­nu­ité du pro­jet. Mais je préfère le présen­ter comme un EP. Un EP cohérent avec une trame. C’est un dix titres qui com­prend les morceaux que l’on a com­mencé à clip­per. C’est un pro­jet réal­isé en famille. Il y a seule­ment un fea­tur­ing et c’est Toc Toc avec Azaria, un des rappeurs issu de Nar­colec­tif (l’an­cien col­lec­tif de James Loup, NDLR).

Ton retour se matéri­alise par la sor­tie de clips soignés. L’image occupe une place de choix dans ta démarche ?

J’accorde vrai­ment beau­coup d’importance à l’image et aux clips car c’est ce que je fai­sais avant la musique. Je créais des petits films et des court-métrages dans mon coin et j’étais en option ciné­ma au lycée. J’ai tou­jours été pas­sion­né par la prise de vue. J’écris, je réalise et je monte la plu­part de mes clips. Je trou­ve ça intéres­sant d’allier le visuel et l’écriture. Dans mes textes aus­si, j’essaie de con­stru­ire un univers ciné­matographique dans la nar­ra­tion avec des punch­lines imagées.

Quelles sont tes inspi­ra­tions dans la réalisation ?

J’essaie d’apporter ce côté cliché des séries B améri­caines, un peu à la « True Romance » de Tony Scott voire presque Taran­ti­no. Je trou­ve que cela s’ac­corde avec l’image que j’ai envie de don­ner, avec de la prise de vue grossière et un étalon­nage tech­ni­col­or américain.

Et con­cer­nant les clips ? 

J’aime beau­coup ce que fait Valentin Petit, notam­ment le clip Dog­gy Bag pour Prince Waly. J’ap­pré­cie aus­si le tra­vail d’Adeus Film avec Adrien Lagi­er et Ous­mane Ly. C’est claire­ment ce que je souhait­erais avec des moyens. Par­tir un peu en vrille.

Et je pense à mon pote Mar­ty­pour­cent, un clippeur avec une petite renom­mée sur Lyon. Il a une vraie pat­te. Nous avons déjà fait un clip ensem­ble et j’en ai plusieurs qui sont en cours. C’est l’une des rares per­son­nes à qui je délègue presque toute la réal­i­sa­tion. J’écris avec lui et ensuite il prend les rênes.

James Loup écrit, réalise et monte la plu­part de ses clips. Crédit : FACETS.

Au milieu de la réal­i­sa­tion de tes images, com­ment organ­is­es-tu ton tra­vail sur le texte ?

J’écris pen­dant des petits voy­ages quo­ti­di­ens, mais j’essaie de m’imposer le moins de cadre. Je pars générale­ment de l’instrumental et de l’inspiration que les sonorités me pro­curent. J’essaie de ten­dre le doigt vers le ciel comme une antenne pour capter les trucs qui me vien­nent, de la façon la plus instinc­tive et la plus spon­tanée pos­si­ble. Le pro­duit final n’est pas donc trop explicite, comme un morceau à thème. Je préfère un titre basé sur le ressen­ti et l’émotion.

« Je pense qu’il n’y a pas besoin d’avoir une grosse caméra ou un gros bud­get. Ce qui compte, c’est ce que tu filmes et ce qui se passe devant la caméra ou devant le micro. »

James Loup

C’est une démarche authen­tique. Fini la tech­nique pour la technique ?

Il y a des out­ils que l’on ne peut pas met­tre de côté, comme la tech­nique. Mais ils doivent servir le pro­pos. Je rappe depuis qua­tre ans et je me suis éclaté à faire plein de textes égotrips, de mul­ti­syl­labiques et tous les sché­mas de rimes pos­si­bles. Finale­ment, je me rends compte que ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je trou­ve cela assez creux et artificiel.

Je réfléchis mes clips de la même manière. Je pense qu’il n’y a pas besoin d’avoir une grosse caméra ou un gros bud­get. Ce qui compte, c’est ce que tu filmes et ce qui se passe devant la caméra ou devant le micro. La forme, c’est un bonus qui peut venir vernir le tout. 

Quels sont les artistes qui t’inspirent dans l’écriture ?

Je ponce pas mal de Ichon. Son morceau Miroir (« Pour de vrai ») est com­plète­ment dans la thé­ma­tique du pro­jet que je vais sor­tir. J’ai écouté l’album de Gaël Faye ce matin et j’ai bien kif­fé, alors que je n’avais jamais écouté avant. Je suis aus­si un mor­du de SCH et de ses punch­lines très imagées qui tran­spirent la sincérité. Il est très ciné­matographique dans son approche. J’ap­pré­cie égale­ment la musique de Népal, plus sur la forme que sur ce qu’il racon­te. J’ai sou­vent un peu du mal à tout saisir. 

James Loup, lyon­nais, revan­chard et fier. Crédit : FACETS.

Tu es arrivé à Lyon au lycée, pour­tant c’est une ville avec laque­lle tu es pro­fondé­ment lié. Pourquoi ?

Je m’affilie beau­coup à cette ville parce qu’il y a un état d’esprit revan­chard vis-à-vis des parisiens qui imprègne ma démarche. Nous faisons tout par nous-même car nous avons moins d’ac­cès aux maisons de dis­ques et aux cir­cuits de pro­duc­tion. Il y a cette volon­té de pren­dre ma caméra et de cho­quer tout le monde en l’ayant fait home­made. Il y a ce men­tal lyon­nais et cer­tains artistes, comme Lyon­zon, réus­sis­sent par eux-même à force de travail.

Pour­tant, tu t’ouvres aus­si à l’extérieur de Lyon ?

Oui, je ne suis pas fer­mé pour autant. Pour ce qui est des instru­men­tales, je bosse à dis­tance avec Loo et Placido, qui sont sur Paris, depuis presqu’un an. Nous ne nous sommes pas encore ren­con­trés, mais ils ont pro­duit la moitié de l’album. Par con­tre à Lyon, je bosse avec un gars qui s’appelle Johan Putet. C’est un peu le par­rain du projet.

Com­ment envis­ages-tu la suite ?

Tant que je fais ce que j’aime, j’ai déjà réus­si. C’est ma philoso­phie. Même si je souhaite que ma musique marche, je n’ou­blie pas qu’à la base je m’é­clate juste à faire des morceaux et des clips qui son­nent bien. Je pense le moins pos­si­ble à la suite parce que c’est un gros pari. Pour le moment, j’in­vestis plus que je ne reçois et ça vaut le coup. J’aime ma vie en ce moment.

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